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Sicile 3 : le ministre Romano risque le procès pour complicité mafieuse
Le ministre de l’agriculture risque de subir un procès pour concours externe en association mafieuse (complice mais pas membre de l’organisation cf. Un sénateur condamné par une justice italienne sophistiquée). Grâce à une organisation judiciaire indépendante (tout le contraire de la France), on risque d’apprendre bien des turpitudes de ce ministre. En effet, en Italie, les procureurs sont indépendants car ils sont nommé en Conseil supérieur magistrature (en Conseil des ministre en France… bonjour la séparation des pouvoirs). Du fait du principe de l’obligation de l’action pénale (contrairement au principe d’opportunité des poursuites en vigueur en France), le ministère public sont tenus d’enquêter et ne peuvent classer sans suite rapidement comme en France. Surtout, ce classement fait l’objet d’un contrôle de la part d’un autre juge dans le plus grand respect d’un principe de collégialité et de contradictoire.
Dans le cas qui nous intéresse, le procureur Nino Di Matteo, bien que considérant qu’il avait trouvé « un cadre inquiétant de contiguïté avec les familles mafieuses » cit., il a proposé de classer la procédure et de ne pas tenir un procès. Sauf que le juge des enquêtes préliminaires (GIP), chargé du contrôle de la décision, en a décidé autrement.
Il ne s’agit pas ici de remettre ne cause la probité du procureur Di Matteo, excellent juge antimafia, que les mafieux veulent assassiner (écoutes judiciaires). Ce dernier a dû faire un arbitrage et penser qu’il y avait certes matière à procès mais que le risque de relaxe était grand comme dans le cas Andreotti (cf. Le divin Giulio Andreotti)
C’est vrai qu’il y a matière car M. Romano fait partie de la bande à Cuffaro and co (cf. Vasa Vasa en prison). Dans une thèse de science politique (cf. Mafias italiennes et relations internationales), on peut lire :
Salvatore Cuffaro est né en 1958 à Raffaldi dans la province d’Agrigente. Il milite au sein de la Jeunesse de la Démocratie chrétienne sous la protection de l’ancien ministre Calogero Mannino, condamné pour association mafieuse1. Salvatore Cuffaro est élu conseiller municipal de Raffaldi puis de Palerme. En 1991, Angelo Siino2, l’un des plus importants collaborateurs de justice, affirme que Salvatore Cuffaro est proche de la mafia. Les premières déclarations devant les magistrats impliquent également Saverio Romano, l’autre homme fort de l’Udc en Sicile. En 1991, à la veille des élections régionales, Cuffaro et Romano ont demandé explicitement de l’aide aux mafieux afin qu’ils soient élus à l’assemblée régionale. Le mafieux Angelo Siino organisa un dîner dans la maison de la famille mafieuse Teresi de Villagrazia. Les mafieux Santino Pullarà3, Santino Di Matteo4 et Nino Gioè5 étaient présents à ce repas électoral. Ce dîner a permis aux jeunes Cuffaro et Romano de recevoir les soutiens des plus grands mafieux de Palerme. Les efforts du jeune politicien n’ont pas été vains. Le 16 juin 1991, il est élu député régional.
1 Il est condamné en première instance en 1996. En appel le 11 mai 2004, il écope d’une condamnation à cinq ans de prison pour « concours externe en association mafieuse ». A ce jour, la procédure n’est pas terminée.
2 Angelo Siino est un « homme d’honneur ». Pour son rôle dans la répartition des appels d’offre, il est surnommé le « ministre des travaux publics » de Cosa nostra.
3 Chef mafieux de la famille de Santa Maria di Gèsus, condamné à la prison à vie pour plusieurs homicides.
4 Il appartenait à la famille d’Altofonte. Devenu collaborateur de justice, il a confessé sa participation à l’attentat de Capaci contre le juge Falcone en 1992. Son fils a été assassiné par Enzo Brusca en 1996.
5 Mafieux de rang moyen qui s’est suicidé dans la prison de Rebibbia.
Sicile 1 : Spatuzza est un collaborateur de justice fiable
Le 1er juillet 2011, le tribunal administratif vient de donner raison à Gaspare Spatuzza et donne tort à l’administration qui lui avait, en 2010, refusé une protection policière. Gaspare Spatuzza est un mafieux qui a décidé de collaborer très tardivement. Arrêté en 1997, il décide de collaborer en 2008. Il s’accuse de nombreux meurtres dont celui du père Puglisi en 1993 et d’avoir volé la voiture qui sera rempli d’explosifs pour le juge Borsellino (cf.12 janvier 2002, un étudiant et un colloque sur les attentats de 1992-1993).
Spatuzza doté de certaines qualités intellectuelles accompli un chemin religieux qui le conduit à se repentir au sens propre et à collaborer avec la justice (cf. Le Vatican et la mafia : le compte n’y est pas!). Le problème de Spatuzza c’est sa femme. Il avait déjà montré des velléités de collaboration ma sa tendre épouse lui avait fait les yeux noirs (cf. Journée de la femme 2011 : le courage de collaborer avec la justice). Sans le soutien de sa famille biologique, il est bien difficile de collaborer avec l’Etat. Quitter sa famille et sa « famille » : cela fait beaucoup en même temps.
Pour freiner le phénomène des « repentis », les parlementaires de tout bord ont en 2001 pondu une loi qui oblige les collaborateurs de justice à tout dire en 6 mois. Il s’agit d’un délais totalement insuffisant pour un mafieux qui doit raconter 10 ou 20 ans de carrière, soit une quarantaine de meurtres dans le cas de Spatuzza.
Le sort de Saptuzza n’est pas encore définitif car il doit repasser devant la commission des collaborateurs de justice du ministère de l’intérieur ; le sous secrétaire d’état à l’intérieur Alfredo Mantovano s’empressant de désapprouver la décision du tribunal administratif qui contredit la loi de 2001.
Pour l’instant, la décision du tribunal administratif est une excellente nouvelle pour les mafieux qui voudraient évoquer les rapports politico-mafieux, ce qui est le cas de Spatuzza. En gros, il soutien que des mafieux négociaient l’arrêt des attentats avec des personnes proches de Silvio Berlusconi (cf.Le bras droit du président du Conseil condamné en appel)
Rien de vraiment nouveau car (in Le terrorisme mafieux dans la crise du système politique italien) :
Le 14 novembre 1998, le juge des enquêtes préliminaires, Giuseppe Soresina, en charge des attentats de Florence, Milan et Rome, a démontré que Silvio Berlusconi et Marcello Dell’Utri avaient « entretenu des rapports soutenus avec des individus criminels liés à la programmation des attentats »1. Les hommes forts de la « seconde République » étaient en contact avec le clan des Corléonais au moment des attentats. Le magistrat développe « il existe une convergence objective entre les intérêts politiques de Cosa nostra et certaines parties du programme de la nouvelle formation [Forza Italia, nda] »2. Le programme du parti de Silvio Berlusconi propose la surpression de l’article 41 bis, l’encadrement de la législation sur les collaborateurs de justice, le rétablissement des garanties judiciaires volontairement négligées par la législation précédente. Au cours de l’instruction, « l’implication de Silvio Berlusconi et celle de Marcello Dell Utri est apparue plausible »3.
1 Ordonnance de classement disponible sur de nombreux sites internet : Gianni Vattimo – news – bErlUsconi
« Crimine » version Piémont : 180 mises en examen
Juillet 2009, un mafieux écouté par la police : « Pourquoi pas à Turin?… ils l’ont bien en Lombardie et en Ligurie, non? Nous sommes 9 « locali« . Réponse du compare : « c’est une chose qu’on doit faire » à propos de la commission provinciale
Après l’opération Crimine de juillet 2010 avec 300 arrestations, c’est au tour du Piémont de se réveiller avec l’information selon laquelle la mafia calabraise a colonisé le territoire.
Grâce à deux collaborateurs de justice (cf. le choix de vivre), l’état de droit a mis fin à l’activité d’une centaine de compare (mafieux calabrais) qui s’adonnaient à l’extorsion, à l’organisation de jeux de hasard et au trafic de drogue.
L’enquête révèle que dans la province de Turin, il y aurait 9 « locali » (circonscription mafieuse équivalent du mandamento en Sicile) avec une cinquantaine de soldat chacun. Il y aurait aussi un groupe « Crimine » chargé des actions violentes et une « batarde » c’est à dire une ‘ndrine (famille mafieuse calabraise) « détachée » et non autorisée. L’organisation est une vraie priorité chez les mafieux comme en témoigne les écoutes judiciaires. Les mafieux se demandent pourquoi dans la province de Turin, il n’y pas « a provincia« , une commission comme il est existe à Reggio, à Milan et à Gênes (cf. Bourgeoisie mafieuse dans le Nord) et qui permet d’aplanir les conflits entre « locali ». Cette chambre de compensation permettrait de gagner en autonomie vis à vis de la Calabre (cf. 4. Organisation mafieuse : « j’appelle la Province »). Tout transnational qu’il est, le phénomène mafieux est fondé sur le contrôle du territoire (cf. ‘Ndrines, armes et contrôle du territoire). Avec la ‘Ndrangheta tout se décide en Calabre, come à Duisburg (cf. De San Luca à Duisburg, la faida et la ‘Ndrangheta) où les ordres sont partis de San Luca. Et gare à celui tente de s’affranchir de la maison mère : l’assassinat d’un capo-bastone à Milan.
La justice a saisi 70 millions d’avoirs dont 20 000 euros en liquide à Modène. Bien que pas mis en exemen, 7 hommes politiques dont deux conseillers régionaux sont cités dans les actes de procèdure pour être en contact avec les mafieux arrêtés.
Fête des mères 2004 : le boss fait tuer son fils
En ce jour de fête des mères 2004, Nicholas Cirillo soldat de la famille Genovese et fils du boss Dominick « Quiet Dom » Cirillo, va à un rendez vous ; une de ses convocations mafieuses dont on ne reveint jamais : « I v got send for » disait Al Pacino dans Donnie Brasco (cf. Violence programmée chez La Cosa Nostra)
Nicholas 41 ans vient de subir la violence programmée par « Lupara biancha » (cf. Le « repenti » rétablit l’Etat de droit en Italie)). Sa disparition intervient deux semaines après une altercation avec deux membres des Bonanno, ce qui conduit les enquêteurs sur la piste d’un règlement de compte jusqu’à ce que Joseph Massino, boss des Bonanno, intègre le programme des témoins américain. Le « repenti » porte alors des micros et enregistre une conversation avec Vincent Basciano du clan Genovese qui explique que « Quiet Dom » a ordonné l’assassinat de son propre fils « trop turbulent »…
La mafia c’est la tyrannie de la famille mafieuse (cf. Arrestation de la « mamma »). On tue un membre de sa famille biologique puis on retourne se coucher comme si de rien n’était (cf. Histoires de femmes dans la mafia)
Histoires de femmes dans la mafia
Tout commence en jour d’avril 1981 quand la famille mafieuse se réunit. Il y a un problème : Annuziata sort avec un carabinier et cela ne se fait pas : la réputation de la ‘ndrine est en jeu. Annuziata est un cadavre qui marche et c’est sa propre famille de sang qui va l’assassiner.
30 ans aprés, Giuseppina Pesce, sa cousine, va réparer l’irréparable en collaborant avec la justice. En avril 2011, elle permet l’arrestation à Milan de sa soeur Marina Pesce, 29 ans, et sa mère Angela Ferraro, 48 ans. Les deux femmes sont accusées d’association mafieuse, blanchiment et racket. Elles sont soupçonnées d’avoir servi d’intermédiaires entre leur mari et père, Salvatore Pesce incarcéré et le reste du clan homonyme de Rosarno.
1. Rosarno se trouve dans Hinterland de Gioia Tauro où se trouve Le port-conteneur de la ‘Ndrangheta
2. Là où se trouve le plus grand supermarché du Sud de l’Italie mais c’est un hasard (cf. Vengeance transversale ou conséquence de la mondialisation?
3. Les arrestations ont lieu dans le Nord de l’Italie (cf. Le sommet mafieux dans le Nord de l’Italie : la vidéo
4. La collaboration avec la justice est une superbe trahison (cf. MafiaS et trahisonS au regard des sciences sociales
5. Toute société est matriarcale, même dans la mafia (cf.Journée de la femme 2011 : le courage de collaborer avec la justice)
Quitter le programme de protection : mauvaise idée!
« Monsieur le juge, vous savez que je devais vous assassiner«
Vincenzo Calcara au juge Borsellino en 1991
Au mois de mars 2011, deux hommes, âgés d’une quarantaine d’années frappent à la porte d’une petit maison du Piemont. Une femme ouvre et les deux hommes en dialecte sicilien lui disent : « Où est Vincenzo ? » ; « Dis lui de rester muet »… Ils viennent dans le plus pur style mafieux de menacer Vincenzo Calcara, homme d’honneur de la famille de Matteo Messina Denaro (cf. La mafia et les énergies renouvelables). Vincenzo Calcara devait assassiner le juge Paolo Borsellino mais il a préféré rencontrer le juge et collaborer avec la justice de 1991 à 1998 ; un peu comme Rita Atria (cf. La Sicilienne rebelle).
Vincenzo, aprés avoir témoigné et fait son temps de prison, sorti du programme de protection des « repentis » un lourd à supporter. Il n’en empêche, le lieu d’habitat devait quand même rester secrêt. Soit, il y a eu une fuite au sein des services protection, soit les mafieux l’on suivit aprés une des apparitions car Vincenzo multiplie les interventions publiques pour dénoncer la Mafia. En décembre dernier, il était dans son village de Castelvetrano pour faire un débat avec les lycéens mais le proviseur avait refusé de faire venir les élèves (cf. Salle vide pour Borsellino au pays du boss). Aucun élève ne s’est présenté et c’est finalement avec l’ancien maire de la commune, connu pour ses acquaintances, que Calcara avait affrontait (cf vidéo en italien) .
La femme et le fils de Calcara ont été rapidement pris en charge par les forces de l’ordre et envoyés dans un autre endroit. L’enquête est en cours pour déterminer comment le lieu de résidence a été identifié.
Sortir du progrmame de protection des collaborateurs de justice est déconseillé (cf. Le jeune Castello échappe à une mort certaine). L’Etat italien a protégé environ 6 000 mafieux depuis 1991 (je n’arrive pas à avoir le chiffre exacte 🙂 ) et aucun d’entre eux n’a été assassiné (cf. Un nouveau collaborateur de justice pour l’Etat italien). En revanche, ceux qui quittent le programme… lLannée dernière, une jeune femme ne supportant plus de voir son enfant est retrourné voir son « ex » membre de la ‘Ndrangheta « mafia number one » et avec ces complices, ile compagno l’a assassiné et dissous son corps dans l’acide (cliquez).
Café : enjeu statégique pour les mafieux
Au mois de mars 2011, la presse américaine révèlait que le syndicat Laborers Internation Union of North America (LIUNA) avait placé la section 6A (employés de la construction) sous contrôle direct car elle veut isoler Ralph Scopo, manager proche de La Cosa Nostra (cf. De La Cosa Nostra (LCN) : une mafia américaine!) ; information obtenue grâce à Dino Calabro, un capo (chef d’équipe) de la Famille mafieuse des Colombo. Ce mafieux a expliqué que contrôler le syndicat permettait de bénéficier d’emplois fictifs et même de détourner les fonds de la vente de cafés sur les chantiers….
En Italie, au mois de septembre 2010, on apprend que le clan camorriste des Casalesi, (cf. Une victoire de l’Etat contre les Casalesi) en réalité un cartel de clans dans la province de Casal di principe contragnaient les établissements de débit de boisson et d’alimentation à acheter une marque de café. Les magistrats procureurs ont émis 11 mandats d’arrêt dont Giuseppe Setola, le leader du commando du jeudi noir (cf. « Jammuncenne »).
Le café est donc stratégique pour les mafias des deux cotés de l’Atlantique. Et en France?
Sans père mais avec la justice
Le petit « Luigi » va pouvoir grandir sans son père mais avec le sentiment que la justice est passée. La police vient d’arrêter 12 personnes du clan d’Alessandro de Castellammare di Stabia dont les commanditaires de l’assassinat de Luigi Tommasino simple conseiller municipal mais qui ne voulait pas se plier à la loi du clan. Ce dernier avait donc appliqué la violence programmée.
Rappelons que ce début de justice repose sur la collaboration des tueurs devenus « repentis » (quelle expression inappropriée 🙁 ) : cf.Le jeune Castello échappe à une mort certaine
Pas de lutte antimafia sans collaborateur de jutrice : « Victor : nettoyeur »
Article mafia et politique
Vous pouvez acheter l’article paru dans la revue Grande Europe (documentation française) et qui traite de l’emprise de la mafia sur le monde politique en Italie (rubrique Focus cliquez)
Résumé :
Les relations entre le pouvoir italien et la mafia (ou plutôt les mafias : Cosa Nostra en Sicile, ‘Ndrangheta en Calabre, Camorra en Campanie, Sacra Corona dans les Pouilles) atteignent un degré d’intrication inquiétant. « Etat dans l’Etat », dotée de son propre ordre fondé sur une « violence programmée » qui lui permet de régner sur des pans entiers du territoire, la mafia est parvenue à infiltrer les pouvoirs publics via, par exemple, les scrutins électoraux et la corruption. L’attitude du pouvoir politique est parfois ambiguë : impliqué dans certains cas pour complicité avec la mafia, certains responsables, jusqu’aux plus hautes sphères, ont coopéré de près ou de loin avec ce pouvoir occulte. En outre, en ne luttant pas efficacement contre la perception du pizzo (impôt perçu par les « soldats » de la mafia) ou encore contre les écomafias qui ont fait du recyclage des déchets une activité aussi lucrative que le trafic de drogue, les autorités ont baissé la garde, exception faite de quelques élus qui paient de leur vie, leur refus de collaborer avec l’organisation criminelle. Pour sa part, la justice italienne, soutenue par la commission parlementaire anti-mafia, a déclaré la guerre à la mafia depuis plusieurs décennies (1962) : de nombreuses dispositions juridiques (par exemple, la loi de 1982 sur le délit d’association mafieuse, la réintroduction des biens confisqués à la mafia dans le circuit légal à des fins sociales en 1996), le recours aux « repentis » (anciens mafieux), un vigoureux soutien aux initiatives de la société civile ont permis d’enregistrer certains succès. S’ajoute à cela, la prise de conscience de la dimension européenne du problème par les autres États membres de l’Union européenne…
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