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« Inventons demain » sans paradis fiscaux
Quelles solutions économiques concrètes contre les paradis fiscaux?
Animé par Gabriel Zucman, économiste, disciple de Piketty, professeur à Berkeley et spécialiste des paradis fiscaux (cf. ses thèses, France 2, France Inter…)
– les commentaires de Paul Krugman et de Christian Chavagneux sur ses thèses
– Robert Zarader, PDG de l’agence Equancy&Co
– Serge Guérin, sociologue, conseiller régional EELV
– Fred Musa, « Fred », animateur de Planet Rap sur Skyrock, très impliqué dans les réseaux « politique de la ville »
– Fabrice Rizzoli, ancien secrétaire général de l’Observatoire Géopolitique des Criminalités et promoteur de la réutilisation des biens mal acquis confisqués.
Exemple aux organisations criminelles :
La redistribution à des fins sociales des biens confisqués aux mafias en Italie
Social redistribution of confiscated mafia assets in Italy: from mafia informal to civil formal
Et si on faisait pareil pour les paradis fiscaux, celui qui met son argent, on lui confisque et on fait un projet économique ou culturel gagnant : pour changer les mentalités
Amendement Convention Europe PS 2013:
Amendement 23 :
Page 21, après le premier paragraphe (« … et ses moyens renforcés. »),
ajouter :« Le système de redistribution sociale des biens confisqués doit être importé d’Italie et élargi à tous les biens mal acquis incluant les capitaux placés dans les paradis fiscaux. »
Explication des motifs :
Contre les biens mal acquis et les paradis fiscaux :
une Europe de la redistribution économique et sociale
La commission spéciale sur la criminalité organisée, la corruption et le blanchiment de capitaux (CRIM) déclare que « la criminalité organisée, les mafias et les systèmes criminels représentent une menace concrète pour la sécurité et la liberté des citoyens européens. C’est pourquoi le Parlement européen, en instituant cette commission, a inscrit la lutte contre ces phénomènes parmi les priorités de l’agenda de l’Union européenne et des États membres« . http://www.europarl.europa.eu/
L’Europe doit harmoniser ses régimes de confiscation et tendre vers un modèle de confiscation préventive administrative qui affecte les complices des criminels et des fraudeurs.
Une fois les biens illégalement acquis confisqués, chaque état européen doit se doter d’une loi, sur le modèle italien et serbe, de recyclage des biens mal acquis au profit de la population en privilégiant le secteur de et l’économie sociale et solidaire : les maisons des criminelles professionnelles peuvent être par exemple transformées en centres culturels ou d’apprentissage, en établissements de soins pour les toxicomanes ou en lieux d’hébergement pour les immigrés clandestins. Les exploitations agricoles peuvent également devenir des coopératives. Le bien peut-être utilisé par les institutions, par les collectivités territoriales et par les associations d’intérêt publics. Ils ne peuvent être vendus ou loués. Quand il s’agit d’une entreprise, elle peut être louée, vendue ou liquidée si l’intérêt public est en jeu, par exemple pour dédommager les victimes.
La réutilisation à des fins culturelles des biens saisis a une très forte valeur symbolique pédagogique et culturelle car elle permet de détruire le capital social du crime organisé et et confère à l’État son autorité auprès des populations qui se rapproprie le bien fruit du trafic.
Le système de redistribution sociale des biens confisqués doit être élargie à tous les biens mal acquis incluant les capitaux placés dans des paradis fiscaux.
Une loi à l’échelle européenne visant à récupérer les capitaux illégalement placés à l’étranger permettra d’investir ses capitaux dans l’économie réelle.
Il s’agira de mette en place une présomption de culpabilité pour les citoyens ou entreprise qui utilisent un paradis fiscal. Si l’utilisateur n’arrive pas à démontrer qu’il a utilise le paradis fiscal à des fins légal, c’est capitaux seront gelés puis réutilisé dans l’économie production en particulier dans l’économie sociale et solidaire.
Ainsi, le citoyen européen pourra expérimenter l’adage que pour une fois « la fraude ne paie pas »
Itv JOL Presse : antimafia
Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press
Selon les chiffres d’un insitut statistique italien, la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, aurait engrangé 53 milliards de chiffres d’affaires sur l’année 2013: des entrées d’argent équivalentes à celles générés par la Deutsche Bank et McDonald’s réunis. Quelles sont les activités criminelles les plus fructueuses de cette puissante mafia? Quels sont les moyens développés par l’Italie pour la combattre? Explications de Fabrice Rizzoli, spécialiste de la criminalité organisée et des mafias, auteur du «Petit dictionnaire énervé de la mafia».
JOL Press : Selon les chiffres diffusé par institut, la‘Ndrangheta aurait engrangé 53 milliards de chiffres d’affaires sur l’année 2013. Quelles sont les activités criminelles les plus juteuses pour la mafia calabraise ?
Fabrice Rizzoli : La mafia calabraise engrange des milliards. Le trafic drogue est le premier facteur d’accumulation du capital : cela représente environ 40% des fonds engrangés par la mafia calabraise qui a fait du trafic de cocaïne sa spécialité. L’un des plus grands ports européens de transit de marchandises se trouve en Calabre : un atout majeur pour son trafic. Au-delà de la cocaïne, il y a des cultures de cannabis énormes en Calabre. Concernant les autres trafics, figurent la contrebande, le racket, et surtout les revenus de l’économie légale, puisque la mafia calabraise, comme la plupart des autres mafias blanchit son argent dans l’économie légale, et gagne de l’argent. Rappelons que la mafia calabraise est aujourd’hui la plus puissante des quatre mafias italiennes : elle génère plus d’argent car elle a plus de membres et moins de collaborateurs de justice, ces mafieux qui sortent du clan et qui témoignent devant la justice. Jusqu’en 1990, l’Etat italien a également concentré ses efforts sur la mafia sicilienne et moins sur la mafia calabraise.
JOL Press : En quoi la mafia calabraise freine-t-elle le développement économique de la région ?
Fabrice Rizzoli : Si l’on croit à l’économie de marché, et que l’on estime que l’un des points cardinaux de cette économie de marché repose sur la concurrence – qui permet de faire baisser les prix et de donner sa chance à tout le monde – on s’aperçoit que la mafia « tue » la concurrence. Un honnête entrepreneur qui veut créer un magasin de chaussures, n’a pas commencé à mettre la première pierre qu’il devra déjà verser de l’argent à la mafia. Les personnes ou entreprises qui refusent de payer, voient leur tracteur volé ou leur hangar brûlé. Ce climat-là ne peut pas être propice au développement économique de la région défavorisée. Un énorme flux d’argent sale circule mais le niveau industriel et le niveau de service sont extrêmement faibles. L’état des routes est pitoyable, sans parler de celui des hôpitaux… Dans un pays riche – cinquième puissance industrielle au monde et la troisième en Europe – l’Italie du Sud affiche pourtant un développement extrêmement bas : la mafia y restreint les initiatives individuelles, freine l’esprit d’entreprendre, fait souffrir les entrepreneurs, et rend complice les comptables, les banquiers, les avocats…
JOL Press : Combien la mafia calabraise compte-t-elle aujourd’hui d’affiliés ? Est-il facile de l’infiltrer ?
Fabrice Rizzoli : Selon mes sources, la mafia calabraise regrouperait aujourd’hui 7500 affiliés. La mafia calabraise comporte une spécificité par rapport aux autres mafias : pour y entrer il faut avoir un lien de sang : il faut être fils de, frère de, ou marié à la fille ou encore à la soeur d’un mafieux. Par les enfants communs, les sangs des deux familles –celle qui n’était pas de la mafia et celle qui en faisait partie – se mélange et on accepte la filiation.
Il faut savoir que l’on n’ « infiltre » pas les mafias. Il existe cependant des méthodes qui permettent de connaître la mafia : le témoignage de l’intérieur. Ceux qui ont une carrière professionnelle de mafieux pendant dix, quinze ans, sont protégés par la police, mais témoigner sur tous leurs avoirs, déclarer tous leurs biens, sinon ils perdent leur protection. Environ 3000 mafieux sont sortis du système depuis 1991 : ils témoignent à tous les procès, répondent aux journalistes et aux chercheurs. On connaît très bien le phénomène mafieux, mais un peu moins, la mafia calabraise, car nous avons moins de collaborateurs de justice.
JOL Press: Le Pape François s’est lancé dans une véritable lutte anti-mafia, en appelant à la mobilisation de la population. Comment l’Etat italien combat-il concrètement la mafia ?
Fabrice Rizzoli : L’Italie a les meilleurs outils juridiques au monde pour lutter contre la mafia, de telle sorte qu’une commission parlementaire européenne a travaillé pendant 18 mois et a demandé aux Etats membres de s’inspirer de l’Italie. On parle de la mafia italienne, mais on ne parle pas beaucoup des autres mafias en Europe. La mesure phare mise en place par le gouvernement italien vise à confisquer des biens et les redonner à la société civile. En Calabre, le terrain agricole d’un mafieux est ainsi transformé en une coopérative qui produit des olives. Il faut savoir que les mafieux préfèreraient être jetés en prison plutôt qu’on leur confisque leurs biens. Pour eux, la prison est une épreuve de virilité. « Quel homme d’honneur serais-je si je ne jamais fait un jour de prison ? » disent-ils. Ils détestent qu’on leur confisque leur bien, mais encore plus lorsque ceux-ci ont été transformés en associations, centres culturels, coopératives : car l’Etat arrive à montrer qu’il est plus fort que le pouvoir mafieux. La confiscation sans condamnation pénale du propriétaire est la clé de la lutte anti-mafia.
JOL Press: Les mafieux arrivent-ils vraiment à se repentir ou bien le risque de rechute est-il élevé ?
Fabrice Rizzoli : Il y a extrêmement peu de rechute en Italie, puisque c’est de l’ordre de 5%. Il arrive que certains mafieux craquent psychologiquement sur leur nouvelle vie – à force d’être isolés dans le nord de l’Italie, dans une petite commune, à gagner 1200 euros par mois alors qu’ils brassaient des centaines milliers – et qu’ils rechutent en faisant un trafic par exemple. Mais lorsqu’un mafieux a quitté son clan, témoigné contre lui, c’est extrêmement dangereux pour lui de retourner dans sa ville d’origine de tenter de reprendre le pouvoir mafieux. Certains l’ont payé de leur vie.
JOL Press: Comment expliquer l’implantation de la mafia italienne en France : est-ce juste un lieu de repli ou est-ce également un lieu de blanchiment ?
Fabrice Rizzoli : La France est effectivement un lieu de refuge pour la mafia italienne. Dans les années 80, lorsqu’il y avait des guerres de mafias calabraises qui ont fait des milliers de morts, des mafieux venaient se réfugier en France pour ne pas être assassinés, ni se faire arrêter par la police italienne. Ils profitaient ainsi de la diaspora puisqu’il y a une très grande communauté calabraise sur la Côte d’Azur. Ils peuvent faire du trafic : l’année dernière, un laboratoire de cocaïne a par exemple été démantelé sur les hauteurs de Nice. Les mafieux italo-français ont donc le monopole de l’approvisionnement de la cocaïne sur la Côte d’Azur et dealent avec les cités françaises. La France est également une terre de blanchiment.
Mafias italiennes et grandes surfaces… par fabricerizzoli
Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press
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Fabrice Rizzoli est docteur en science politique, spécialiste de la criminalité organisée et des mafias. Il a été secrétaire général de l’Observatoire géopolitique des criminalités de 2008 à 2012 et est responsable du bureau FLARE Network France. Il intervient régulièrement comme conférencier sur ces thèmes et a écrit Le petit dictionnaire énervé de la mafia, Les Editions de l’Opportun, 2012.
Mafias.fr récidive sur Radio Canada
Radio Canada interroge Mafias.fr sur les actions antimafias du nouveau pape. (cf. Radio Canada s’intéresse à l’Antimafia, Mafias.fr sur Radio Canada )
Le 13 mars, le pape François célébrait son premier anniversaire de pontificat. Ce pape qui ne semble rien faire comme les autres pourrait devenir un joueur majeur dans la lutte antimafia. Le politologue Fabrice Rizzoli, l’un des plus grands spécialistes de la criminalité et représentant en France l’ONG Flare, porte un regard historique et politique sur les relations entre le Vatican et la mafia.
D’abord faire le ménage dans ses propres rangs : le pape François participe activement à la lutte antimafia d’une part en imposant une transparence aux institutions financières du Vatican, et d’autre part en se rapprochant des prêtres qui luttent contre le consensus social qu’exercent les mafieux sur le territoire.
AUDIO FIL : Entrevue avec Fabrice Rizzoli : Le pape François et la mafia
Revoir une partie de l’émission « C dans l’air sur le sujet » :
ITV le Petit Nicois
La pègre n’a plus de secret pour lui. Fabrice Rizzoli, docteur en science politique et représentant de FLARE, réseau européen de la société civile contre le crime organisé transnational, est aujourd’hui l’un des plus grands experts en la matière. Du Mexique en passant par l’Italie, le monde entier s’arrache ses conseils avisés.
Le Petit Niçois : Quelle est votre propre définition du mot mafia ?
Fabrice Rizzoli : La mafia est une entité politique qui exerce une souveraineté sur un territoire. S’adaptant aux changements socio-économiques, elle structure et perpétue à partir de cette « seigneurie territoriale » un système fondé sur une violence systémique qui lui permet de contrôler le territoire. La mafia gère un réseau vaste et ramifié de complicités au point de former un corps social : la bourgeoisie mafieuse. Elle anime un code culturel enraciné mais souple et jouit d’un relatif consensus social de la part de la population….
L.P.N. : Avez-vous été surpris en apprenant l’arrestation, la semaine dernière, de camorristes à Nice et d’un membre de la ‘Ndrangheta à Menton ?
F.R. : Non. Tous les ans, des chefs mafieux sont arrêtés en France et en particulier sur la Côte d’Azur, lieu d’implantation historique des mafias italiennes. Si la France accepte de livrer les mafieux italiens, en revanche, que fait-elle contre le blanchiment ?
Pour mémoire, il aura fallu attendre 10 ans de procédure avant que la justice italienne ne puisse saisir la villa au Cap d’Antibes ( en photo sur la version papier ) du trafiquant de drogue, Biagio Crisafulli ! Ce puissant soldat de la mafia sicilienne avait été arrêté à Nice en 1995.
L.P.N. : Qu’est devenu ce bien immobilier ?
F.R. : Je m’y suis rendu l’été dernier pour le voir de mes propres yeux. La maison a été revendue. La question que je me pose est donc la suivante : pourquoi aucun journaliste n’a daigné faire un papier sur cette villa qui aurait pu devenir un centre contre la corruption ?
La suite : Petit Niçois
"Le clan des calabrais" (EDR – 24.05.2013) par france3cotedazur
1er mai 1947 : Portella della Ginestra, 11 morts
Afin de commémorer cette date, nous publions à nouveau
L’héritage de Placido Rizzotto : les luttes pour la « roba »
Niccolò Mignemi
Docteur en histoire, ami du Centre Impastato et militant de Libera (voir Libération « Saisonniers : l’Europe des exploités agricoles ») et « La réutilisation à des fins sociales des biens mal acquis en Italie : de l’informel mafieux au formel citoyen« avec Fabrice RIZZOLI, docteur en sciences politiques.
Le deuil a enfin commencé
Jeudi 24 mai 2012, soixante-quatre ans après sa mort, les funérailles de Placido Rizzotto ont finalement eu lieu. Placido est un syndicaliste tué par la mafia le 10 mars 1948, en raison de son engagement aux côtés des paysans pauvres luttant pour obtenir le droit de travailler la terre.
Pour lui rendre officiellement hommage, le président de la République et les représentants du gouvernement, de la politique et des syndicats se sont rendus dans sa ville natale de Corleone, universellement connue en tant que capitale de la mafia, mais aussi comme un haut lieu de l‘antimafia. Assassiné, le corps de Rizzotto avait été jeté dans une crevasse parmi d’autres cadavres d’hommes et d’animaux. Déjà en 1948, le capitaine des carabiniers Carlo Alberto Dalla Chiesa dont nous commémorons l’assassinat par la mafia en 1982 en tant que préfet de Palerme – avait localisé le lieu de la « sépulture », mais les analyses de l’ADN n’ont permis que récemment l’identification du corps.
Dans les années soixante, Danilo Dolci avait publié le récit de son père dans Gaspillage. Plusieurs livres racontaient sa vie et depuis 2000, un film de homonyme de Pasquale Scimeca popularise un peu cette figure du syndicaliste et dont mafias.fr a déjà fait la promotion cf.Antimafia à Paris : le 22 mai hommage à Giovanni Falcone et Le cinéma antimafia arrive à Paris). A chaque fois, l’engagement politique à côté des faibles, payé de sa vie, et l’injustice de l’acquittement des responsables du meurtre par manque de preuve deumeure au centre des récits. Mais sa vie est exemplaire pour bien d’autres raisons
Une vie exemplaire
Fils de paysan, après l’armistice de septembre 1943, Placido Rizzotto intègre la Résistance au sein des brigades garibaldiennes dans le nord-est du pays. Revenu en Sicile à la fin de la guerre, il milite au Parti Socialiste. En tant que secrétaire du syndicat local, il est à la tête des paysans qui occupent les latifundia, qui revendiquent une réforme agraire, ainsi que meilleures conditions de vie et de travail, en opposition aux grands propriétaires et à leurs contremaîtres. Il lutte donc contre la mafia dans un moment historique où celle-ci devient le bras armé des forces conservatrices en premier lieu les, propriétaires terriers. Or, lutter contre la mafia en 1948 n’est pas simple. D’après les notables et l’église, la mafia n’est qu’une « invention des communistes », alors qu’une bourgeoisie mafieuse puissante règne sur la transition de l’après-guerre. Pensez que le jeune berger qui avait assisté par hasard à l’assassinat de Placido Rizzotto sera lui aussi assassiné par Michele Navarra, médecin et chef mafieux local.
La vie de Rizzotto est donc symbole d’émancipation individuelle et humaine qui devient expérience de libération sociale par le biais de l’engagement politique dans les luttes du mouvement paysan. Il n’est, en fait, qu’un des trente-six (36!) syndicalistes tombés sous les coups de la mafia en Sicile dans l’immédiat après-guerre, plus précisément entre juin 1945 et le 18 avril 1948, date des premières élections législatives, largement remportées par la Démocratie chrétienne. La géographie, la temporalité de ces meurtres ainsi que les cibles choisis ne sont pas fortuites. Au contraire, les 36 assassinats de syndicalistes sont le fruit d’une stratégie de violence programmée, destinée à briser la mobilisation des paysans pauvres qui aspirent à mettre fin à un système séculaire de pouvoir et d’exploitation.
D’ailleurs, moins d’une année plus tôt, le 1er mais 1947, avait eu lieu le massacre de Portella della Ginestra, dont les responsabilités n’ont jamais vraiment été éclairées et qui reste encore aujourd’hui un des « grands mystères » de l’histoire italienne. Réunis dans un lieu traditionnel du socialisme sicilien, les paysans fêtaient les occupations des latifundia et la récente victoire de la coalition des partis de gauche aux élections régionales siciliennes du 20 avril 1947, quand les hommes de la bande de Salvatore Giuliano aux mains de la mafia et avec au moins l’appui d’éléments conservateurs, leur tiraient dessous, tuant onze personnes, pour la plupart femmes et des enfants.
Le président de la République a aussi rendu hommage à ces victimes après les funérailles de Rizzotto en visitant au mémorial construit sur le lieu du massacre. Mais cette mémoire partagée ne ressoude pas tous les problèmes.
Une vie riche d’enseignement présent
En Italie, comme ailleurs peut-être, on adore commémorer les martyrs. Leur sacrifice nous rassure davantage que la complexité des témoignages inscrits dans leurs parcours de vie. Si le rituel officiel a une valeur indiscutable, il faudrait aussi prendre en compte ce que les expériences du passé pourraient enseigner au présent. L’histoire de ces hommes, leur engagement dans les luttes du mouvement paysan nous parle d’une lutte acharnée contre la mafia : un engagement concret et quotidien autant fondé sur des principes qu’un attaque frontale au système de pouvoir et aux intérêts matériels qui l’alimentent. C’est d’abord la manifestation d’une volonté et d’une action directe pour se réapproprier de la roba – c’est-à-dire des patrimoines, selon l’expression de Giovanni Verga – soustraite à la collectivité et destinée à l’enrichissement privé des mafieux.
Aujourd’hui, dans la lutte contre la criminalité organisée, cet enjeu demeure central, mais il faut dûment le doter des instruments nécessaires à garantir son efficacité. Certaines personnalités – je pense notamment au ministre de l’intérieur Cancellieri – en plus d’être présent dans ces occasions, devraient, dans ces actes, respecter la mémoire de Rizzotto et celle des victimes de Portella. Madame la Ministre pourrait par exemple reconsidérer sa proposition de vendre les biens confisqués aux mafieux (cf. La confiscation : enjeu politique majeur). On ne parle pas ici des biens meubles (voitures de luxes et autres yacht) qui sont revendus car ils sont trop chers à entretenir et n’ont pas de portée sociale). Nous parlons ici des immeubles tels que les terrains agricoles ou les villas de boss, qui constituent une source potentielle de revenus. (cf.L’arme qui peut tuer la mafia : la réutilisation des biens confisqués)
Il y a 82.000 biens confisqués et tous ne sont pas réutilisés, loin de là. Mais les vendre reviendrait à les remettre dans les mains de la bourgeoisie mafieuse. Il serait, encore une fois, la réaffirmation de l’ancien principe de socialisation des pertes et de privatisation des profits.
Refuser de vendre les biens immobiliers confisqués à la mafia n’est pas une position idéologique contre ce qui ressemble à du pragmatisme d’experts. Il s’agit davantage de la reconnaissance d’un principe de justice et de dédommagement qui aujourd’hui ne peut pas s’incarner autrement que par la réutilisation à des fins sociales.
Comme l’expérience des coopératives du projet Libera Terra le démontre, la confiscation et la redistribution sociale de ces patrimoines ne sont pas simplement un acte pour réaffirmer la souveraineté de l’État, là où elle a été écornée. Redonner ces biens à l’intérêt général constitue avec force une occasion de croissance économique pour ces territoires, fondée sur un projet « autre », inspiré aux principes de l’économie sociale et solidaire (en photo à gauche).
PS : Tous les mots en gras sont dans le Petit Dictionnaire Enervé de la mafia
Mafias.fr dans un lycée de Marseille
Antimafia à Marseille
de Marino Ficco, bénévole de LIbera France
« La mafia est-elle également présente à Marseille ? » (cf. Mafias.fr fait don de ses solutions) demande, soucieux, un étudiant du Lycée don Bosco de Marseille.
C’est la Saint Valentin, et nous nous trouvons dans le chef-lieu de la Provence, qui résonne dans l’actualité pour les nombreux meurtres, règlements de comptes et problèmes de criminalité en lien avec le trafic de drogue (cf. Règlements de compte à Marseille sur fond de trafic de stupéfiants.
Nous sommes ici car Valérie, professeur d’Italien du lycée don Bosco, souhaite sensibiliser ses élèves aux thématiques liées à l’antimafia en Italie. Aussi a-t-elle invité quatre membres de Libera France, l’antenne parisienne de l’association Libera qui s’occupe de la lutte contre les mafias et de la promotion de la légalité depuis 1995 en Italie.
Si l’on s’en tient à ce que relate la presse française, la réponse à la question du garçon serait presque automatique : cinq meurtres pour règlements de comptes depuis le premier janvier, les « quartiers nord » de plus en plus en proie aux trafiquants et au banditismeet l’absence de politique locale contre la criminalité parlent très clairement… Marseille est dans une situation dangereuse. Marseille est dans les mains de la criminalité organisée française et étrangère.
Mais que répondre à cet élève? Il a précisément employé le terme « mafia ». Un tabou en France, hors des débats ponctuels. Nous avons également rencontré un magistrat français expert des dynamiques de la criminalité organisée en France. « Marseille n’a rien à voir avec la mafia qu’on connaît en Italie », commence-t-il. Dans le cas de la France, « on peut parler de banditisme « lourd » et bien organisé. La seule analogie qu’on puisse faire avec l’Italie c’est le cas de la malavita napolitaine ».
Fabrice Rizzoli, représentant de FLARE en France et expert de la mafia italienne, soutient que sans la présence capillaire d’associations de citoyens sur le territoire national, le problème se résoudra très difficilement.(cf. Revue Politique et Parlementaire)
Effectivement, chacun peut constater la grande quantité d’associations de quartier dont le siège se situe dans les quartiers nord de Marseille. Cependant, il s’agit de nombreuses petites associations dont la portée, bien que fondamentale, est limitée au niveau local. Et contre cette criminalité de plus en plus transnationale, les associations locales s’avèrent peu efficaces.
Un autre élève, qui préfère rester anonyme, nous a raconté avec fierté que sa mère, qui tient un magasin dans le centre-ville à Marseille, serait la seule à ne pas payer le « pizzo » ou racket à la criminalité du quartier. (cf. Soirée main basse sur Marseille… )
Nous avons posé quelques questions aux employés de nombreux magasins du quartier du Vieux-Port et Opéra. Mais personne ne dit connaître ces phénomènes de racket en ville. « Une trouvaille publicitaire de la mère du garçon?« , me suggère un commerçant sceptique. Pourtant, il est de notoriété publique que la brasserie David, qui a pignon sur rue dans la célèbre Corniche, a été incendiée deux fois ces deux dernières années (photo à droite). Et les enquêteurs parlent d’incendi criminel. En outre, une autre femme, qui préfère rester anonyme, nous a raconté que les propriétaires de beaucoup de brasseries et cafés de la Plaine sont victimes du racket. Ils sont obligés par la criminalité d’installer des machines à jouer.
En venant de Paris, la capitale depuis toujours méfiante envers la plus ancienne ville de France et le port principal de la Méditerranée, nous nous attendions à voir une ville dégradée et dangereuse. Au contraire, nous n’avons rencontré aucun danger. Est-ce donc la presse qui invente tout cela afin d’augmenter les ventes? Pourquoi les rédactions parisiennes ne donnent-elles pas autant de place à la criminalité en Ile-de-France, plus importante et tout aussi dangereuse ? Cette manière de faire du journalisme semble dangereuse car au lieu d’éteindre un malaise social, elle augmente la honte des citoyens honnêtes, qui se replient sur eux-mêmes. Ainsi Marseille apparaît-elle de plus en plus isolée. Ce que l’on peut observer facilement, c’est le choix politique de diviser Marseille en deux parties: d’un côté la zone touristique, du centre historique, à l’est de la Canebière, la capitale de la culture 2013 sûre, tranquille et dynamique; de l’autre côté la zone des quartiers nord où se concentrent les logements populaires, où se niche la pauvreté, où les associations de quartier déplorent l’absence de l’Etat.
La sensation est vraiment celle-ci. Celle d’une sorte de ghettoïsation des quartiers aux ouest nord: du treizième au seizième arrondissement. Où un tiers de la population essaie de survivre. Il ne faut pas oublier que Marseille est le chef-lieu de la PACA et qu’elle ne se réduit pas aux quartiers centraux où se promènent les touristes et on vote UMP. Marseille s’étend de l’Estaque aux calanques. Un défi que le prochain maire de la cité phocéenne devra savoir relever. Malgré le pessimisme qui transparaissait au gré de nos rencontres avec les citoyens, qu’ils fussent jeunes ou âgés.
La rencontre au lycée technologique don Bosco a duré deux heures et demie environ. À peu près soixante-dix garçons et trois filles ont écouté avec l’attention typique des assemblées de lycéens quatre interventions très différentes mais avec un fil directeur commun : la criminalité ne peut rien quand toute la société civile décide de s’y opposer. Pour briser la glace, Fabrice Rizzoli a présenté le cas emblématique du modus operandi de la ‘Ndrangheta à travers des scènes de documentaires et de reportages choisies et commentées (cf. Vengeance transversale ou conséquence de la mondialisation?.
Ensuite, Concetta Savarise a brièvement rappelé la biographie et les actions des personnages les plus importants de la lutte contre les mafias en Italie dont Pio Latorre, le père de la confiscation. Chiara Zappalà a analysé et décrypté une scène du backstage du film Gomorra, l’adaptation cinématographique du roman de Roberto Saviano. (cf. Journée de la liberté de la presse : merci Robert)
Enfin, nous avons invité les lycéens à agir à travers la présentation de l’association Libera et des activités qu’elle organise en été. En effet, de mai à septembre, les jeunes peuvent se rendre seuls ou en groupe dans de nombreuses coopératives sociales qui produisent des biens alimentaires biologiques et de qualité (huile, confitures, conserves, pâtes etc.) dans des terres et des locaux qui auparavant appartenaient aux mafieux et qui leur ont été confisqués par l’Etat. (cf. L’arme qui peut tuer la mafia : la réutilisation des biens confisqués).
Ici on agit concrètement pour promouvoir la légalité et pour témoigner que sans les mafias la vie est meilleure. Après le travail dans les champs ou en coopérative, les jeunes dialoguent avec des professionnels et des citoyens qui ont décidé de consacrer leur vie à la promotion de la légalité et à la lutte contre mafias. Une expérience enthousiasmante et très enrichissante (cf. La redistribution à des fins sociales des biens confisqués aux mafias en Italie)
Pour participer, il suffit de s’inscrire dans le site www.libera.it ou de contacter Libera France (Facebook ou via mail Libera.parigi@gmail.com).
Nous avons décidé de ne pas imiter la plupart des journalistes qui pour réaliser un reportage sur Marseille vont visiter le quartier « Croix-Rouge » en compagnie de quelques agents de la police et du président de l’association locale pour prendre quelques photos et constater le délabrement et l’abandon de la part de l’État des quartiers nord pour puis conclure avec la description de la fuite héroïque vers la civilisation escortés par les gendarmes, pendant que des délinquants impitoyables leur lancent des pierres en les insultant.
Trop de reportages, parmi lesquels certains sont aussi très bien faits, languissent ignorés ou manipulés dans le web et dans la presse. Il nous semblait juste d’orienter les projecteurs vers d’autres questions, que souvent la presse oublie ou décide d’omettre. Il est trop facile d’accuser les familles issues de l’immigration qui vivent dans les quartiers nord de tous les problèmes de Marseille.
Samedi soir, au coucher du soleil, nous nous réjouissons du panorama superbe que nous offre la basilique de Notre- Dame de le Garde sur toute la ville. Ici on a l’impression de pouvoir dominer Marseille. D’ici on voit bien le port le plus ancien de la France, fondé il y a 2600 ans suite au mariage entre un Turc et une Ligure, Protis et Gyptis. Au milieu, la protagoniste est la Maison de la Méditerranée. Cela nous rappelle que ce côté de la Méditerranée est encore synonyme de maison et d’espoir pour beaucoup qui sont nés au-delà de l’étroit de Gibraltar. Quand on visite Marseille, on trouve une belle ville généreuse et ambitieuse qui essaie de devenir la capitale de la Méditerranée. On trouve une ville qui a été fondée par des étrangers et qui s’est développée grâce au mélange des cultures qui l’habitent depuis toujours. C’est maintenant que Marseille doit agir et décider de renier son histoire ou de s’en inspirer pour résoudre les problèmes d’une ville et d’un pays. «La mafia est-elle également présente à Marseille ? » Sans le consentement de la société civile, la criminalité et les mafias ne peuvent rien. Aujourd’hui, les Marseillais ont l’occasion de prendre l’initiative les premiers et de réveiller les consciences d’un Continent à travers une association citoyenne prête à parcourir les rues pour écouter et sensibiliser. On pourrait organiser des festivals et des activités culturelles pour relier l’ouest de Marseille avec l’est.
Est-ce qu’on réussira à vaincre les mafias ? Le juge italien Giovanni Falcone, le père de l’antimafia, qui fut tué en 1992, disait :
« la mafia est un phénomène humain et comme tout phénomène humain naît, grandit et meurt. »
Marino Ficco
Mafias.fr dans la Revue Politique et Parlementaire
Pour la première fois, une instance de cet acabit évalue le crime organisé à sa juste valeur….
1. Contre le crime organisé en Europe : une justice audacieuse
Marseille : Mafias.fr fait don de ses solutions
Marseille : des idées pour lutter contre la « mafia »
Avec treize règlements de comptes en 2013, les Bouches-du-Rhône occuperaient la tête du classement en France, avec une brusque accélération ces dernières années. On désigne le trafic de stupéfiants mais le manque de repères est visible à tous les échelons du pouvoir.
La réponse de l’Etat est souvent la même : un déplacement et une promesse d’effectifs policiers supplémentaires. A l’échelle locale, les élus demandent une militarisation du territoire (intervention de l’armée, doublement des effectifs ou des pistolets pour policiers municipaux).
A mettre au crédit du gouvernement de gauche : une vision moins caricaturale des quartiers populaires, ce qui l’amène à proposer une « approche globale » qui inclut un contrôle du territoire (CRS à l’entrée des cités), un peu de prévention (enlèvement des carcasses de voitures) et la tentative d’améliorer la situation socio-économique de ces quartiers.
Mais une contradiction demeure insurmontable. Pour la première fois, le politique parle de « mafia » en Corse et à Marseille mais ne propose aucun moyen antimafias.
Face à un problème structurel – le crime organisé – l’Etat pourrait expérimenter des outils qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres pays ; à condition de rompre avec une vision jacobine et prohibitionniste d’un autre temps.
« Sous-développement organisé »
Les données socio-économiques de Marseille dressent le portrait d’une ville pauvre, avec des quartiers nord touchés par l’échec scolaire et le chômage, malgré un arrière-pays très riche.
Les inégalités sociales visibles génèrent d’importantes frustrations et mis à part la perspective d’un emploi public, la population de Marseille souffre d’un manque de services et de projet politique. Non loin des villas avec piscine et des yachts, il s’est mis en place, dans les quartiers populaires, une « économie de la pauvreté ».
Les caïds y trouvent une main-d’œuvre disponible pour occuper les fonctions de guetteur et de vendeur, souvent mineure, ainsi que des « nourrices » qui cachent les stupéfiants dans leur appartement.
A Marseille, il y a le grand crime organisé et les aspirants.
Les « grands » du milieu utilisent parfois la violence, comme dans la tuerie des marronniers ou l’élimination de Roland Gaben, mais avec parcimonie. Et pour cause, les grands ont un pied dans la légalité, comme en témoignent les affaires Campanella-Baresi, la fraude à la taxe carbone ou les trafics internationaux.
Le grand banditisme français, basé en Espagne, bénéficie d’une large impunité. Il se contente de distribuer la drogue à des semi-grossistes, contrôle les débits de boisson où l’on vend de la drogue, perçoit une quote-part sur les bénéfices et a abandonné le secteur du cannabis aux cités.
Les dealers du bas de l’échelle s’entretiennent avec des places de ventes, des dettes de cannabis et des « carottages ». La violence est parfois trompeuse. L’éclat à la kalachnikov n’est pas toujours en relation avec la puissance économique.
L’Etat français ne fait pas sa part
La lutte contre les grands caïds n’est pas efficace. En dépit des saisies et des arrestations, le cycle continue. Pourquoi un jeune de Marseille ne tenterait pas sa chance par tous les moyens ? Il sait que l’Etat ne fait pas sa part. Parmi les insuffisances à déplorer :
- une carence structurelle d’études scientifiques sur le crime organisé ;
- une absence d’indépendance à tous les échelons de l’enquête (procureurs, officiers de police judiciaire) qui entraîne peu de procès complexes ;
- le manque de témoignages de l’intérieur, en raison de l’absence d’un statut de coopérateur de justice – prévu par la loi Perben, mais sans décret d’application ;
- une protection des témoins inexistante (pour les témoins criminels comme pour les témoins victimes, comme les commerçants rackettés) ;
- l’hypocrisie des politiques et des magistrats ne voulant pas « de prime à la délation ».
En Italie, la coopération du criminel ou du témoin avec l’Etat est encadrée par la loi et sous la seule responsabilité d’un procureur indépendant : quelle leçon de démocratie ! L’Etat français ne fait pas sa part en matière de justice car il ne condamne presque jamais ses élites corrompues.
Pour un Cannabis social club à Marseille
A Marseille comme ailleurs, le cannabis est la drogue la plus consommée. La plupart des usagers ne consomment que ce produit mais sont obligés de l’acheter à des trafiquants, ce qui enrichit ces derniers et leur donne une place légitime dans la société.
Le trafiquant marseillais est celui qui répare une injustice : celle d’un Etat qui réprime la consommation d’une substance pourtant disponible (qui existe en grande quantité) et accessible (facile à trouver), et ce en dépit d’une prohibition féroce (sanction pénale la plus élevée d’Europe).
A Marseille comme à Anvers ou aux Pays-Bas, les citoyens consommateurs doivent pouvoir faire partie d’une association à but non lucratif déclarée en préfecture et passer un contrat avec un producteur local de cannabis pour consommer. Un Cannabis social clubà Marseille améliorerait la santé publique et la vie sociale des usagers, financerait la prévention, l’éducation sanitaire et l’assistance en cas d’abus.
Enfin et surtout, il limiterait le poids des organisations criminelles dans la production et la distribution. Mais l’avantage le plus important d’une telle régulation est la séparation entre l’usage de drogue et le trafiquant, mettant fin ainsi à une symbiose néfaste pour l’application de l’ordre public.
Confisquer et réutiliser les biens du crime
En France, on confisque les biens du crime organisé de manière incomplète, en raison d’un cadre restrictif qui contraint les magistrats à prouver le lien entre le bien saisi et l’infraction.
En attendant de nous mettre au niveau de l’Italie (nombreuses confiscations sans condamnation pénale du propriétaire), il faudrait voter au plus vite une loi de réutilisation sociale de ces biens.
Au lieu de vendre aux enchères la villa du trafiquant de drogue, elle doit revenir à l’intérêt général. Certes, certains biens issus du trafic de stupéfiants sont parfois réaffectés vers les forces de l’ordre. Mais moderniser le parc automobile de la police grâce à la confiscation ne permet pas de lutter contre le consensus social des gangsters.
Une loi permettrait de recycler ces biens au profit de la population et d’animer l’économie sociale et solidaire : les maisons des criminels pourraient être transformées en centres culturels ou d’apprentissage, en établissements de soins pour les toxicomanes ou en lieux d’hébergement pour les immigrés.
Le patron d’une grande brasserie d’Aix-en-Provence est accusé de blanchiment pour le compte du clan Barresi-Campanella. L’établissement doit être confisqué pour y accueillir les jeunes des quartiers aux universités d’été de la lutte contre la corruption.
La réutilisation à des fins culturelles des biens saisis aurait une très forte valeur symbolique et pédagogique. Elle permet de détruire le capital social du crime organisé et confère à l’Etat son autorité auprès des populations qui se réapproprient le fruit du trafic. Dans sa ville, le citoyen qui passe devant le bien devenu utile peut se dire : « Pour une fois, le crime ne paie pas. » C’est, enfin, la seule manière d’impliquer la société civile dans une prérogative régalienne.
Après un an de travaux, la Commission européenne contre le crime organisé, la corruption et le blanchiment (Crim) a rendu ses premières conclusions. En mai, la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures de l’UE a demandé aux Etats membres de faciliter la confiscation des avoirs criminels. Elle leur a aussi conseillé de réutiliser les avoirs confisqués pour des projets d’utilité sociale. Qu’attend le gouvernement français ?
Le reportage (France 2, le13h15) sur l’infiltration mafieuse en France
Les remerciements de France 2 à FLARE
Merci FLARE et ANTICOR |