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Les anticorps, la suite…
« Calabre, la première révolte contre qui impose le “pizzo”. Dans la salle du tribunal une victime indique ses extorqueurs aux juges, titre ce 10 janvier le Corriere della Sera un grand quotidien national. Le « pizzo » est le racket que la mafia, en l’occurrence sa version calabraise, la ‘Ndrangheta impose aux commerçants… » retrouvez la suite en vous rendant sur le site de Célestissima, le regard de Céleste.
L’Italie, la Calabre et les anticorps
Le 30 décembre 2008, il est 20h30 à Isola Capo Rizzuto, dans la province de Crotone en Calabre. Antonio Laporta, 54 ans, ferme son supermarché. Tous les employés sont déjà partis. L’entrepreneur s’apprête à monter dans sa berline allemande quand on lui tire trois balles dans le dos puis trois autres dans la tête. Cela ressemble à une exécution
mafieuse sauf que le petit calibre 7,65 mm utilisé ne correspond pas aux us et coutumes de la mafia. Par ailleurs, la victime n’avait pas de casier judiciaire, et ne semblait pas afilliée à une famille mafieuse. Reste qu’elle était propriétaire de deux supermarchés et d’une discothèque, de quoi faire des envieux.
Cette tentative de meurtre pourrait être liée à cinq actes de « lupara biancha » (disparition mafieuse Le « repenti » rétablit l’Etat de droit en Italie ). Dans les communes de Filadelfia, de Francavilla Angitola, d’Acconia di Curinga et de Pizzo, entre 2005 et 2008, cinq personnes ont disparu dont le frère de la victime du 31 décembre dernier. Un journaliste qui a enquêté sur ces morts suspects est aujourd’hui menacé de mort.
Le 3 janvier 2008, à Taurianova, dans la province de Reggio, des individus ont abbatu à l’aide d’un fusil de chasse, le cheval appartenant au maire de la ville. Elu sur une liste du centre, le nouveau maire s’est distingué par des décisions peu favorables aux clans de la zone. Le mois dernier, sa voiture et celle de son premier adjoint ont été incendiées.
Les citoyens calabrais subissent la mafia. Dans chacune de ces affaires, des gens honnêtes (témoins, journalistes, hommes politiques et victimes), ont tenté de lutter contre les clans. L’Italie disposent des meilleurs outils juridiques pour lutter contre la mafia. La société italienne possèdent des anticorps… à condition que le pouvoir politique veuille bien les utiliser( La confiscation : enjeu politique majeur ).
Fin de l’esprit de Noël
Le 04 janvier 2009, à Roggiano Gravina, dans la province de Cosenza en Calabre, deux personnes sortent d’une brasserie sur la place principale et s’apprêtent à monter dans leur véhicule quand surgissent deux tueurs (douilles de deux calibres). Les cibles esssuient un déluge de projectiles et meurent sur le coup. Il semble s’agir d’un meurtre de ‘Ndrangheta. L’une des victimes, Vincenzo Chimenti, 52 ans surnomé « pettinicchio » (petit peigne) en raison de l’attention particulière qu’il portait à sa coiffure, avait un rang important au sein d’une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise… la suite bientôt.
Joyeux Noël
Le 12 décembre 2008, la police a arrêté Giuseppe De Stefano, 47 ans, dernier héritier de la dynastie De Stefano de Reggio. Il est condamné à 30 ans de prison pour association mafieuse et trafic de stupéfiant. En « cavale » dans le centre de l’Italie, il serait rentré récemment à Reggio car sa présence devenait indispensable pour défendre les positions de sa ‘ndrine, la famille mafieuse calabraise, face à l’offensive du clan Tegano.
Giuseppe De Stefano se trouvait dans une habitation avec sa femme et ses enfants. A propos de famille, il y a quatre mois, le tribunal des mineurs a retiré l’autorité parentale à Giuseppe De Stefano au motif que celui-ci a toujours été en fuite. De facto, il ne s’est jamais occupé de ses enfants, les privant des repères indispensables à leur équilibre. Au sein de la famille mafieuse, les hommes sont absents. Les femmes élèvent les enfants et transmettent le code culturel mafieux. Si le père a été assassiné, tous les matins, la mère conditionne l’enfant à venger le père : « lève toi bon à rien et va assassiner celui qui a tué ton père : sangue lava sangue ».
Les enfants de mafieux « en cavale » ne voient jamais leur père. Le « père intérieur » prend toute la place chez l’enfant. Les fils de mafieux ont une vision fantasmée du père. Les fils sont conduits à entrer dans la mafia pour demeurer près de ce père qui leur manque tant.
Accessoirement, en enlevant l’autorité au père mafieux, les magistrats créent les conditions d’une défection de la mère qui peut quitter plus facilement le milieu mafieux.
La folle semaine de la ‘Ndrangheta en voyage
Le 26 novembre, le journal la Repubblica signalait que l’un des symboles de la « Dolce vita », le café de Paris (en photo), situé rue Veneto juste à côté de l’ambassade des Etats-Unis, serait entre les mains d’un clan de la mafia calabraise. D’après le GICO, le groupe de la Garde des finances spécialisé dans la lutte contre le crime organisé, le café de Paris aurait été racheté par la ‘ndrine Alvaro de Sinopoli ( N°111. Violence programmée ) par le biais d’intermédiaires légaux. Après une enquête patrimoniale, des agents jouant aux clients ont pu observer comment un des serveurs contrôlait les alentours pour savoir si l’établissement était sous surveillance policière. Le propriétaire du Café de Paris a démenti cette accusation et a obtenu un droit de réponse dans le journal la Repubblica.
La folle semaine de la ‘Ndrangheta et de ses complices…
2. Un vote = 40 euros
Toujours le 25 novembre, dans le cadre de l’opération Perseus, les magistrats ont apporté des éléments de preuve concernant les complicités politiques dont bénéficient les mafieux. En effet, d’après plusieurs collaborateurs de justice, le chef mafieux Francesco Russelli, aurait appuyé un homme politique au cours des dernières élections locales de 2006. Dans le secteur de Panapice, le clan aurait scellé un accord avec le candidat Giuseppe Mercurio (Democratici di Sinistra) qui a été élu sur une liste par 450 voix de préférence (l’électeur italien peut choisir des noms sur une liste selon ses préférences…). A chaque fois que le candidat obtenait 50 voix, le clan était rémunéré de 2 000 euros soit 40 euros pour chaque vote. Ce procédé est réprimé par la loi, article 416 ter du code procédure pénale italien. Le délit d’échange électoral politico-mafieux a été voté en 1992 après la chute de l’Urss. L’Etat italien, qui n’avait plus besoin de la force électorale mafieuse qui avait permis de contenir le communisme pendant 50 ans, fit un geste symbolique.
En réalité, ce délit est rarement constaté par la justice. Les mafieux font élire des hommes politiques qui, une fois élus, attribuent des appels d’offre aux entreprises contrôlées par les clans. Peut-être s’agissait-il de vérifier que les mafias sont toujours capables de faire élire un politicien ? Pari gagné.
La folle semaine de la ‘Ndrangheta
Le 25 novembre, la police a arrêté 24 personnes appartenant à un cartel de familles mafieuses. Originaire de Papanice dans l’arrière-pays de Crotone en Calabre, le cartel semble être devenu maître du chef lieu après un affrontement avec une faction rival ( La guerre des ‘ndrines de Crotone n’épargne pas les enfants ).
Cette hégémonie a fait perdre la raison aux capo-societa (chefs de famille). Ces derniers avaient commencé un tour de table des différentes familles pour payer un tueur. Celui-ci aurait dû assassiner le magistrat Pierpaolo Bruni.
Ce sont des écoutes (téléphoniques et autres) et les déclarations d’un collaborateur de justice (« repenti ») qui ont permit de déjouer le complot. La police a saisi une plantation de cannabis (estimé à 1 million d’euros), un bazooka, un fusil à lunette qui devait être utilisé pour tuer le magistrat. Les policiers ont aussi procédé à de nombreuses perquisitions à l’encontre d’entrepreneurs et de fonctionnaires. Tous sont impliqués dans un scandale financier dans le cadre de la construction d’un site touristique… suite demain.
Le mafieux, ce grand communicant
Le 5 novembre 2008, les carabiniers ont mis fin à la cavale de deux chefs d’une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Il est deux heures de matin, les issues sont sous contrôle quand les militaires font irruption dans une petite maison de campagne dans la forêt de Sila.
Les chefs n’étaient pas armés, n’avaient pas de téléphone mobile, ni de voiture. Le réseau logistique de complicités fonctionnait parfaitement. Cataldo Marincola (47 ans) et Silvio Farao (60 ans) sont deux leaders du « locale », l’unité administrative dans la mafia calabraise, dans la zone Cirò, un bourg au nord de Crotone (carte à gauche).
Les deux mafieux ont choisi la clandestinité parce qu’ils craignaient que la Cour de cassation les condamne à la prison à vie. Pourquoi prendre le risque de se faire arrêter à deux ? Et pourquoi féliciter les Carabiniers venus les mettre en prison ?
Les mafieux sont des grands communicants. Il s’agit de faire passer un message, celui de l’unité, à toutes les familles de la zone. En effet, le 26 septembre dernier, un membre du clan a été assassiné en Lombardie ( Exécution mafieuse en Lombardie ). Le bruit courait qu’il y avait une guerre au sein de la ’ndrine. Il n’en est donc rien.
De plus, féliciter les carabiniers revient à envoyer un mot d’ordre à tous les soldats : « on ne touche pas aux institutions ». Les arrestations et la prison font partie du jeu.
Seule prime la continuité des affaires : (Epargne mafieuse et leçon de capitalisme )
Arrestation de la « mamma »
Le 15 octobre 2008, à 5h15, les policiers ont arrêté la « mamma », Antonio Pelle, 46 ans et chef de la ‘ndrine (famille mafieuse calabraise) Pelle-Romeo-Vottari opposée à la ‘ndrine Nirta-Strangio dans une faida depuis 1991. Antonio Pelle se cachait non loin de San Luca dans un bunker (cf. Le quotidien de l’Etat contre la ‘Ndrangheta et vidéo plus bas.)
Antonio Pelle est appellé la « mamma » par ses soldats qui lui vouent une grande dévotion comme en témoigne cet évènement : Duisburg, le 15 août 2007, un membre de la mafia calabraise apprend que 7 des membres de son clan viennent d’être assassinés ( De San Luca à Duisburg, la faida et la ‘Ndrangheta ). Il téléphone en Calabre pour informer la hiérarchie de la ’ndrine, la famille mafieuse calabraise. Achille Marmo décroche. Son frère vient d’être assassiné mais il ne le sait pas encore. Celui qui téléphone pose une question à Achille Marmo : « la mamma è qui ? » (« La maman est-elle là ? « ). La « mamma » désigne Antonio Pelle, le chef de la famille en question.
A lieu de prévenir son interlocuteur que le frère de ce dernier vient d’être assassiné, le soldat de la mafia demande si le chef se trouve dans la pièce car c’est au chef que ce type d’information doit être délivré en priorité. La mafia c’est la tyrannie de la famille mafieuse. Le clan passe avant les sentiments.
Achille Marmo répond que la « mamma » n’est pas ici. Le messager transmet alors l’effroyable nouvelle : « ils sont tous morts… tu as compris ?… ils ont été tués… ton frère aussi. ».
Violence programmée
Dimanche 28 septembre 2008, à Sinopoli, une petite ville de l’arrière pays de Reggio en Calabre (voir carte), deux automobilistes se disputent pour une place de parking.
L’un d’eux sort un pistolet de calibre 7,65 mm et tire cinq balles. Deux atteignent l’autre conducteur. L’assassin, Domenico Marsetti, un délinquant non mafieux de 32 ans, réalise trop tard la portée de son geste. Il vient d’assassiner le gendre du « boss » de la zone, Carmine Alvaro.
Domenico file vers Rome.
En attendant, des membres de la famille de la victime arrivent sur les lieux du drame. Ils transportent Domenico Cutri à l’hôpital mais il est trop tard. Le jeune homme de 36 ans décède.
Là, l’histoire prend une tournure mafieuse. Les parents déposent le corps de la victime devant le cimetière. Pourquoi ? Pour gagner du temps sur la justice de l’Etat italien.
La famille en question est une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Elle contrôle le territoire et elle doit faire acte de vendetta (vengeance) elle-même. Il en va de sa réputation, de sa survie. Elle interroge les patrons de bars, donne deux coups de téléphone et le tour est joué. Un commando est en route. Certainement dès lundi, il retrouve l’assassin. Tarif : une balle dans la nuque.