Biographie Berlusconi
De Marco Travaglio et Peter Gomez
1936. Nait à Milan le 29 septembre, premier de trois enfants (deux garçons et une fille) de Luigi Berlusconi, employé à la Banque Rasini, et Rosa Bossi, femme au foyer.
1954. Passe le Baccalauréat, section lettres classiques, au lycée catholique Copernic et s’inscrit en Droit à l’Université d’Etat de Milan. A temps perdu, il vend des brosses électriques en faisant du porte-à-porte, est photographe lors de mariages et d’enterrements, joue de la basse et chante dans l’orchestre d’un ami d’enfance Fedele Confalonieri (mais aussi sur des bateaux de croisière).
1957. Premier emploi occasionnel dans le secteur de l’immobilier et de la construction.
1961. Passe sa maîtrise en Droit avec les félicitations du jury à Milan. Son mémoire de fin d’études porte sur les aspects juridiques du contrat publicitaire. Il obtient alors une bourse d’étude de deux millions de lires offerte par la société Manzoni. Il échappe, on ne sait comment, au service militaire. Et il se consacre à la construction en acquérant un terrain, via Alciati à Milan, grâce à la garantie du Banquier Carlo Rasini, qui lui procure en outre un associé, l’entrepreneur Pietro Canali. Est créé la société » Cantieri Riuniti Milanesi ».
1963. Est fondée la société « Edilnord Sas » avec comme soci accomandanti (investisseur) Carlo Rasini et le comptable suisse Carlo Rezzonico (au nom de la mystérieuse société financière de Lugano Finanzierungesellshaft fur Residenzen Ag). En 1964 s’ouvre alors un chantier à Brugherio pour l’édification d’une cité modèle de 4.000 habitants. En 1965 est achevé le premier immeuble dont aucun des appartements ne trouve acquéreur. Puis, sans que l’on sache comment, l’ensemble sera vendu à la caisse de retraite des commerçants..
1965. Berlusconi épouse Carla Elvira Dall’Oglio, originaire de Gêne, qui lui donnera deux enfants, Maria Elvira (1966) et Piersilvio (1969).
1968. Est créé la société Edilnord 2, pour l’acquisition de terrains sur la commune de Segrate, où sera construit Milano 2.
1969. Brugherio est achevé avec 1.000 appartements vendus.
1973. La société Italcantieri Srl est créée, grâce aux capitaux de deux mystérieuses fiduciaires du Tessin, Cofigen (liée au financier Tito Tettamanti) et Eti AG Holding (administrée par le financier Ercole Doninelli). Est achetée, grâce aux bons offices de son ami Cesare Previti, la villa Casati Stampa avec toutes ses dépendances à Arcore, à un prix de (super-)faveur. Previti est, en effet, à la fois, le tuteur légal, de l’unique héritière des Casati Stampa, la contesse Annamaria, âgée de douze ans, et un ami de Silvio Berlusconi et associé en affaire avec lui.
1974. Grâce à deux fiduciaires de la BNL, les sociétés Servizio Italia et SAF, est créée la société Immobiliare San Martino, administrée par un ancien camarade d’université, Marcello Dell’Utri, palermitain. Dans un immeuble de Milano 2 est lancée une télévision par câble, Telemilano 58, qui passera bientôt à la postérité sous le nom de Canale 5. Berlusconi déménage avec sa famille à la Villa Casati, accompagné par le boss mafieux Vittorio Mangano, engagé en Sicile par Dell’Utri comme « factotum », c’est-à-dire comme administrateur de la demeure et des terrains. Mangano quittera Arcore seulement un an et demi plus tard, suite à deux arrestations et une enquête sur sa responsabilité dans l’enlèvement d’un hôte de la Villa, ami de Berlusconi.
1975. Les deux fiduciaires donnent naissance à la société Fininvest. Sont fondées également les sociétés Edilnord et Milano 2. Mais, entre 1968 et 1975, Berlusconi n’apparaît jamais, caché derrière une myriade de prête-noms et sociétés-écran. Il ne refait surface qu’en 1975 lorsqu’il prend officiellement la direction d’Italcantieri puis en 1979 lorsqu’il devient président de Fininvest.
1977. A peine devenu « Cavaliere del Lavoro », il acquiert une participation dans la maison d’édition du quotidien Il Giornale, fondé en 1974 par Indro Montanelli.
1978-1983. Il reçoit une somme équivalant à 500 milliards de lires en valeur actuelle, dont près d’une quinzaine de milliards en liquide, pour capitaliser les 24 (devenues par la suite 37) sociétés Holding Italiana qui composent Fininvest. La provenance de ses sommes reste inconnue jusqu’à aujourd’hui. Cette période correspond à celle de l’ascension vers le pouvoir de Bettino Craxi, secrétaire du PSI depuis 1976, et où ce dernier accède au gouvernement.
1978. Il s’inscrit à la loge maçonnique occulte Propaganda 2 (P2) du Grand Maître Licio Gelli, à qui il a été présenté par le journaliste Roberto Gervaso. Carte n�1816. A partir de ce moment-là, Berlusconi commence à bénéficier de crédits au-delà de toute normalité de la part des Banques Monte dei Paschi et BNL (deux banques dont certains hommes-clés sont eux-mêmes membres de la loge P2). Il commence alors à publier également des analyses de politique économique dans le quotidien Corriere della Sera, contrôlé par la loge P2 par le biais d’Angelo Rizzoli et Bruno Tassan Din. La loge P2, considérée comme subversive, sera par la suite dissoute par une décision du gouvernement Spadolini.
1980. Berlusconi fonde, avec Marcello Dell’Utri, Publitalia 80, une société de concession publicitaire pour les réseaux télévisés. Il rencontre l’actrice Veronica Lario, de son vrai nom Miriam Bartolini, qui joue dans un spectacle du Théâtre Manzoni de Milan légèrement vétue. Il en tombe amoureux. Il la cache pendant près de trois ans dans une aile secrète du siège de Fininvest, Via Rovani à Milan. Puis elle tombe enceinte et, en 1984, toujours dans le secret le plus absolu, donne naissance en Suisse à une fille, Barbara. Berlusconi la reconnaît. Le parrain sera Bettino Craxi.
1981. En enquêtant sur les trafics de Michele Sindona, membre de la mafia en faillite affilié à la loge P2, les juges milanais Gherardo Colombo et Giuliano Turone tombent sur les listes des membres de la loge P2. Mais Berlusconi n’est pas touché par le scandale qui secoue le gouvernement, l’armée, les services secrets et le monde du journalisme.
1982. Berlusconi rachète la chaîne télévisée Italia 1 à l’éditeur Edilio Rusconi.
1984. Berlusconi rachète la chaîne télévisée Rete 4 à la société Mondadori : il est désormais le propriétaire de trois chaînes nationales et peut faire directement concurrence à la RAI. Mais trois magistrats , de Turin, Pescara et Rome, mettent sous séquestre les installations qui permettent la diffusion illégale de programmes « en interconnexion », c’est à dire diffusés simultanément sur tout le territoire national. Craxi présente en urgence un décret (le premier « décret Berlusconi ») pour légaliser la situation illégale. Mais le décret n’est pas traduit en loi pour cause d’inconstitutionnalité. Craxi en présente alors un autre (le deuxième « décret Berlusconi ») et menace les partis de la majorité de provoquer des élections anticipées si le nouveau texte est lui aussi rejeté. Le décret est finalement approuvé en février 1985, après que le gouvernement est déposé une motion de confiance.
1985. Le divorce entre Silvio Berlusconi et Carla Dell’Oglio est prononcé et la liaison avec Veronica devient officielle. Celle-ci lui donnera deux autres enfants: Eleonora (1986) et Luigi (1988). Les secondes noces de Berlusconi sont célébrées en 1990 par le maire socialiste de Milan, Paolo Pillitteri, beau-frère de Bettino Craxi. Les témoins des époux sont Bettino et Anna Craxi, Fedele Confalonieri et Gianni Letta.
1986. Berlusconi achète le Milan AC et en devient le président (en 1988, il gagne pour la première fois le championnat). Dans le même temps, le projet de La Cinq en France est un échec. Ceci amènera à la fermeture définitive de la chaîne télévisée en 1990. C’est Jacques Chirac qui boutera Berlusconi du territoire français, le définissant comme « un marchand de soupes ».
1988. Le gouvernement De Mita annonce la présentation de la loi Mammì relative au système télévisé. Dans la pratique celle-ci fige le duopole RAI-Fininvest, sans imposer à Berlusconi de véritables règles antitrust. Le Cavaliere achète la société Standa. La loi Mammì est adoptée en 1990.
1989-1991. Longue bataille entre Berlusconi et De Benedetti pour le contrôle de la société Mondadori, première maison d’édition italienne contrôlant des quotidiens (La Repubblica et 13 journaux locaux), des hebdomadaires (Panorama, Espresso, Epoca) et tout le secteur du livre. Grâce à une décision du juge Vittorio Metta, que le tribunal de Milan estimera par la suite achetée par des tangenti versés par l’avocat de Berlusconi, Cesare Previti, le Cavaliere arrache Mondadori à son concurrent. Une médiation d’ordre politique successive permettra plus tard la restitution de La Repubblica, Espresso et de certains journaux locaux à De Benedetti. Tout le reste demeurera entre les mains de Berlusconi.
1990. Le Parlement approuve définitivement la loi Mammì dans un contexte houleux. Berlusconi peut dès lors garder toutes ses chaînes de télévision (entre temps il participe également aux affaires de la chaîne à péage Telepiù) et Mondadori. Il doit seulement « se séparer » du quotidien Il Giornale (qui sera cédé en 1990 à son frère Paolo).
1994. Berlusconi, désormais orphelin de ses soutiens politiques emportés par le scandale de Tangentopoli, entre directement en politique, fonde son parti, Forza Italia, gagne les élections du 27 mars comme leader du « Pôle des Libertés » et devient Président du Conseil. Le 21 novembre il se retrouve impliqué dans l’enquête sur les tangenti versés à la Guardia di Finanze. Le 22 décembre il est contraint de donner sa démission suite à la motion de censure déposée par ses alliés de la Lega Nord, qui ne partagent plus les orientations de sa politique sociale et insistent pour que soit résolue la question du conflit d’intérêts.
1996. Berlusconi, mis entre-temps en examen également pour ses liens avec la mafia, faux bilans, fraude fiscale et surtout corruption de juges en compagnie de Cesare Previti, présente à nouveau sa candidature aux élections législatives. Mais il subit une défaite et c’est le candidat de centre-gauche, Romano Prodi qui gagne les élections. Il reste alors cinq ans dans l’opposition, aux prises avec toute une série d’enquêtes judiciaires et de procès. Ces derniers se concluent par différentes condamnations en premier ressort, ensuite transformées en prescription et (rarement) en absolution en appel et en cassation.
2001. Le 15 mai Berlusconi gagne les élections législatives à la tête de la » Casa delle Libertà » et redevient Président du Conseil.
En dépit des biographies autorisées que l’intéressé a fait publier ou a favorisé et qui vont parfois jusqu’à agiographie, la vie et la carrière professionnelle du chef d’entreprise Silvio Berlusconi reste constellée de trous noirs et de demandes sans réponses. Voici un petit résumé des omissions les plus inquiétantes.
1) La Edilnord SAS est la société fondée par Silvio Berlusconi en 1963 pour construire le complexe immobilier « Milano 2 ». Les soci accomandatari (ceux qui y opèrent), à côté du future « Cavaliere », sont Edoardo Piccitto, comptable et les entrepreneurs Pietro Canali, Enrico Botta et Giovanni Botta. Les soci accomandanti (ceux qui financent l’opération) sont le banquier Carlo Rasini, patron de la banque homonyme ayant son siège à Milan, via dei Mercanti, et l’avocat d’affaires Renzo Rezzonico, représentant légal d’une société financière de Lugano, la « Finanzierungesellshaft fur Residenzen Ag » dont personne ne connaîtra jamais les réels propriétaires. Il s’agissait, quoi qu’il en soit, de personnes extrêmement optimistes pour confier un capital énorme à Silvio Berlusconi, un jeune homme de tout juste 27 ans qui, jusqu’alors n’avait fait aucunement preuve de talents d’entrepreneur dignes d’être connus.
2) En provenance de la Banque Rasini, où le père de Silvio, Luigi Berlusconi a travaillé toute sa vie, passant de simple employé à directeur général, voilà la réponse donnée par Michele Sindona (entrepreneur en faillite, membre de la loge P2, lié à Cosa Nostra et pratiquant le recyclage de l’argent de la mafia) au journaliste américain Nick Tosches, lorsque celui-ci lui demandait en 1985 quelles étaient les banques utilisées par la mafia: « En Sicile, « Il Banco di Sicilia », parfois. A Milan une petite banque installée Piazza Mercanti ». C’est à dire la Banque Rasini, où Luigi Berlusconi, père de Silvio, a travaillé jusqu’à en devenir le directeur général. A la Banque Rasini, des mafieux et des narco-traficants siciliens célèbres ont leur compte courant, notamment Antonio Virgilio, Salvatore Enea, Luigi Monti, tous liés à Vittorio Mangano, ce mafieux qui travailla comme factotum dans la villa de la famille Berlusconi entre 1973 et 1975.
3) Le 29 octobre 1968, est fondée la société « Edilnord Centri Residenziali Sas » (une sorte de Edilnord 2). C’est fois-ci, à la place de Silvio Berlusconi, on retrouve comme « socio accomandatario », sa propre cousine, Lidia Borsani, âgée de 31 ans. Et son capital provient d’une autre mystérieuse société de Lugano, la « Aktiengesellshaft fur Immobilienanlagen in Residenzentren Ag » (Aktien), fondée par de mystérieux investisseurs peine dix jours avant la création d’Edilnord 2. A partir de ce moment, le nom de Berlusconi disparaît, couvert par toute une série de sigles et de prête-noms. Berlusconi ne réapparaîtra qu’en 1975 pour diriger la société Italcantieri et en 1979 comme président de Fininvest. En attendant sont crées des dizaines de sociétés, dont les titulaires sont des parents ou de simples figurants et qui sont elle-même contrôlées par d’autres sociétés dont on ignore les véritables dirigeants. Selon la reconstitution établie par Giuseppe Fiori dans son libre « Il venditore » (Garzanti, 1994, Milano), Italcantieri est fondée en 1973 et se constitue de deux sociétés fiduciaires du Tessin, « Cofigen Sa » basée à Lugano (liée au financier Tito Tettamanzi, personnalité poche de la maçonnerie et de l’Opus Dei) et « Eti A.G.Holding » établie à Chiasso (administrée par un financier d’extrême droite, Ercole Doninelli, lui-même propriétaire d’une autre société, « Fi.Mo », plusieurs fois accusée de recyclage d’argent sale et de liens avec des narco-trafiquants colombiens).
4) En 1974 est fondée la société « Immobilare San Martino », administrée par Marcello Dell’Utri et dont le capital provient de deux sociétés fiduciaires du groupe BNL : « Servizio Italia » (dirigé par un membre de la loge P2, Gianfranco Graziadei) et « SAF » (Società Azionaria Finanziaria, représenté par un prête-nom tchécoslovaque, Frederick Pollack, né en 1887, rien de moins!). En utilisant différents mécanismes, une multitude de sociétés liées à Silvio Berlusconi et ses proches est « filialisée ». A commencer par les 34 « Holding Italiana », qui contrôlent le groupe Fininvest. Selon Francesco Giuffrida, un des dirigeants de la Banque d’Italie, et Giuseppe Ciuro, sous-officier de la Guardia delle Finanze et expert auprès du Procureur de Palerme lors du procès contre Marcello Dell’Utri pour participation extérieure à une association mafieuse, dans ces sociétés financières ont transité entre 1978 et 1985 au moins 113 milliards de lires de l’époque (soit près de 250 millions d’euro d’aujourd’hui), en partie en liquide et sous forme de chèques « masqués », dont jusqu’à aujourd’hui « on ignore la provenance ». Le Procurateur de Palerme estime qu’il s’agit de capitaux d’origine mafieuse investis dans le Biscione (Fininvest) par les réseaux liés au « boss » Stefano Bontate. La défense prétend qu’il s’agit d’autofinancements, sans expliquer d’où proviennent toutes ses liquidités. L’expert désigné par Silvio Berlusconi, le professeur Paolo Jovenitti, reconnaît lui-même qu’il y a là une « anomalie » et que certaines opérations effectuées demeurent incompréhensibles.
5) En 1973, Silvio Berlusconi achète à Annamaria Casati Stampa di Soncino, une mineure de douze ans, héritière d’une célèbre famille de la noblesse lombarde et orpheline depuis 1970, la Villa San Martino datant du XVIème siècle à Arcore. Cette acquisition comprend des peintures d’auteurs, un parc aménagé d’un million de mètres carrés, des terrains de tennis, un manège d’équitation, des écuries, deux piscines et des centaines d’hectares de terrain. Melle Casati est assistée par un tuteur, l’avocat Cesare Previti, qui se trouve être à la fois l’ami de Silvio Berlusconi, le fils d’un de ses prête-noms (Umberto) et dirigeant d’une des sociétés de son groupe (la société immobilière Idra). Grâce une coïncidence purement fortuite, la fabuleuse villa et tous ses attributs sont acquis pour environ 500 millions de lires de l’époque, un prix dérisoire. Et cette somme n’a pas été versée en argent sonnant et trébuchant mais a été réglée sous forme d’actions de sociétés immobilières non cotées en bourse. Ainsi lorsque la jeune fille décide de s’installer au Brésil et tente de convertir ses titres en liquidités, elle se retrouve avec une brouette de papiers. MM. Previti et Berlusconi lui proposent alors de racheter les actions mais pour la moitié du montant initialement convenu. Un arrêt du Tribunal de Rome, rendu en 2000, a innocenté les auteurs du livre » Gli affari del presidente » qui racontait cet épisode embarrassant.
6) En 1973, Silvio Berlusconi, par l’intermédiaire de Marcello Dell’Utri, engage à son service un célèbre criminel palermitain, Vittorio Mangano, plusieurs fois arrêté et plusieurs fois condamné, en tant que factotum (mais récemment Dell’Ultri l’a promu « Administrateur de la Villa »). Celui-ci quittera la Villa d’Arcore seulement deux années plus tard, lorsqu’il sera suspecté d’avoir organisé l’enlèvement de Luigi d’Angerio Prince de Sant’Agata, intervenu après un dîner avec Berlusconi, Dell’Utri et ce même Mangano dans la Villa. Mangano sera par la suite condamné pour trafic de stupéfiants (lors du « maxi-procès » instruit par les juges Falcone et Borsellino) puis, en 1998, à la perpétuité pour homicide et activités mafieuses.
7) Le 26 janvier 1978 Silvio Berlusconi s’inscrit à la Loge « Propagande 2 » (loge P2) et est présenté au Grand Maître Licio Gelli par son ami journaliste Roberto Gervaso. Il règle les frais d’inscription normaux (100.000 lires) et est enregistré avec la carte n�1816, code E.19.78, groupe 17, fascicule 0625. Sa participation à la loge lui procurera des avantages en tous genres : allant du financement de la société « Servizio d’Italia » par Graziadei jusqu’aux crédits obtenus facilement et de manière injustifiée de la Banque Monte dei Paschi di Siena (dont un autre membre de la loge P2, Giovanni Cresti est le provveditore), en passant par sa collaboration avec le « Corriere della Sera » alors dirigé par un autre membre de la loge P2, Franco Di Bella, et contrôlé par la société Rizzoli appartenant à Angelo Rizzoli, Bruno Tassan Din et Umberto Ortolani, eux aussi membres de la loge P2.
8) Le 24 octobre 1979 Silvio Berlusconi reçoit la visite de trois officiers de la Guardia di Finanza (Inspection des Finances) au siège d’Edilnord Cantieri Residenziali. Il se présente alors comme « un simple conseiller extérieur » chargé de « la préparation du projet Milano 2 ». En réalité il est le propriétaire unique de la société, officiellement au nom d’Umberto Previti. Mais les officiers ne pipent pas mot. Ils arrêtent leur enquête en toute hâte et ce, malgré le fait qu’ils aient été confrontés à plus d’une anomalie dans les liens entre la société et de mystérieux partenaires suisses. Les trois officiers de la Guardia di Finanza, Massimo Maria Berruti, Alberto Corrado et Salvatore Gallo, feront tous une brillante carrière par la suite. Le premier, Massimo Maria Berruti, chef de patrouille, quittera quelques mois plus tard l’armée pour aller travailler à la société Fininvest comme avocat d’affaires (et sera à ce titre responsable de la gestion de sociétés étrangères, de contrats de footballeurs du Milan A.C. et d’autres choses encore). Arrêté une première fois en 1985 dans le cadre du scandale Icomec (puis déclaré innocent), Berruti retournera en prison en 1994 en compagnie du deuxième officier, Alberto Corrado, pour avoir volontairement amener l’enquête sur les pots-de-vin versés à la Guardia di Finanza sur de fausses pistes. Il deviendra par la suite député de Forza Italia avant d’être condamné en premier ressort et en appel à 8 mois de réclusion pour favoritisme. Enfin, on découvrira que le dernier officier, Salvatore Gallo, était, quant à lui, inscrit à la loge P2.
9) Le 30 mai 1983, la Guardia di Finanza de Milan, qui procède à des écoutes sur les lignes téléphoniques de Silvio Berlusconi dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogue, rédige un rapport dans lequel on peut lire : « Il est à signaler que le bien connu Silvio Berlusconi financerait un intense trafic de stupéfiants en provenance de la Sicile et destiné tant à la France qu’à d’autres régions d’Italie (Lombardie et Latium). Le susdit serait au centre d’une importante opération spéculative sur la Côte Esmaralda en utilisant des sociétés-écrans ayant, dans la pluspart des cas, leur siège à Vaduz et toujours à l’étranger. Du point de vue opérationnel, les sociétés en question laissaient une grande marge de manoeuvre aux professionnels locaux ». L’enquête traîne alors pendant huit ans, initialement sous la direction du procureur Giorgio Della Lucia (lequel passé ensuite au service d’instruction, est depuis des années accusé de corruption dans le cadre d’actes judiciaires en compagnie du financier Filippo Alberto Rapisarda, ancien employeur et ancien associé de Marcello Dell’Utri), et en arrive à être pratiquement oubliée. En fin de compte l’ensemble du dossier est envoyé aux archives à l’initiative du doyen des juges d’instruction de Milan, Anna Cappelli.
10) La troisième rencontre facheuse entre le Cavaliere et la Loi remonte au 16 octobre 1984. Trois magistrats de Turin, Rome et Pescara ont la prétention de faire appliquer les règles qui régissent la diffusion télévisée et que Berlusconi a décidé de contourner en diffusant en même temps des programmes identiques sur l’ensemble du territoire national. Les trois magistrats rappellent que ceci est interdit et bloquent l’utilisation des appareils permettant cette opération illégale. Silvio Berlusconi décide alors d’arrêter l’ensemble des émissions en faisant attribuer la responsabilité de ce black out aux juges. Il lance ensuite une campagne de téléspectateurs sous le slogan « Il est interdit d’interdire », opportunément relayée par un autre journaliste membre de la loge P2, Maurizio Costanzo. Le slogan se transforme alors en loi grâce à l’intervention providentielle du Président du Conseil, Bettino Craxi. Celui abandonne une visite d’Etat à Londres et rentre précipitamment en Italie pour faire adopter un décret-loi ad-personam (le « décret Berlusconi ») qui permet de relancer immédiatement les activités télévisées illégales de son compère. Le scandale est tellement énorme, qu’à l’intérieur même de la majorité, certains se rebiffent. Et le décret est rejeté à la Chambre pour inconstitutionnalité. Deux des trois magistrats renouvellent alors la mise sous séquestre pour motif pénal des appareils de transmission utilisable uniquement dans un cadre local. Craxi présente alors un deuxième décret Berlusconi et agite face à ses alliés récalcitrants une menace de crise gouvernementale et d’élections anticipées si le texte n’est pas traduit en loi. Il reviendra ensuite au même triumvirat Craxi-Andreotti-Forlani à légaliser le monopole illégal de Fininvest en matière de télévisions privées par le biais de la loi Mammì, appelée également « Loi Polaroïd » pour sa manière quasi-photographique de maintenir le statu quo.
Mensonges sur la « Loge P2 » (faux témoignage)
La Cour d’appel de Venise déclarait en 1990 Berlusconi coupable de fausses déclarations sous serment devant le tribunal de Vérone à propos de sa participation à la « loge P2 ». Mais ce délit est couvert par l’amnistie de 1989. Interrogé sous serment Berlusconi avait affirmé: « Je ne me rappelle pas la date exacte de mon inscription à la loge P2, je me rappelle cependant qu’elle est de peu antérieur au scandale (…). Je n’ai jamais payé les frais d’inscription, et ceux-ci ne m’ont jamais été réclamés« . Berlusconi s’est en fait inscrit à la loge P2 en 1978 (le scandale a éclaté en 1981) et avait payé les frais d’inscription. Les juges de la Cour d’appel de Venise énonçaient: « Le collège estime que les déclarations de l’accusé ne correspondent pas à la vérité (…), elles sont démenties par les résultats de l’enquête de la commission Anselmi et des déclarations du prévenu lui-même devant le juge d’instruction de Milan, déclarations jamais contestées par la suite (…). Il en ressort donc que M. Berlusconi a fait de fausses déclarations », a fournit des « déclarations mensongères » et qui « comportent l’ensemble des éléments objectifs et subjectifs constitutifs du délit de faux témoignage ». Mais « les effets de l’amnistie annulent les conséquences du délit ».
« Tangenti » versés à la Guardia di Finanza (Inspection des Finances) (corruption)
Ier ressort : condamnation à deux ans et neuf mois pour les quatre actes de corruption (tengenti) en cause (aucune circonstance atténuante).
Appel : prescription pour trois des actes de corruption (grâce à la reconnaissance de « circonstances atténuantes génériques« ), absolution avec formule de doutes (�II art.530 ccv) pour le quatrième. Parmi les motifs on peut lire « le jugement de culpabilité de l’accusé pèse sur de multiples éléments d’indice, certains, univoques, précis et concordants, et pour ces raisons dotés d’une force de persuasion permettant de leur donner valeur de preuve »
Cassation: absolution. L’exposé des motifs comporte deux références à la traditionnelle insuffisance de preuves. La Cour de Cassation ne peut rentrer dans le fonds du dossier ni annuler la sentence précédente exprimant des doutes. Elle se doit d’émettre un verdict clair (confirmer ou annuler le jugement précédent). Mais, dans leur exposé des motifs, les juges de la VIème section pénale citent explicitement l’article 530 cpv (« preuves contradictoires et insuffisantes »). A douze lignes de la fin, pour éviter toute équivoque, les juges suprêmes ont voulu être encore plus clairs. On y lit en effet: » Compte tenu de l’insuffisance de preuves déjà observée à l’encontre de Silvio Berlusconi, des éléments d’indices utilisés par la Cour d’appel… ».
All Iberian 1 (financement illégal de partis politiques)
Ier ressort: condamnation à 2 ans et 4 mois pour des versements de l’étranger et vers l’étranger d’un montant de 21 milliards de lires, effectués par le biais du compte All Iberian au bénéfice de Bettino Craxi.
Appel: le délit tombe pour prescription, mais il est indiqué que « pour aucun des accusés, il n’émerge des faits l’évidence de l’innocence ».
Cassation: la prescription est confirmée avec condamnation au paiement des frais de procédure. Dans la sentence définitive on peut lire « Les opérations sociétaires et financières préalables à des versements de l’étranger et vers l’étranger, du compte bancaire dont All Iberian est titulaire vers le compte de transit Northern Holding (Craxi), furent réalisées depuis l’Italie par les dirigeants du groupe Fininvest Spa, avec le concours important de Silvio Berlusconi, propriétaire et président de la société (…) Il n’apparaît pas dans les actes du procès que celui-ci est étranger à l’affaire ».
All Iberian 2 (faux bilan)
Le procès est suspendu dans l’attente du jugement de la Haute Cour de Justice européenne et de la Cour constitutionnelle italienne sur la légitimité des nouvelles normes en matière de criminalité financière approuvées par le gouvernement Berlusconi. Si les exceptions soulevées par différents tribunaux sont repoussées, le délit sera considéré comme prescrit.
Medusa Cinema (faux bilan)
Ier ressort: condamnation à un an et 4 mois (10 milliards d’argent noir qui, par le biais d’opérations d’acquisition se retrouvent placés un ensemble de livrets au porteur en possession de Silvio Berlusconi).
Appel: absolution avec formule de doutes (�2 art. 530). Selon le collège des juges, Silvio Berlusconi est tellement riche qu’il pourrait ne pas s’être rendu compte qu’au cours de l’opération, son collaborateur Carlo Bernasconi (condamné) lui a versé 10 milliards de lires au noir. Les juges écrivent: « La multitude des livrets se rapportant à la famille Berlusconi et la dimension notoirement importante du patrimoine de Silvio Berlusconi permettent de penser qu’il n’a pas eu la possibilité de connaître tant l’augmentation de son capital que l’origine de celle-ci ».
Cassation: la sentence d’appel est confirmée.
Terrains de Macherio (appropriation indue, fraude fiscale, faux bilan)
Ier ressort: absolution pour les délits d’appropriation indue et de fraude fiscale (en raison du versement au noir d’une somme de 4.400 millions de lires à l’ancien propriétaire de terrains entourant la Villa di Macherio, où vivent la deuxième femme de Berlusconi, Veronica, et ses trois enfants), prescription pour les faux bilans de deux sociétés auxquels « indubitativement Silvio Berlusconi a participé ».
Appel: confirmation de l’absolution pour les deux premières accusations. Absolution également pour un des deux faux bilans, tandis que le second est couvert par une amnistie.
Cassation: en cours.
Cas Lentini (faux bilan)
Ier ressort: le délit (une somme de 10 milliards versée au noir au club de football Torino Calcio lors de l’achat du joueur Luigi Lentini) a été déclaré couverte par la prescription grâce à la nouvelle loi sur les faux bilans.
Appel: en cours.
Comptes consolidés du groupe Fininvest (faux bilan)
Le juge d’instruction Fabio Paparella a déclaré prescrit, sur la base de la nouvelle loi sur les faux bilans, les opérations d’un montant de 1.500 milliards de lires de présumé argent noir placé par le groupe Berlusconi sur 64 sociétés off-shore de la galaxie All Iberian (« deuxième compartiment de la société Fininvest »). Le procureur Francesco Greco a présenté un recours en cassation pour absence de fixation de l’audience préliminaire, ce qui l’a empêché de soulever une exception d’inconstitutionnalité et d’incompatibilité avec les directives communautaires sur la criminalité financière et avec le traité de l’OCDE..
Loi Mondadori (corruption dans le cadre d’une procédure judiciaire).
Grâce à la reconnaissance de « circonstances atténuantes génériques » le délit (qui en premier ressort a amené la condamnation de Cesare Previti) a été déclaré prescrit par la Cour d’Appel de Milan et par la Cour de Cassation. Dans l’exposé des motifs de la Cour de Cassation, on peut lire: « les faits pertinents [pour la reconnaissance de « circonstances atténuantes génériques »] concernant les conditions de vie sociale et individuelle du sujet [Berlusconi est alors devenu Président du Conseil], qui sont considérés par la Cour d’appel comme un élément décisif, n’apparaissent nullement incongrus � ».
Sme-Ariosto (corruption dans le cadre d’une procédure judiciaire)
En raison des « empêchements institutionnels » continues soulevés par Berlusconi et des renvois successifs des audiences, le cas du Président du Conseil a été mis à l’écart du procès principal. Et un deuxième procès parallèle s’est mis en place. En faisant approuver en un temps record la Loi Maccanico, Berlusconi a cependant suspendu ce procès jusqu’à la fin de son mandat (ou sine die en cas de réélection ou de nomination à une autre charge institutionnelle) et ce, juste à la veille du réquisitoire, des plaidoiries et de la sentence et 40 mois après l’ouverture des débats.
Sme-Ariosto (faux bilan)
Suite à l’entrée en vigueur des nouvelles normes en matière de droit des sociétés, ce chef d’accusation à l’égard de Berlusconi pour les sommes versées à certains juges (selon l’accusation) a été écarté. Le procès est arrêté dans l’attente du jugement de la Haute Cour de Justice européenne sur la conformité entre les nouvelles règles et la réglementation communautaire. Mais, même en cas de réponse positive des juges, le procès restera bloqué par la Loi Maccanico. Comme toutes les autres procédures encore en cours à l’encontre de Silvio Berlusconi.
Droits télévisés (faux bilan -?- et fraude fiscale)
Des enquêtes préliminaires sont actuellement menées à Milan par les procureurs Alfredo Robledo et Fabio De Pasquale, à l’encontre de nombreux managers du groupe, du président de Mediaset, Fedele Confalonieri et de son propriétaire Silvio Berlusconi, qui selon l’accusation, aurait continué, même après son entrée en politique en 1994, a exercé de facto la direction de l’entreprise.. L’objet de l’enquête : une série d’opérations financières d’acquisition de droits cinématographiques et de télévision de majors américaines. Ces opérations tourbillonnantes entre différentes sociétés du groupe de Berlusconi auraient eu pour résultat de gonfler artificiellement le prix des biens acquis et de bénéficier des réductions fiscales de la loi Tremonti, approuvée par le premier gouvernement Berlusconi pour détaxer les bénéfices réinvestis des entreprises. Le faux bilan présumé est évalué par les magistrats à environ 180 millions d’euro en 1994.
Telecinco (violation des lois antitrust et fraude fiscale en Espagne)
Le juge anti-corruption de Madrid, Baltasàr Garzòn Real, qui a demandé en 2001 au gouvernement italien d’initier un procès à l’encontre de Berlusconi ou, alternativement, de le priver de son immunité pour permettre qu’il soit juger en Espagne, n’a pas encore reçu de réponse. Pour cette raison, le procureur anti-corruption Carlo Castresana a, en mai 2002, prié Garzòn de s’adresser à nouveau aux autorités italiennes. En Espagne Berlusconi est accusé, avec Marcello Dell’Utri et d’autres dirigeants du groupe Fininvest, d’avoir pris le contrôle, grâce à une série de prête-noms et d’opérations financières illicites, de la presque totalité de la chaîne Telecinco, en dépassement des limites imposées par l’Autorité de la concurrence espagnole, le plafond étant alors fixé à 25% des actions cotées.
Mafia (participation extérieure à une association mafieuse et recyclage d’argent sale)
L’enquête a été classée à Palerme à la demande du Ministère public pour dépassement des délais d’enquête.
Bombes de 1992 et de 1993 (participation à un attentat)
Les enquêtes des Procureurs de Florence et de Caltanissetta les présumés « commanditaires cachés » des attentats de 1992 (contre les juges Falcone et Borsellino) et de 1993 (à Milan, Florence et Rome) ont été classés pour dépassement des délais d’enquête. A Florence, le 14 novembre 1998, le juge d’instruction, Giuseppe Soresina, a pourtant relevé combien Berlusconi et Dell’Utri ont « entretenu des rapports loin d’être épisodiques avec des individus criminels liés au programme des attentats ». C’est à dire avec le clan de Corleone qui dirige Cosa Nostra depuis vingt ans, avec des centaines d’homicides et une demi-douzaine d’attentats à son actif. Le juge florentin ajoute qu’il existe « une convergence objective entre les intérêts politiques de Cosa Nostra et certaines parties du programme de la nouvelle formation [Forza Italia]: article 41 bis, législation sur les repentis, rétablissement des garanties de justices volontairement négligées par la législation du début des années 1990 ». Par la suite il ajoute même qu’au cours de l’enquête « l’hypothèse initiale [d’une implication de Berlusconi et Dell’Utri dans les attentats] n’a pu être écartée et est même apparu encore plus plausible ». Mais, il faut constater qu’est arrivé à échéance « le délai maximum des enquêtes préliminaires » avant de pouvoir recueillir des éléments ultérieurs.
Le juge d’instruction de Caltanissetta, Giovanni Battista Tona, écrit : « Les actes du dossier ont amplement démontré la permanence de différentes possibilités de contacts entre les hommes appartenant à Cosa Nostra et des représentants et des sociétés contrôlées de différentes manières par les accusés [Berlusconi e Dell’Utri]. En soit, ceci légitime l’hypothèse que, compte tenu du prestige de Berlusconi et de Dell’Utri, ceux-ci ont pu être identifiés par les hommes de l’organisation comme d’éventuels nouveaux interlocuteurs ». Mais « le caractère friable de cet ensemble d’indices impose le classement ».
Enfin, il y a la sentence de la Cour d’assise de Caltanissetta, qui le 23 juin 2001 a condamné en appel 37 boss mafieux pour l’attentat de Capaci. Au chapitre explicitement intitulé « Les contacts entre Salvatore Riina et les députés Dell’Utri et Berlusconi », on peut lire qu’il est prouvé que la mafia a entretenu avec les deux parlementaires « un rapport fructueux, au moins d’un point de vue économique ». A tel point fructueux qu’en 1992, « le projet politique de Cosa Nostra en matière institutionnelle visait à mettre en place de nouveaux équilibres et de nouvelles alliances avec les nouvelles personnes de référence dans le monde politique et de l’économie ». C’est à dire à « tenter d’impliquer l’Etat dans la man�uvre et à permettre un renouvellement politique qui, par le biais de nouvelles relations, assure comme par le passé les complicités dont Cosa Nostra avait bénéficié ».
TOUT CE QUE JE PENSE DE BERLUSCONI
Par Umberto Bossi, Ministre des réformes institutionnelles du gouvernement Berlusconi
Silvio Berlusconi était le porte-valise de Bettino Craxi. C’est une branche de l’ancien régime. Et le plus efficace pour recycler les traîne-savates du « pentapartito » (la coalition gouvernementale formée par Bettino Craxi). Alors que la Lega faisait chuter l’ancien système, lui vivait dans un monde de rêve, avec ses perruques et son sourire retouché. Il s’agit d’une vulgaire boite vide. Mais vous ne l’avez pas vu aujourd’hui (sur les affiches), recouvert de pommade au milieu des nuages bleutés ?
Berlusconi, c’est du recuit.C’est un pauvre bougre, un traître à la cause du Nord, un lèche-bottes de l’Ulivo, qui suit même les man�uvres de Franceschiello derrière le caporal D’Alema et sa trompette. Moi, j’ai la mémoire longue. Mais qui est Berlusconi ? Son « Pôle » est mort et enterré et la Lega ne va pas avec les morts. Les négociations entre la Lega et Forza Italia sont une pure invention de sa part, le pauvre. Le parti de Berlusconi, nouvelle version du triumvirat Craxi-Andreotti-Forlani, ne parviendra jamais à un accord avec la Lega. C’est un beefsteack et la Lega, le presse-viande.
Berlusconi a toutes les caractéristiques d’un dictateur. C’est un Kaiser en blazer. C’est un petit tyran, que dis-je, c’est le clown blanc du théâtre politique. Un Peròn de bas étage. Il est bien pire que Pinochet. Il a quelques chose qui tient du nazi, du mafieux. Ce membre de la loge P2 a tout du renard perfide prêt à faire la razzia dans le poulailler.
Berlusconi est l’homme de la mafia. C’est un palermitain qui parle en dialecte milanais, un palermitain né au mauvais endroit et en mission pour arnaquer le Nord. La société Fininvest est le fruit de Cosa Nostra. Il y a des différences entre nous et Berlusconi : lui, malheureusement, c’est un mafieux. Le problème c’est que parmi les membres de la Lega, il y a ceux qui savent déjà que c’est un mafieux et ceux qui ne le savent pas encore. Mais le Nord le mettra à la porte, Berlusconi, on s’en fout. D’où vient son argent ? Des finances de la mafia ? Il y a cent milles jeunes du Nord qui sont morts à cause de la drogue. Berlusconi m’a personnellement affirmé que ses fonds venaient de la Banque Rasini, fondée par un certain Giuseppe Azzaretto, originaire de Palerme et que par la suite il est parvenu à s’approprier toute la caisse. Dans cette même banque travaillait aussi le père de Silvio et il y avait là de nombreux comptes des dirigeants de Cosa Nostra.
Il faudrait connaître ses origines, son histoire. Gelli lança le projet Italia et il y avait là, dans la loge P2, le bon Monsieur Berlusconi. Puis les Holdings virent le jour. Comment la magistrature pourra-t-elle faire son devoir et aller voir d’où vient tout ce fric ? Elle doit se rappeler que, tout ce fric, la mafia l’obtient de la drogue et que, dans le Nord, de la drogue sont morts des dizaines de milliers de gamins qui désormais crient sous terre. S’il veut comprendre l’histoire de la chute de son gouvernement, qu’il vienne me voir, je vais la lui expliquer : c’est moi qui ai mis fin au parti des mafieux. Lui, il achetait nos députés et, moi, je l’ai abattu.
Ce vilain mafieux gagne son argent avec la vente de l’héroïne et de la cocaïne. Le mafieux d’Arcore veut amener au Nord le fascisme et le meridionalisme. Discuter de répartition des sièges ne suffit pas : je propose une commission d’enquête sur l’enrichissement de Berlusconi. Chez Forza Italia il y a collusion entre la politique et le monde criminel et l’industrie du blanchiment de l’argent sale. L’homme de Cosa Nostra, avec Fininvest, possède quelques choses comme 38 Holding, dont 16 de manière occulte. Elles sont l’émanation d’une banque de Palerme à Milan, la banque Rasini, la banque de Cosa Nostra à Milan.
Forza Italia a été créé par Marcello Dell’Utri. Vous voyez, les intérêts réels souvent n’apparaissent pas. A la télévision, on voit des visages souriants qui te racontent des histoires, qui semblent des gens biens. Mais, attention, la mafia n’a pas de limites. La mafia, les intérêts de la mafia, c’est la drogue et la drogue, elle a tué des milliers et des milliers de jeunes, surtout au Nord. Palerme a pris le contrôle de la télévision, et est en mesure d’entrer dans les maisons des braves citoyens du Nord trop crédules.
Berlusconi a fait tout ce qu’il a voulu avec les télévisions, même avec celles régionales, même avec la loi Mammì. Beaucoup de fortunes sont honteuses, parce qu’elles trouvent leur origine dans la mort de dizaines de milliers de personnes. Il n’est pas vrai que l’argent n’a pas d’odeur. Il y a, d’un côté, l’argent qui sent la sueur et, de l’autre, celui qui a l’odeur de la mafia. Et s’il n’y avait pas ce pouvoir, le Pole serait dissout en quelques heures.
Rencontrer à nouveau Berlusconi à Arcore ? C’est exclu, il n’y aura plus d’accords avec le Pole. Il y a trois ans, ils ont cru nous jeter un sort. Le magicien Berlusconi nous a alors dit : « qui sort du cercle magique, c’est à dire de mon gouvernement, meurt ». On est sorti et on a renvoyé son maléfice au sorcier. Il n’y a aucun sortilège qui puisse nous faire revenir dans le cercle du berlusconisme. Avec ces gens-là, il n’y a pas d’accord politique possible : c’est le parti où milite Dell’Utri, accusé d’activités mafieuses.
La « Padania » demande à Berlusconi s’il est membre de la mafia ? Mais elle l’a fait avec trop de légèreté ! Elle devait aller jusqu’au bout avec cette charogne liée à Craxi.
Face à Berlusconi, je serai le gardien du tricheur. Nous nous trouvons dans une situation dangereuse pour la démocratie s’il retourne à Palazzi Chigi. C’est la victoire d’un parti qui n’existe pas, la victoire d’un seul homme, un technocrate, un autocrate. Moi, je dis ce que je pense; lui, il fait ce qui lui permet de passer à la caisse. Il traite l’Etat comme une société par actions. Mais qui pense-t-il donc être ? Nembo Kid ?
Vous croyez vraiment que quelqu’un qui possède 140 entreprises peut servir les intérêts des citoyens ? Quand celui-ci se plaint, marrez-vous. Cela signifie que tout va bien, qu’il n’est pas encore arrivé à mettre la main sur la caisse.
Il faudrait que Berlusconi-Berluscosa-Berluskaz-Berluskaiser arrive à se mettre dans la tête qu’avec les gens de Bergame, moi, j’ai fait un pacte de sang. Il n’y a pas de villa, pas de cadeau, pas de man�uvre sentimentale qui puisse me faire dévier de ma route. Berlusconi doit comprendre chez nous les gens sont prêts à l’envoyer paître. Il suffira de deux secondes avant qu’il soit obligé de s’enfuir la nuit. S’ils voient qu’il leur à raconter des histoires, ils encercleront sa villa et ses jardins à l’anglaise et enverront tout dans le décor.
La Présidence du Conseil de Berlusconi a été une tragédie.
Quand la démocratie est en jeu, il pourrait venir à l’idée à certains de lui faire sauter ses installations de diffusion. Parce qu’avec ses télévisions, il fait un véritable lavage de cerveau aux gens, avec les même trucs qu’un vendeur de produits détachants. Ses télévisions portent atteinte à la Constitution. Il faut les lui enlever. Nous nous trouvons dans une situation inconstitutionnelle gravissime, de république bananière. Un homme s’est fait donner par l’Etat une concession sur des fréquences télé afin d’aliéner les gens et orienter leur vote. Il est temps de mettre fin à cette honte. Si vous votez pour lui, il vous prendra jusqu’aux poteaux électriques.
Si Berlusconi chute, c’est l’ensemble du Pole qui chute, et au Nord, c’est la Lega qui récupère le tout. Mais ils ne le feront pas chuter. Parce que, même si c’est un fils de pute, c’est leur fils de pute, et pour cette raison ils le maintiennent en place.
Mais le minable d’Arcore sent bien que les histoires de Forza Italia et du Pole, le parti des américains vont le foutre en l’air. Un maçon, un type de la loge P2, le gars d’Acore, c’est toujours une affaire de « Cosa sua » ( d’intérêts personnels ) ou de « Cosa nostra ». Mais, attention, Berlusconi ! Ni la mafia, ni la loge P2, ni l’Amérique ne réussiront à détruire notre société. Et, lui, à la fin, trouvera sa petite place en enfer. Parce que même au Purgatoire on ne voudra pas de lui. Parce que c’est Berlusconi qui devra disparaître de la circulation, pas la Lega. Ce n’est pas nous qui sommes en conflit avec Berlusconi, c’est l’Histoire qui est en conflit avec lui.
(Les phrases contenues dans ce texte ont toutes étaient prononcées par Umberto Bossi entre 1994 et 1999, c’est à dire lors de la crise du premier gouvernement Berlusconi, après la rupture de l’alliance entre Bossi et Berlusconi en décembre 1994 et avant leur réconciliation à la fin de l’année 1999. Les dates exactes de ces déclarations, tirées de quotidiens et de dépêches d’agences de presse, sont les suivantes : 1,7,9,10,13 mars 1994; 5 avril 1994;4, 11,23,31 mai 1994; 1,12,17 juin 1994; 29 juillet 1994; 6,8,13 août 1994; 1 septembre 1994; 6,20,23 décembre 1994; 14 janvier 1995; 22 mars 1995; 13 avril 1995; 10 juin 1995; 29 juillet 1995; 25 janvier 1996; 14,19,25 août 1997; 18 juin 1998; 22 juillet 1998; 13 septembre 1998; 3, 27 octobre 1998; 24 février 1999; 13 avril 1999; 10 septembre 1999; 19 octobre 1999)
Share