Retour sur le workshop :
« Journalistes : quel rôle dans la lutte contre la corruption ? »
L’espace associatif des Grands Voisins, à Paris, a accueilli le workshop « Journalistes : quel rôle dans la lutte contre la corruption ? », le 16 juin dernier. Un rendez-vous rendu possible par l’ONG European Youth Press, réseau de jeunes journalistes européen et le magazine Cafébabel, dans la continuité de leur collaboration autour du projet Reporting Against Corruption. L’événement a réuni plus d’une vingtaine de participants, principalement de jeunes journalistes, autour des organisateurs et des intervenants Fabrice Rizzoli, représentant Anticor et président de l’association Crim’HALT et Alexandre Brutelle, journaliste indépendant venant présenter le projet Deputy Watch, première base de données en ligne sur les délits d’élus. L’occasion pour chacun, militants et journalistes, de partager le fruit de leur travail et de réfléchir à la nécessité d’établir un pont entre leurs activités.
ACRP : Reporting Against Corruption, une initiative européenne
Safouane Abdessalem est tout d’abord revenu sur sa participation au premier workshop du « Reporting Against Corruption Project », au titre de journaliste pour Cafébabel. C’est auprès de dix journalistes européens sélectionnés par European Youth Press qu’il avait participé à une semaine de formation intensive à Anvers en mars dernier. Formation destinée à familiariser les participants à divers outils de la lutte contre la corruption.
Des outils empruntés à différentes pratiques, parmi lesquelles le journalisme d’investigation, le data-journalisme ou encore l’activisme, comme autant de directions données aux jeunes participants pour constituer leur propre « boîte-à-outils » et l’utiliser à leur retour dans leurs pays respectifs.
Ces derniers devaient également se charger de l’organisation d’un workshop porté autour de la même thématique, permettant ainsi le rendez-vous donné le 16 juin aux Grands Voisins.
Identifier la corruption avec Fabrice Rizzoli
Suite à cette présentation, Fabrice Rizzoli s’est exprimé sur le thème du workshop en tant que représentant de l’association et président de Crim’HALT, à l’invitation des organisateurs. Il a présenté au public différents exemples de points de blocage institutionnels ralentissant la lutte contre la corruption.
Manque d’indépendance des procureurs vis-à-vis de l’exécutif, mise sous tutelle des Officiers de police judiciaire par leurs supérieurs hiérarchiques plutôt que par des magistrats enquêteurs ; nombreux sont les points institutionnels pouvant, en France, court-circuiter l’action de l’état en ce domaine.
Parmi ces derniers, le président de Crim’HALT, a mentionné l’existence du fameux « Verrou de Bercy », donnant le dernier mot au ministre de l’économie en matière de poursuites fiscales, lorsque ce rôle est habituellement réservé au procureur de la République pour tout ce qui relève du pénal. Pour rappel, la suppression de ce verrou avait été rejetée de peu à l’Assemblée Nationale en juillet dernier.
Fabrice Rizzoli a aussi fait écho à la crise que traverse actuellement la presse en matière d’indépendance éditoriale, citant l’attaque du Figaro essuyée par Anticor en 2015, au moment de la plainte déposée par l’association contre Serge Dassault, propriétaire du journal.
Enfin, il a également insisté sur l’usage social des biens confisqués comme unique moyen d’impliquer les citoyens contre la corruption, par exemple en reconvertissant des biens mal acquis et confisqués par l’état en lieux ouverts aux citoyens. C’est à ce titre que l’association Anticor devrait se voir mis à disposition l’appartement de Claude Guéant pour qu’il devienne le siège de la seule association anticoruption indépendante. La maison de Patrick Balkany devrait devenir la maison des journalistes. Une mesure par ailleurs recommandée par la Commission Spéciale du parlement européen contre le Crime organisé, la corruption et le blanchiment [CRIM].
Un énorme merci au Conseil Constitutionnel pour avoir retoqué l’amendement usage social des biens confisqués (cf. Communiqué de presse : les biens confisqués échappent à la société civile !)
Deputy Watch : du data-journalisme militant
Alexandre Brutelle, président du média associatif Politics Watch, a ensuite partagé avec le public le site Deputy Watch, première base de données des délits d’élus, réalisée à la veille des élections législatives avec la participation de nombreux jeunes journalistes français.
L’objectif de ces derniers : offrir aux votants un moteur de recherche récapitulant le passé judiciaire des députés sortants se représentant aux élections. Un projet en réponse au flot rapide et continu de l’information, où les manques de probité de nos élus se noient régulièrement.
Il a par la suite fait état des projets à venir pour le site : la création d’une nouvelle plateforme agrégeant de nouveaux types d’élus, parmi lesquels les sénateurs ou les députés européens. Mais également un nouveau média indépendant, qui informera le grand public sur les méthodes que les citoyens peuvent emprunter au journalisme afin de s’organiser eux-mêmes contre la corruption.
Des initiatives à suivre !
Alexandre Brutelle & Fabrice Rizzoli