Archive pour la catégorie ‘Sacra corona unita et mafias des Pouilles’
De la Scu (Sacra corona unita-mafia des Pouilles) à l’Etat de droit
Le 8 mars 2009, il est 6h du mat quant les forces de l’ordre pénètrent dans une habitation de Cassano Murge près de Bari. Les policiers réveillent et arrêtent Salvatore Caramuscio en photo (reconnaissez que les faits dépassent toutes les fictions hollywoodiennes). Originaire de Lecce et âgé de 40 ans, Salvatore Caramuscio est membre de la Sacra corona unita (la Scu), la mafia de la région des Pouilles (Exécution dans le centre de Bari). En 2003, il aurait assassiné le gérant d’un bar, ce qui lui vaut d’être arrêté. Au mois de septembre 2008, la justice le libère car les délais de sa détention provisoire sont dépassés… délais qui auraient été mal calculés…. Accusé de meurtre, d’association mafieuse et de trafic de drogue, il opte pour la clandestinité tout en continuant le racket des commerçants.
Pour la petite histoire, au moment de se faire menotter, Salvatore Caramuscio a félicité les policiers « vous avez fait un travail de scientifiques ». En Italie, les mafieux sont souvent plus respectueux du travail des forces de l’ordre que ne l’est la classe politique.
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Collaborer avec la justice : le choix de vivre
La victime, un mafieux de la Sacra corona unita, la mafia des Pouilles, est un ancien collaborateur de justice, (un mafieux « repenti » protégé par l’Etat). Dans les années quatre-vingt dix, Orazio Porro était le bras droit du boss Guiseppe Cellamare. Tous les deux, acteurs majeurs du trafic de cigarettes transitant par les Balkans. étaient en « cavale » au Monténégro où ils ont été arrêtés.en 1998. Mais avant d’être arrêté, Orazio Porro avait tenté d’assassiner le boss rival et honni Giuseppe De Felice, surnommé « Pinuccio il napoletano ». Pour cette tentative de meurtre, un des soldats d’Orazio Porro fut balafré en prison. Orazio Porro décide, alors, de passer du côté de la légalité. Il témoigne contre son clan au procès. En 2006, la cour d’assise lui retire le droit d’être protégé par l’Etat car ce témoin n’aurait pas tout dit sur un massacre survenu en 1990. Au mois de janvier, de 1990, via Isonzo, trois personnes ont été tuées au cours d’une tentative d’assassinat contre le boss du vieux Bari Antonio Capriati qui s’est servii des trois victimes comme bouclier…). Une fois sorti de prison en 2008, Orazio Porro se serait caché pour se protéger avant de revenir à Bari en 2009. Là, les sources divergent. Soit, il aurait commis une tentative de racket ou bien il aurait été apperçu dans les allées du parquet de Bari, ce qui signifie qu’il voulait être réintégré dans le programme de protection des anciens mafieux (« repentis »).Orazio Porro aurait mieux fait de tout dire. Il serait aujourd’hui, en sécurité, dans une commune du Nord de l’Italie, sous un faux nom et avec sa famille. Depuis 1992, aucun collaborateur de justice sous protection de l’Etat italien n’a été assassiné par la mafia. Orazio Porro aurait pu faire le choix de la vie et de la légalité (Cf. Le « repenti » rétablit l’Etat de droit en Italie ). Ses hésitations lui ont été fatales.
A contrario, l’auteur de l’assassinat de la semaine dernière s’est livré à la police ( Cf. Prison à vie ou exécution sommaire? ). Il a fait le choix de la vie… en prison.
Exécution dans le centre de Bari
Lundi 21 juillet 2008, il est 20h. La rue Palazzo di Citta dans le vieux Bari est emplie de passants. Deux personnes surgissent et tirent sur un repris de justice : Giovanni Peschetola. Des balles traversent la vitrine d’une brasserie et la gérante s’évanouit. Il semble que la victime sortait en courant d’un appartement. Peschetola avait peut-être rendez-vous avec ses assassins. Ou bien, les protagonistes se sont disputés et cela s’est terminé à « la sauce mafieuse ». En effet, la victime est proche d’un chef de groupe du clan des Strisciuglio. Ce clan de la Sacra corona unita, la mafia de la région de Pouilles, contrôle les affaires illicites dans le quartier Libertà qui est limitrophe du centre historique de Bari. Comme la Camorra napolitaine, la Sacra corona unita fait un usage « excessif » et peu calculé de la violence.
Libérations de mafieux dans la région des Pouilles
Le 26 juin, Armando Libergolis (en photo à gauche) et quatre autres tueurs de la mafia des Pouilles ont été libérés. Les Pouilles sont la région que l’on assimile au talon de la botte italienne (carte en bas). Une fois sorties de prison, ces personnes pourraient former à nouveau leur clan et s’entretuer avec leurs rivaux. En effet, depuis trente ans, à Monte Sant´Angelo sul Gargano, dans la province de Foggia, une faida, c’est à dire une série de meurtres liés à la notion de vengeance, fait rage. Tout commence en 1978. La famille Primosa aurait fait paître son troupeau sur un terrain appartenant à la famille Libergolis (ou l’inverse…). Puis, les bergers sont devenus des mafieux de la Sacra corona unita (Scu), la quatrième mafia d’Italie. Les clans se sont enrichis à l’aide de la contrebande de cigarettes et du trafic de drogue. Depuis 1978, la police a recensé 35 homicides et autant de disparus. Les deux clans regroupent une centaine de personnes et une vingtaine de familles. Les membres d’un clan ont fréquemment des liens de parenté avec les rivaux. Il n’est pas rare qu’une personne tue un membre de sa famille parce que ce dernier avait rejoint l’autre faction. En 2000, un fils a tué son père pour cette raison.
En 2004, les forces antimafias avaient arrêté 123 personnes : des membres du clan Libergodis et Primosa mais aussi des affiliés aux clans Ciavarella et Tarantino. Ces deux derniers clans sont responsables d’au moins quarante homicides dans le cadre d’une autre faida, celle de la petite ville de San Marco in Lamis.
Les mafieux libérés se défendaient devant la Cour d’assise de Foggia mais les délais de leur détention provisoire sont dépassés. Le procès dure depuis trois ans et il y a déjà eu 96 audiences ! De nombreuses écoutes téléphoniques doivent être traduites du dialecte de la région en Italien…
Pour expliquer ces libérations, on évoque la lenteur de la justice italienne. L’Italie fait face à quatre organisations mafieuses et la corruption y est plus importante qu’au Botswana (d’après les statistiques de Transparency international). Il conviendrait donc d’augmenter le budget de la justice.
Le gouvernement actuel a préféré suspendre 100 000 procès en appel ! Heureusement, il s’agit d’accusés qui risquent seulement dix ans de prison…