Articles avec le tag ‘relations politico-mafieuses’
La folle semaine de la ‘Ndrangheta et de ses complices…
2. Un vote = 40 euros
Toujours le 25 novembre, dans le cadre de l’opération Perseus, les magistrats ont apporté des éléments de preuve concernant les complicités politiques dont bénéficient les mafieux. En effet, d’après plusieurs collaborateurs de justice, le chef mafieux Francesco Russelli, aurait appuyé un homme politique au cours des dernières élections locales de 2006. Dans le secteur de Panapice, le clan aurait scellé un accord avec le candidat Giuseppe Mercurio (Democratici di Sinistra) qui a été élu sur une liste par 450 voix de préférence (l’électeur italien peut choisir des noms sur une liste selon ses préférences…). A chaque fois que le candidat obtenait 50 voix, le clan était rémunéré de 2 000 euros soit 40 euros pour chaque vote. Ce procédé est réprimé par la loi, article 416 ter du code procédure pénale italien. Le délit d’échange électoral politico-mafieux a été voté en 1992 après la chute de l’Urss. L’Etat italien, qui n’avait plus besoin de la force électorale mafieuse qui avait permis de contenir le communisme pendant 50 ans, fit un geste symbolique.
En réalité, ce délit est rarement constaté par la justice. Les mafieux font élire des hommes politiques qui, une fois élus, attribuent des appels d’offre aux entreprises contrôlées par les clans. Peut-être s’agissait-il de vérifier que les mafias sont toujours capables de faire élire un politicien ? Pari gagné.
Le terrorisme mafieux dans la crise du système politique italien
Analyse géopolitique des relations « politico-mafieuses » après la chute du mur de Berlin,
revue de l’Institut de Recherche de L’European Business school, n°11, 2008
Entre 1992 et 1993, Cosa nostra sicilienne commet pas moins de 7 attentats dont celui de Florence en 1993 (en photo) ; des attentats déjà évoqués le 12 janvier 2002 au cours d’un colloque et qui ont fait l’objet d’une attention particulière dans un article tiré d’un thèse (cf. Mafias italiennes et relations internationales) :
La fin de la confrontation « Est-Ouest », entraîne dans sa chute le « système politico-mafieux » d’après-guerre et la « première République » (1945-1992)1. Au cours de la « deuxième République », les mafias italiennes perdent l’importance qu’elles ont eu sur la scène politique et militaire dans la stratégie américaine du containment visant à empêcher tout pays du monde libre à basculer dans le communisme.
Les années quatre-vingt dix sont d’abord marquées par une confrontation entre la justice, les organisations mafieuses et une partie de la classe politique. De 1992 à 1994, l’Italie connaît une phase d’instabilité politique et économique. De nouvelles lois, un relatif renouveau de la classe politique amène à penser qu’une « seconde République » est née. Ce contexte permet une offensive des magistrats contre les organisations mafieuses et leurs complices. Face à ce nouveau rapport de force, la mafia s’adapte et reconquiert les alliances politiques. L’alibi de la lutte contre le communisme qui freinait la répression contre les mafias semble caduc. Les politiques ne sont plus en mesure de garantir l’impunité des mafieux. Les relations-politico-mafieuse semblent entrer dans une nouvelle ère.
Les magistrats profitent de ce vide politique et de la remise en cause de la loi du silence pour infliger des coups sérieux aux organisations mafieuses. La réponse de la mafia se résume à une stratégie terroriste. Par la suite, les victoires étatiques comme la terreur mafieuse ont peut-être laissé place à une nouvelle forme de pacte.
La suite :
1 La notion de changement de République en Italie ne repose pas sur une rupture constitutionnelle comme c’est le cas en France.
L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias
Au printemps dernier, Naples croulant sous les déchets, le monde ne voyait plus l’Italie comme le pays des musées. Une élection et une compétition de football après, un constat s’impose, l’Italie est le pays des «écomafias».
L’écomafia. Le mot apparaît en 1999 pour désigner les activités criminelles qui portent atteinte à l’environnement. On parle aussi de la criminalité environnementale. Pour l’année 2007, Legambiente, une association pour la protection de l’environnement, estime que les écomafias ont rapporté 18 milliards d’euros, dont plus de 50% aux quatre mafias italiennes. Les écomafias renforcent le pouvoir de la mafia sur son territoire et elles dynamisent leurs liens avec les institutions et avec les acteurs économiques.
«Archeomafia». Le mot désigne les trafics d’œuvres d’art par la mafia qui prélève souvent son butin à la source, sur les sites archéologiques.
«Zoomafia». Les mafieux organisent des courses clandestines de chevaux, des combats de chiens, et gèrent les paris clandestins ainsi que la commercialisation des produits dopants. Quoi de plus ? La zoomafia met facilement en évidence le contrôle mafieux du territoire. Les courses des chevaux se déroulent sur les routes départementales ou sur les plus importantes artères des villes, expressément fermées au trafic. Ainsi, en 2004, une course a même eu lieu sur le périphérique de Palerme !
Le «cycle du ciment». Ce circuit criminel regroupe les constructions sans permis, l’excavation illicite de matériaux de construction, comme le sable ou la terre, et l’infiltration des appels d’offres. En Italie, on commence d’abord par faire construire sa maison sans permis, ensuite on vote pour le centre droit qui promulgue une loi de régularisation. L’annonce de la régularisation incite alors les citoyens à construire sans permis. Et la droite reste au pouvoir…
Le «cycle des déchets» ou l’icône de la criminalité environnementale. Le système économique italien produit chaque année environ 108 millions de tonnes de déchets. Il s’agit de 28 millions de tonnes de déchets domestiques et de 80 millions de tonnes de scories industrielles. Pour la plupart, ces déchets ne sont pas traités. Une seule politique : la mise en décharge. Parfois ils sont emballés en attendant que l’on trouve le moyen de les traiter comme sur la photo.
Les entrepreneurs du Nord ont organisé le traitement illégal de leurs déchets :
– toxiques: ils sont déclassés à un niveau de dangerosité inférieur et sont déposés dans des décharges légales, ou bien ils sont employés comme fertilisants; ils peuvent aussi être abandonnés dans des hangars de propriété inconnue.
– classiques: ils sont déposés dans des décharges illégales. L’Italie en est parsemée. Celles-ci sont en général des carrières dont les entreprises «marrons» se servent pour s’approvisionner en sable, en terre ou en pierre, dans le cadre de cycle du ciment. Les déchets remplacent alors les matériaux de construction. En remplissant ces trous béants avec des déchets, les criminels dissimulent les excavations illégales.
– Enfin, les déchets peuvent être brûlés comme c’est le cas, notamment, en Campanie. La culture de l’illégalité étant généralisée en Italie, les dirigeants d’entreprises publiques se débarrassent aussi de leurs déchets avec l’aide de la mafia. Les écomafias sont un parfait exemple de convergence entre les mafias, les milieux économiques et des secteurs de l’administration.
Un cas d’école. La région de Naples est la plus peuplée d’Italie. Le tri sélectif s’élève à moins de 5 %. Les décharges publiques sont saturées. Les compagnies de ramassage des ordures sont souvent aux mains des clans de la Camorra bénéficiant d’un réseau de complicités. Les entreprises de la Camorra vont chercher les déchets du Nord et les déversent dans des décharges légales et illégales. Un repenti de la Camorra napolitaine déclarait devant la commission parlementaire antimafia : «Les ordures valent plus que l’or.»
Dans l’arrière-pays napolitain, seul le clan contrôlant sa zone a le droit de déverser des déchets. Celui qui le ferait sans l’autorisation de la famille mafieuse serait puni de mort. Ainsi à Ponticelli, le clan Sarno sous-traitait les écomafias à la communauté rom. Le clan faisait payer le pizzo, l’impôt mafieux, aux Roms pour les autoriser à habiter des baraques de fortune. Les mafieux permettaient aux Roms de faire le tour des petites entreprises pour récupérer les matériaux polluants età les en débarrasser contre une dizaine d’euros.
Le clan des Casalesi a recouvert la province de Caserta de décharges illicites. Désormais, de grandes quantités de déchets, surtout liquides et inflammables, sont brûlées pendant la nuit, libérant de la dioxine dans l’atmosphère. Nombre d’animaux des fermes environnantes ont été empoisonnés par les retombées chimiques. Les instances sanitaires ont fait abattre les animaux et ont retiré du marché les produits afférents à leur exploitation.
Biutiful cauntri. C’est un documentaire choc qui sort aujourd’hui dans les salles françaises (1). On y voit l’arrière-pays napolitain saturé de décharges. Il illustre le problème national de sécurité et de santé publique posé par les écomafias. En effet, le taux de cancer dans l’arrière-pays de Naples est le plus élevé d’Italie.
Les caméras d’Esmeralda Calabria, la réalisatrice, filment les camions venus du Nord pour décharger des scories industrielles
sur des terrains fertiles. A l’aide d’écoutes téléphoniques, on peut entendre le cynisme d’une criminalité en col blanc qui fait alliance avec les mafieux sur l’autel de la rentabilité. Dans une scène-clef du film, un militant pour l’environnement demande à visiter une décharge publique. Le vigile lui refuse l’entrée au motif qu’il s’agit d’une propriété privée !
Et pourtant, on garde espoir. Raffaele del Giudice, le Don Quichotte du film, démontre que la société napolitaine dispose
d’anticorps pour sortir de cette situation, mais la volonté politique manque…
« L’écharde mafieuse » au sein de la gauche italienne
Mirello Crisafulli, sénateur élu lors des dernières élections législatives, appartient au Parti Démocrate (PD), le parti de centre gauche italien désormais dirigé pas Walter Weltroni. En 2001, Mirello Crisafulli rencontre l’avocat mafieux Raffaele Bevilacqua dans un hotel de Pergusa, une ville de la province d’Enna en Sicile. Les carabiniers, qui surveillent Raffaele Bevilacqua, filment par hasard la réunion entre l’homme politique de gauche et le mafieux name= »sdfootnote1anc » href= »http://srv03.admin.over-blog.com/#sdfootnote1sym »>1. La vidéo est affligeante, les deux protagonistes s’embrassent sur la joue, parlent d’affaires et de politique, en particulier d’un campus universitaire à réaliser à Enna bassa. Le projet était évalué à 120 milliards de lire. « Si ce sont mes amis, ce sont aussi les tiens » dit le mafieux au politicien.
Pour avoir dialogué avec un mafieux, Mirello Crisafulli (dont on peut voir la photo à droite) a été poursuivi par la justice. Les magistrats instructeurs ont classé sans suite l’accusation de « concours externe en association mafieuse » au motif que cette rencontre n’a apporté aucun avantage à la mafia. Dans leur décision de classement, les magistrats on pris soin d’écrire « Crisafulli a démontré sa disponibilité à maintenir les rapports avec l’avocat Bevilacqua ». Les magistrats insitent sur le fait que l’homme politique de gauche, Mirello Crisafulli, ne pouvait ignorer le caractère mafieux de son interlocuteur.
Pour conclure :
depuis que les forces de l’ordre utilisent la vidéo pour confondre les mafieux et leurs complices, il devient difficle, pour ces derniers, de nier leurs « contiguïtés mafieuses ».
Le Parti Démocrate : un parti qui fait de la lutte contre la mafia un priorité, aurait dû refuser la candidature d’un homme politique qui partage les valeurs de la mafia.
1En 2001, l’avocat Raffaele Bevilacqua est le représentant de Bernardo Provenzano, le chef de la mafia sicilienne. Bevilacqua aurait participé à une réunion au sommet en 1991 lorsque la « coupole » a décidé les assassinats de Giovanni Falcone et Paolo Borsellino (assassinés en 1992). En 2006, Rafaelle Bevilacqua a été condamné pour association mafieuse.
Antimafia de droite
La députée Angela Napoli, du parti « Alliance Nationale », un mouvement néofasciste, soutient toutes les initiatives visant à éradiquer la criminalité en Italie. Angela Napoli est membre de la commission parlementaire antimafia. Récemment, elle a interpellé le ministre de la justice sur les révocations de l’article 41 bis. L’article 41 bis du code procédure pénale prévoit un régime carcéral strict pour les chefs mafieux. Cet isolement de la société permet de limiter l’influence des chefs sur leur famille. D’après la députée Napoli, de nombreux mafieux ont bénéficié de la révocation de cette mesure et sont désormais en mesure de communiquer avec leurs soldats.
Elle prend l’exemple du boss de Cosenza Franco Penna et de son bras droit Gianfranco Ruà. Dans le cadre du procès « missing », le capobastone est accusé de 12 homicides mafieux. Surtout, il a déjà été condamné à la prison à vie ! Pourtant, le tribunal de l’application des peines a révoqué les mesures d’isolement strict à l’encontre de ces deux chefs de ‘ndrine (la famille mafieuse en Calabre). Ces révocations s’ajoutent aux libérations des chefs mafieux quand les délais de leur détention provisoire sont dépassés (art.14). Ces décisions ridiculisent l’Etat italien. La conséquence réside dans le fait que les citoyens ne peuvent collaborer avec l’ Etat jugé faible contre des mafias qui ont beaucoup de pouvoir. La députée demande un contrôle de l’application des meures rendues par les tribunaux d’application des peines.
En Italie, il existe bien une tradition antimafia de droite. Le juge Falcone était de gauche et son meilleur allié était le magistrat Paolo Borsellino dont les sensibilités politiques étaient identiques à celles de la député d’Alliance Nationale (droite radicale). Cependant, les hommes politiques de droite « antimafias » sont généralement étouffés par les affairistes, par les « transformistes » (ceux qui changent de camps) et par les complices directs de la mafia. Ces trois catégories de politiciens forment une majorité au sein de la droite italienne. La députée Napoli est l’exception qui vient confirmer la règle.
Les blanchisseurs de la mafia
Le 8 mai 2008, les juges antimafia de Palerme ont mené une opération contre le blanchiment d’argent provenant des familles mafieuses. Les magistrats ont fait arrêter Francesco et Ignazio Zummo, père et fils. En 2006, ces entrepreneurs ont déjà été condamnés pour le délit d’association mafieuse. Ayant accepté un procédure abrégée, ils ont donc reconnu leur action pro-mafia devant la justice. Celle-ci a aussi mis en examen un banquier suisse accusé d’attribuer des biens à des prête-noms. Depuis 2003, il était l’intermédiaire entre les chefs d’entreprises Zummo et un banquier de Nassau. Les entrepreneurs téléphonaient depuis des cabines publiques de Palerme au banquier Suisse qui donnait ensuite les ordres à une banque implantée aux Bahamas. La justice a saisi le compte en banque, dénommé Pluto, créditeur de 13 millions d’euros, et elle a pu mener des perquisitions dans des agences
bancaires à Milan et à Lugano.
La lutte contre le blanchiment est indispensable à la lutte antimafia voir l’affaire dnas ce reportage sur la confiscation
Le porte-monnaie, talon d'Achille de la mafia di euronews-fr
Jeunesse et hérédité de Silvio Berlusconi
Silvio Berlusconi est né le 29 septembre 1936 à Milan. Il est le premier de trois enfants, deux garçons et une fille. Son père, Luigi Berlusconi, est employé à la Banque Rasini. Sa mère, Rosa Bossi, est femme au foyer. Cela commence mal. La banque Rasini est une des banques des familles mafieuses de Palerme. Silvio Berlusconi fréquente dès son plus jeune âge un milieu obscur. Un psychologue dirait que son père a réussi sa transmission…
En 1954, il obtient le baccalauréat, section lettres classiques, au lycée catholique Copernic et s’inscrit en droit à l’université d’Etat de Milan. Il fait occasionnellement du porte-à-porte pour vendre des brosses électriques. Il fait également des photos lors de mariages et d’enterrements. Il joue de la basse et chante dans l’orchestre d’un ami d’enfance, Fedele Confalonieri, mais aussi sur des bateaux de croisière. En 1957, il a son premier emploi occasionnel dans le secteur de l’immobilier et de la construction.
Le président du Conseil mitraille une journaliste
Le 18 avril 2008, en Sardaigne, lors d’une conférence presse avec Vladimir Putin, une journaliste russe pose une question embarassante concernant la vie privée du Premier ministre russe. Silvio Berlusconi mime alors le geste de la mitraillette. Le futur représentant de l’Italie dans le monde sait-il que les journalistes gênants sont assassinés en Russie? Ou alors, ce geste, de manière plus subtil, est destiné à ceux qui s’obstineront à révéler ses liens avec la mafias.
Pour en savoir plus : Article mafia et politique
La mafia et le monde de la santé
Il était pourtant placé en détention provisoire dans le cadre de sa mise en examen pour association mafieuse. D’après les magistrats, Mercadante, n’est pas complice de la mafia, il en fait partie!
Giovanni Mercadante été libéré pour raisons médicales. Il souffrirait d’une grave dépression et il n’existe pas d’établissement pénitencier de ce type en Sicile.
Conclusion : les hôpitaux publics dans le sud de l’Italie sont dégradés parce que la mafia et ses complices médecins détournent les fonds publics (cf. Contrôle judiciaire contre Bourgeoise mafieuse). Lorsque la magistrature poursuit un des responsables, elle le libère parce que le système de santé est défaillant…
De la Stidda et de l’avenir de la lutte antimafia…
Le mardi 15 avril 2008, dans le cadre de l’opération « High », les policiers du commissariat de Gela, une ville sicilienne au bord de la mer de Sicile, ont arrêté quatre membres de la Stidda. La Stidda signifie l’étoile ou l’écharde en dialecte sicilien (photo à gauche). La Stidda serait la cinquième organisation mafieuse italienne. Aujourd’hui alliée à Cosa nostra, elle se réorganise. Depuis le mois de septembre 2007, quatre nouveaux stiddari, pourtant soumis au régime de la liberté surveillée, rackettaient des chefs d’entreprises de Gela.
Comment souvent maintenant (art.24), les magistrats insistent pour dire qu’ils n’ont pas fait appel à un collaborateur de justice, autrement dit un repenti. Les commerçants ont, pour leur part, avoué avoir payer le pizzo, seulement une fois qu’ils se sont vus sur la vidéo de la police.
Effectivement, avec la victoire du centre-droit aux dernières élections législatives, les magistrats, les collaborateurs de justice et les commerçants courageux vont avoir la vie dure.
Maintenant que Marcello Dell’Utri (art.33) et Salvatore Cuffaro (art),
tous deux condamnés pour avoir favorisé la mafia sont élus sénateurs, que peuvent dire les mafieux au juge ?
« Ma ! Signore Giudice, maintenant que la mafia est à Rome, vous n’allez pas me casser les couilles pour quelques extorsions ! »