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Violence programmée

mafia antimafia

mafia = violence programmée

Dimanche 28 septembre 2008, à Sinopoli, une petite ville de l’arrière pays de Reggio en Calabre (voir carte), deux automobilistes se disputent pour une place de parking.
L’un d’eux sort un pistolet de calibre 7,65 mm et tire cinq balles. Deux atteignent l’autre conducteur. L’assassin, Domenico Marsetti, un délinquant non mafieux de 32 ans, réalise trop tard la portée de son geste. Il vient d’assassiner le gendre du « boss » de la zone, Carmine Alvaro.
Domenico file vers  Rome.

En attendant, des membres de la famille de la victime arrivent sur les lieux du drame. Ils transportent Domenico Cutri à l’hôpital mais il est trop tard. Le jeune homme de 36 ans décède.

Là, l’histoire prend une tournure mafieuse. Les parents déposent le corps de la victime devant le cimetière. Pourquoi ? Pour gagner du temps sur la justice de l’Etat italien.

La famille en question est une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Elle contrôle le territoire et elle doit faire acte de vendetta (vengeance) elle-même. Il en va de sa réputation, de sa survie. Elle interroge les patrons de bars, donne deux coups de téléphone et le tour est joué. Un commando est en route. Certainement dès lundi, il retrouve l’assassin. Tarif : une balle dans la nuque.

Il ne s’agit pas d’une simple histoire de vendetta mais le résultat d’une « violence programmée » (CDS, Umberto Santino) dans laquelle l’Etat italien a été relégué à une entité inférieure à celle de la mafia : une mafia capable de rendre une justice foudroyante.

Guet-apens contre un capo-bastone en Aspromonte

Le 23 juillet 2008, à 9h30 dans la commune de Santo Stefano dans les montagnes de l’Aspromonte en Calabre, Rocco Musolino et Agostino Priolo se déplacent dans leur véhicule. Là, deux hommes embusqués tirent plusieurs coups de fusil de chasse. Une des armes s’enraye et les sicaires abandonnent leurs armes sur place (photo en haut). Les vctimes sont blessées légèrement, le conducteur ayant eut la présence d’esprit d’accélérer et de se rendre à l’hôpital (pas le plus proche…).

Les carabiniers ne privilégient aucune piste pour l’instant mais ce guet-apens pourrait être d’essence mafieuse. En effet, Rocco Musolino, 81 ans, appartient à une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise, en l’occurence la ‘ndrine Serraino ( De la mafia calabraise, de la mémoire et des femmes). Il serait même un chef de famille : un capo-bastone. Dans les années quatre-vingt dix, Rocco Musolino a été arrêté dans le cadre des procès Olimpia. Les procès Olimpia 1, 2 et 3 sont les plus importants procès concernant la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. La justice italienne soupçonnait Rocco Musolino d’être l’un des commanditaires de l’assassinat de Giorgio De stefano, survenu en 1977. Giorgio De Stefano était un chef de famille mafieuse de Reggio. En première instance, Rocco Musolino fut condamné à la prison à vie. Innocenté en appel, il a été reconnu coupable d’extortion de fonds à l’issue d’une autre procèdure diligentée à son encontre.
Le mobile de ce guet-apens, même mafieux, demeure inconnu. D’après les premiers éléments de l’enquête, il ne peut s’agir d’une erreur puisque les tireurs ont identifié la voiture et vu leurs cibles. Il ne s’agirait pas d’un avertissement. Les enquêteurs ont retrouvé trois lettres de menace au domicile de Rocco Musolino. L’emploi d’un fusil de chasse fait pencher mon interprétation vers un conflit de générations. De jeunes « boss » veulent prendre le pouvoir. Rocco Musolino ne veut rien lâcher de ses prérogatives et de son trésor caché. Les prétendants décident de le tuer tout en respectant la stature de leur proie. L’utilisation d’un fusil de chasse à canons sciés, une arme traditionnelle dans la mafia, devait rendre un dernier hommage au « roi de l’Aspromonte ».

Exécution dans le centre de Bari

Lundi 21 juillet 2008, il est 20h. La rue Palazzo di Citta dans le vieux Bari est emplie de passants. Deux personnes surgissent et tirent sur un repris de justice : Giovanni Peschetola. Des balles traversent la vitrine d’une brasserie et la gérante s’évanouit. Il semble que la victime sortait en courant d’un appartement. Peschetola avait peut-être rendez-vous avec ses assassins. Ou bien, les protagonistes se sont disputés et cela s’est terminé à « la sauce mafieuse ». En effet, la victime est proche d’un chef de groupe du clan des Strisciuglio. Ce clan de la Sacra corona unita, la mafia de la région de Pouilles, contrôle les affaires illicites dans le quartier Libertà qui est limitrophe du centre historique de Bari. Comme la Camorra napolitaine, la Sacra corona unita fait un usage « excessif » et peu calculé de la violence.

Antonino, 3 ans : victime « collatérale »

Vendredi 6 juin 2008, deux personnes circulent sur un scooter dans les rues de Melito Porto Salvo en Calabre. Le passager sort un pistolet de calibre 7,65 mm et tire deux coups de feu dans la direction d’un cycliste. Celui-ci réagit en lançant son vélo sur ses agresseurs qui prennent la fuite.
La victime, Francesco Borrello, 50 ans, a reçu une balle dans la jambe et ses jours ne sont pas en danger. Francesco Borrello est un repris de justice. Il venait de sortir de prison. En 2004, il avait tué deux personnes. La justice l’avait condamné à 16 ans de prison selon une procédure abrégée, ce qui veut dire que l’accusé avait reconnu les faits pour obtenir une peine plus légère. Par la suite, la Cour d’assise d’appel avait réduit la peine à trois ans et quatre mois lui reconnaissant la circonstance atténuante de la légitime défense.
Les journaux n’osent pas qualifier ce guet-apens de règlement de compte mafieux. Pourtant l’hypothèse la plus probable est la suivante :
Francesco Borello est lié à une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Il tient une salle de jeux. Au mois d’avril 2004, il doit mourir mais ses agresseurs tombent sur un os. Francesco Borello en tue deux et en blesse un autre. Les commanditaires patientent et décident de frapper une nouvelle fois.
Le sociologue Umberto Santino (CDS) appelle cela la « violence programmée ». La mafia est une « institution juridique » qui conteste la justice de l’Etat. En 1986, la ‘ndrine De Stefano envoie un soldat assassiner un des tueurs du chef Paolo de Stefano. Là, à côté du tribunal de Reggio, le sicaire, froid et calme, fait son chemin au milieu de la foule : « Pardon M. l’avocat, vous voulez bien vous écarter ». Puis, il tire et repart comme il était venu.
Vendredi dernier, une des balles a fini sa course dans la gorge d’un enfant âgé de trois ans qui donnait un spectacle scolaire de fin d’année. Le projectile est encore dans son cou et les médecins ne sont pas optimistes. Retrouvez les images de la scène de crime en cliquant sur ce lien.

Je dédie cet article à un ami. Le 15 août 1985, par une nuit chaude du sud de la France, je l’attendais. En sortant de chez lui, il a reçu deux balles à bout portant. Aux dernières nouvelles, un des projectiles est encore logé à la base de sa boite crânienne. En espérant qu’il en sera ainsi pour le petit garçon de Melito Porto Salvo.

Guet-apens contre la ‘ndrine Mancuso

CalabreMardi 27 mai 2008, à Nicotera en Calabre, Romana Mancuso, 62 ans, et son fils Giovanni Rizzo, 36 ans, circulent à bord d’un véhicule lorsque plusieurs coups de feu éclatent. Les deux occupants sont grièvement blessés mais vivants. Romana Mancuso fait partie la très puissante ‘ndrine du même nom. Cette famille mafieuse est originaire de Limbadi dans la province de Vibo Valentia. La ‘ndrine Mancuso a subi une forte répression de la part des forces de l’ordre. La commission parlementaire antimafia de 2001-2006 s’est également intéressé à elle.
Les mobiles de ce guet-apens ne sont pas évidents. Pourquoi s’en prendre à deux personnes simultanément ? Pourquoi ne pas avoir achevé les victimes comme le font habituellement les tueurs de la mafia ? Cela ressemble à un avertissement. Affaire à suivre.

Camorra Murder : number 26

On the 6th of May 2008, via Regina Margherita, a street in Secondigliano district, Pasquale Salomone, 45 years old, was waiting for someone  when two hired killers arrived. Then, they shot to death Pasquale Salamone. The victim was linked to the Licciardi clan. This napolitan mafia family is a very powerful one. The Licciardi mob organisation is inside a cartel namned « Alleanza di Secondigliano » (Secondigliano ‘s alliance). This criminal  ssociation controls the north suburbs of Napoli. See the map above.
A citizen has been injured by a bullet during this mafia operation. But, in Italy, innocents are always specific. And naturally, there is no witness…
It is the 26th Camorra’s killing since the beginning of the year.

De la mafia calabraise, de la mémoire et des femmes

Dimanche 4 mai 2008, à Reggio Calabre, Antonio Gulli, 40 ans, ancien repenti, gère une petite salle de jeux dans le rione (quartier) Modena. Deux tueurs s’approchent tirent 5 coups de pistolet. Trois atteignent la victime au thorax : fatal. Les enquêteurs ont interrogé les nombreuses personnes présentes sur les lieux (photo à gauche) mais aucune d’entre-elle n’aurait assisté à la scène…

Antonio Gulli était membre de la ‘ndrine Serraino, une famille du centre de Reggio mais qui tire sa force de son implantation à Milan. Là, dans les années soixante, débarque Maria Serraino. Elle fait 12 enfants. Avec huit de ses « enfants soldats » et leur cousin, elle dirige en marâtre une ‘ndrine. Elle contrôle un quartier de la capitale économique de l’Italie.
A la fin des années quatre vingt dix, une de ses filles se rebelle et se repentit. Maria Serraino est condamnée à la prison à vie. A la même période, Antonio Gulli sort de la mafia calabraise et collabore avec la justice, ce qui entraîne des arrestations au sein de la ‘ndrine Serraino. En 2002, Antonio Gulli arrête de collaborer avec la justice et retourne à une vie « normale ». Il est abattu en mai 2008 !

Conclusions :
La mafia a la mémoire longue. En 2006, un agriculteur a été assassiné par la ‘Ndrangheta. Il avait dénoncé ses racketteurs huit ans auparavant. En France, il y a encore des spécialistes de la mafia qui expliquent que les femmes n’ont pas de rôle dans l’univers mafieux.

PS : Pourquoi Antonio Gulli a t-il été tué avec une arme de poing, de face et devant témoins alors que d’autres victimes de la mafia calabraise ont été tuées à la Kalachnikov ou par le biais d’explosifs (art. 47 et art. 52) ?

La Camorra punit les repentis

Vendredi 2 mai 2008, il est 6 h du matin. Umberto Bidognetti, 69 ans, se rend à la ferme pour travailler quand des deux sicaires tirent 12 coups de pistolet. Nous sommes à Castel Volturno dans la province de Caserta au Nord de Naples. On peut voir la carte de cette province à gauche. Dans la zone de Castel Volturno, le clan des Casalesi régne en maître (voir art. 18 et art. 19).
La victime, Umberto Bidognetti n’est pas connue des services de police et n’a pas de casier judiciaire. Malheureusement pour elle, elle n’est pas hors de la mafia. Premièrement, Le défunt est un cousin de Francesco Bidognetti, un des chefs des Casalesi actuellement en prison. La victime est surtout le père de
Domenico Bidognetti, un élément important du clan des Casalesi qui collabore avec la justice. Non seulement Domnico Bigognetti raconte les secrets du clan à la justice, mais il déclare «  la Camorra est un mal absolu et les camorristes sont simplement des bouffons »

Umberto Bidognetti a, donc, été tué à l’âge de 69 ans parce que son fils est un repenti. Le clan des Casalesi punit le traître en tuant son père. On appelle cela une « victime transversale ». Par ailleurs, les chefs envoient un message à l’intérieur de leur clan pour empêcher d’autres collaborations avec l’Etat.
Déjà, le 9 décembre et le 30 avril, le clan Gionta de Torre Annunziata a fait assassiner les deux frères du collaborateur de justice, Aniello Nasto. A chaque fois, des passants ont été blessés pas balles.
La mafia ne respecte ni les innocents ni les Anciens.
Pas de lutte antimafia sans repentis !
La violence mafieuse est un langage.

A la kalachnikov!

Mercredi 30 avril 2008, à l’aube et comme tous les matins, Gino Benincasa, 65 ans, sort de sa villa près de Lamezia Terme dans la province de Catanzaro. Il est au volant de son fourgon réfrigéré et vient d’attacher sa ceinture quand deux sicaires surgissent et tirent 15 coups de Kalachnikov. Manifestement, les tueurs connaissaient les habitudes de leur proie. Gino Benincasa, important entrepreneur dans le secteur de la distribution de poisson est décédé sur le coup. Ses accointances avec les ‘ndrines, les familles mafieuses calabraises, lui ont été fatales.

La police antimafia considérait la victime comme proche d’une famille mafieuse. Dans les années quatre vingt dix, Gino Benincasa était conseiller municipal pour le Parti Socialiste Italien à la mairie de Lamezia Terme. En 1992 et 2003, le ministère de l’Intérieur avait dissous le conseil municipal pour infiltration mafieuse. A deux reprises le nom de l’entrepreneur était cité pour ses liens avec la mafia. Gino Benincasa était soumis au contrôle judiciaire. En 2003, il avait été arrêté avec son fils. Il était accusé d’extorsion. Acquitté en première instance, il attendait la décision de la Cour d’appel.

Le business de la grande distribution des produits agro-alimentaires a augmenté de 3,6% en Calabre ; un chiffre supérieur aux autres régions du Sud de l’Italie. Les familles mafieuses se disputent l’approvisionnement des marchés et des grandes surfaces. Les ‘ndrines tuent souvent l’entrepreuneur d’une famille rivale pour freiner son expansion.
Il s’agit du troisième entrepreneur calabrais assassiné en quelque mois (art. 47, art. 35, art. 26).

Hypothèses du policier antimafia

A partir de l’attentat commis sur le chef d’entreprise dimanche dernier (art. 47), jouons au jeu de la devinette de ‘Ndrangheta à partir des concepts de territoire, de sang, de mariage, d’argent et d’explosif. Informations incontournables : l’entrepreneur Antonio Princi possède de nombreux magasins dans la ville de Gioia Tauro. Il est donc économiquement lié aux ‘ndrines Piromalli-Molé qui opèrent dans cette ville.

Première hypothèse :
Ces derniers temps, la victime avait ouvert des magasins à Rizziconi dans l’arrière pays de Gioia Tauro. Ses nouvelles activités ont pu faire de l’ombre à la puissante ‘ndrine Crea qui opère à Rizziconi. Dans ce cas, le lieu de l’attentat est important. Soit la ‘ndrine Crea avait l’autorisation des familles de Gioia Tauro pour poser la bombe sur leur territoire, ou bien elle ne l’avait pas. Dans le deuxième cas de figure, c’est la guerre entre les familles de Gioia Tauro et celle de Rizziconi.

Deuxième hypothèse :
Au sein du cartel Piromelli-Molé de Gioia Tauro, ce serait déjà la guerre. Ainsi, expliquerait-on le meurtre de Rocco Molé le 1er février dernier. Rocco Molé, 42 ans et chef de la ‘ndrine Molé, était sur le point d’être condamné à la prison à vie. Les Piromalli auraient fait assassiner Rocco Molé. Les Molé auraient mis hors circuit l’entrepreneur qui est peut-être davantage lié aux Piromalli.

Troisième hypothèses :
L’entrepreneur est marié à une femme dont le père fait partie de la ‘ndrine Mammoliti de Castallace, une autre commune de l’arrière pays de Gioia Tauro. Dans la ‘Ndranghetà, le mariage est un lien indélébile.
Dans le cadre de la conception d’un enfant, le sang de celui-ci représente le mélange du sang des deux parents. Les familles mafieuses de ces derniers n’en font plus qu’une.
La ‘ndrine Mammoliti a peut-être fait assassiner Rocco Molé en février. Les Piromalii-Molé se seraient vengés sur l’entrepreneur.


On peut faire d’autres hypothèses, mais cela serait oublier qu’en Calabre, plus des trois quarts de la population est honnête et subit la ‘Ndranghetà.

Dimanche, la voiture du commandant des Carabiniers de la ville de Stilo a été incendiée.

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