Archive pour la catégorie ‘Les « écomafias »’
Toxic Somalia : au coeur de la problématique mafia entre illégalité et légalité
Durée : 54min. ( 20H41 – 21H35 )
Diffusion : Haute définition
Cryptage : En clair
Genre : Docu-info – Société
Origine : France
Année de réalisation : 2010
Télétexte : Sourds et malentendants
Réalisation : Paul Moreira
Rediffusion(s) : 09/06/2011 à 10:00 sur Arte
Déjà traité par la presse écrite (Enrico Porsia) et déjà démontré par des commission parlementaire en Italie, le cas de déchets toxiques déversés en Somalie est filmé par Paul Moreira mène l’enquête. Déverser une tonne de déchets toxiques le long des côtes somaliennes ne coûte que 2,50 dollars. C’est la décharge la moins chère du monde, et une source de bénéfices confortables pour les Occidentaux. Mais ces polluants anéantissent les ressources maritimes, provoquent des malformations génétiques et des cancers chez les enfants… Afin de protéger leurs côtes et tout simplement de survivre, les Somaliens ont abandonné la pêche et se sont tournés vers la piraterie. Parallèlement, les réseaux mafieux responsables des trafics d’armes et de déchets prospèrent…
Ecomafias dans son assiette
Nourriture contaminée, le nouveau business de la Camorra
La mafia napolitaine s’était déjà rendue célèbre avec l’affaire de la mozzarella di buffala contaminée en 2008. Selon un mémo diplomatique publié par WikiLeaks, elle a trouvé un nouveau business : l’importation à bas coût d’aliments toxiques.
Archeomafia : le témoignage de Claudia
Claudia, étudiante en archéologie à Amsterdam, accomplit souvent des fouilles en Italie ou en Grèce. Cette année, à Falacrinae (Cittareale) dans le centre de l’Italie, Claudia a découvert l’archéomafia (cf. L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias) :
« Dès le deuxième jour, je prenais des notes quand des personnes arrivent pour soit disant visiter le site, « la mine patibulaire mais presque ».Le responsable du site nous explique qu’il s’agit un pilleur de tombes : un professionnel. Nous avons alors caché les pièces de monnaie et autres. On lui a fait croire qu’on avait rien trouvé d’intéressant car il serait venu voler la nuit. D’autres étudiants me racontent que parfois ils dorment toute la nuit aux côtés des vestiges pour les protéger ».
Claudia ajoute que les voleurs ne sont pas tous des professionnels : « Une fois, nous avons relâché l’attention et mangé un panino pendant une heure. A notre retour, deux femmes du village étaient en train de sortir un vase de terre à l’aide d’un bâton endommageant une strate de fouille« . Enfin, notre archéologue, dans la plus grande tradition hollandaise universaliste et humaniste, tient à préciser : « cela n’arrive pas seulement en Italie« . Lisez : les voleurs ne sont pas toujours italiens 🙂
Merci Claudia mais en l’occurrence, d’après l’Unesco, 60% du patrimoine archéologique mondial se trouve en Italie et 18% en Sicile. En outre, en Italie quatre mafias contrôlent une partie du territoire (cf.« Archeomafia » dans le Nord de l’Italie?) et surtout une magistrature indépendante qui fait des enquêtes.
Per saperne di piu Pepe Ruggiero/Narcomafie
Meurtre politico-mafieux : le message de la Camorra
En plein jour, les sicaires s’approchent en deux roues d’une voitue et les neuf coups explosent. Angelo Vassallo, 57 ans, maire de Pollica, une ville de 2.500 habitants, dans la province de Salerne au sud de Naples, vient d’être abbatu. La Camorra, très probablement, vient d’éliminer un symbole. Ecologiste, le “maire-pêcheur” élu sur une “liste civique” de centre-gauche était un vrai « casse-couilles ». Il s’opposait à la spéculation immobiliere, supervisait lui même le bon fonctionnement de la station d’épuration, surveillait les capitaux qui entraient dans les commerces, contrôlait les appels d’offre et éloignait les vendeurs de drogue des plages! J’imagine ce que ce sont dis les chefs mafieux au dernier refus du maire : « questo rompi scatole deve morire » comme d’autres avant lui (cf. La vie politique en Campanie et Le jeune Castello échappe à une mort certaine).
La Camorra a estimé qu’il était temps d’envoyer un signal ; la violence étant un langage. (cf. Violence programmée à Scilla en Calabre). Ceux qui s’opposent au pouvoir de la Camorra sont prévenus.
Grâce au maire et a ses adjoints, Pollica était devenu un petit coin de paradis. Sur sa plage, le drapeau bleu indiquant la très grande qualité des eaux de baignade flottait en permanence. Aujours’hui , c’est le drapeau noir qui est issé.
La folle semaine de la ‘Ndrangheta…
4. ‘Ndrangheta’s resort : une « écomafia »
Le 18 février 2005, la mairie de Crotone est fière de présenter Europaradiso, un projet touristique évalué à 7 milliards d’euros. Il s’agit de la construction d’un parc d’attraction et d‘infrastructures hôtelières capable d’accueillir 14 000 touristes. Déjà en 2006, des journalistes de la Repubblica avaient signalé les dégâts environnementaux qu’entraînerait la réalisation de ce projet. Le projet divisa aussi l’opinion publique. Facile pour certains de défendre les intérêts économiques de faire du chantage à l’emploi.
…
Par la suite, on découvre que les financiers étrangers ont déjà été condamnés pour corruption. Puis, le 5 mars 2007 , la région Calabre annule le projet pour incompatibilité avec l’intérêt public en particulier en matière d’environnement. L’administration régionale évite ici une « écomafia », une activité criminelle qui porte atteinte à l’environnement ( L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias )
Enfin, le 20 février 2008, le parquet de Catanzaro constate qu’il s’agit un projet politico-mafieux. Le 25 novembre dernier, la confirmation arrive par les écoutes téléphoniques dévoilées dans le cadre des arrestations auxquelles ont procédé les policiers le même jour. ( La folle semaine de la ‘Ndrangheta ). A l’aide d’Europaridiso, les clans de la zone, avec la complicité d’hommes politiques, tentaient de recycler d’importants capitaux illégaux.
Gomorra au gouvernement ?
Au mois septembre 2008, le » repenti » a affirmé que les députés Mario Landolfi (Alliance nationale) et le sous-secrétaire du gouvernement Berlusconi, Nicola Cosentino, étaient des référents du clan des Casalesi.
L’homme politique de Forza Italia, Nicola Cosentino, avait des intérêts dans la société Eco 4 qui récoltait les déchets dans la province de Casal di Principe (région de Naples) et dont le gérant a été assassiné pour avoir parlé à des magistrats ( N°73. Le premier « cadavre exquis » des « ecomafias » ).
Gaetano Vassallo : « Je déclare que j’ai agi pour le compte de la famille mafieuse Bidognetti qui gérait la société Eco4 à travers les frères Orsi. Ces derniers payaient un pot-de-vin de 50 000 euros par mois [au clan nda]. Je peux dire que la société Eco 4 était gérée par les députés Nicola Cosentino et Mario Landolfi… je me suis présenté personnellement pour donner les 50 000 euros comptant à Sergio Orsi et à Cosentino. La rencontre a eu lieu dans la maison du député [originaire de la région nda]. Cosentino a reçu la somme dans une enveloppe jaune et Sergio Orsi m’a informé sur son contenu ».
On comprend pourquoi le nouveau gouvernement n’est pas pressé de mettre en place la Commission parlementaire antimafia.
Voici une vidéo tirée de Biutiful Cauntri
La « zoomafia » filmée en Sicile
Cette semaine, une chaîne de télévision française a diffusé un court reportage sur une course clandestine de chevaux dans la province de Messine (vidéo d’une autre chaîne).
A la fin de la diffusion, le commentateur évoque une infraction « moins grave (« inofensives » cit.) que le trafic de drogue… ». En réalité, les courses clandestines relèvent du contrôle du territoire et du consensus social. C’est parce que les mafias contrôlent le territoire qu’elles sont les plus fortes en matière de grands trafics. Pour illustrer ce propos, vous pouvez relire un article paru au mois de mars (cf. « Zoomafia » au quotidien). Les courses de chevaux font partie des activités dénommées « zoomafia ». Ces activités criminelles sont incluses dans le concept des « ecomafias » (cliquez pour plus de précisions).
Des montagnes de déchets pour matériaux de construction
Dans le cadre de l’opération « Blacks Mountains », dans la province de Crotone, la magistrature a procédé à la mise sous séquestres de 18 aires sur lesquelles sont édifiées des écoles primaires (en photo), des parkings, des routes et des maisons… Les constructions en question, y compris des logements sociaux, ont été fabriquées avec plus de 350 milles tonnes de scories industrielles, de déchets toxiques et de substances cancérigènes. Le zinc, l’arsenic, le plomb et le mercure produits par l’usine du coin n’étaient pas traités mais servaient de matériaux de construction. Sept personnes ont été arrêtées. Certaines sont mises en examen pour association de malfaiteurs. Les sites saisis par la justice sont situés dans l’arrière-pays de Crotone entre Cutro et Isola Capo Rizzuto, une des zones à plus forte densité mafieuse (La guerre des ‘ndrines s’étend à la province de Crotone?). Les ‘ndrines de la zone sont donc nécessairement impliquées dans l’utilisation des ces déchets. En vertu de la règle du contrôle du territoire, les entreprises du bâtiment ont payé un impôt aux familles mafieuses. A moins que ces sociétés ne soient aux mains des mafieux. Ces activités sont nommées les « écomafias » (L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias ).
Ecomafia de Bari au Pakistan en passant par Gioia Tauro
La magistrature a mis en examen le gérant de l’entreprise responsable de l’exportation illégale de 21 tonnes de déchets. La société, implantée à Bari dans la région des Pouilles, économisait le traitement des déchets. Pour cela, elle déclarait exporter de la matière première à la place des déchets ménagers et spéciaux. Les déchets étaient destinés au Pakistan.
En raison du contrôle du territoire pratiqué par la mafia calabraise, l’entreprise malveillante a certainement payé un impôt à la ‘ndrine, la famille mafieuse calabraise, implantée à de Gioia Tauro ( Le port-conteneur de la ‘Ndrangheta) . A moins que cette compagnie ne soit directement dirigée par des mafieux.
L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias
Au printemps dernier, Naples croulant sous les déchets, le monde ne voyait plus l’Italie comme le pays des musées. Une élection et une compétition de football après, un constat s’impose, l’Italie est le pays des «écomafias».
L’écomafia. Le mot apparaît en 1999 pour désigner les activités criminelles qui portent atteinte à l’environnement. On parle aussi de la criminalité environnementale. Pour l’année 2007, Legambiente, une association pour la protection de l’environnement, estime que les écomafias ont rapporté 18 milliards d’euros, dont plus de 50% aux quatre mafias italiennes. Les écomafias renforcent le pouvoir de la mafia sur son territoire et elles dynamisent leurs liens avec les institutions et avec les acteurs économiques.
«Archeomafia». Le mot désigne les trafics d’œuvres d’art par la mafia qui prélève souvent son butin à la source, sur les sites archéologiques.
«Zoomafia». Les mafieux organisent des courses clandestines de chevaux, des combats de chiens, et gèrent les paris clandestins ainsi que la commercialisation des produits dopants. Quoi de plus ? La zoomafia met facilement en évidence le contrôle mafieux du territoire. Les courses des chevaux se déroulent sur les routes départementales ou sur les plus importantes artères des villes, expressément fermées au trafic. Ainsi, en 2004, une course a même eu lieu sur le périphérique de Palerme !
Le «cycle du ciment». Ce circuit criminel regroupe les constructions sans permis, l’excavation illicite de matériaux de construction, comme le sable ou la terre, et l’infiltration des appels d’offres. En Italie, on commence d’abord par faire construire sa maison sans permis, ensuite on vote pour le centre droit qui promulgue une loi de régularisation. L’annonce de la régularisation incite alors les citoyens à construire sans permis. Et la droite reste au pouvoir…
Le «cycle des déchets» ou l’icône de la criminalité environnementale. Le système économique italien produit chaque année environ 108 millions de tonnes de déchets. Il s’agit de 28 millions de tonnes de déchets domestiques et de 80 millions de tonnes de scories industrielles. Pour la plupart, ces déchets ne sont pas traités. Une seule politique : la mise en décharge. Parfois ils sont emballés en attendant que l’on trouve le moyen de les traiter comme sur la photo.
Les entrepreneurs du Nord ont organisé le traitement illégal de leurs déchets :
– toxiques: ils sont déclassés à un niveau de dangerosité inférieur et sont déposés dans des décharges légales, ou bien ils sont employés comme fertilisants; ils peuvent aussi être abandonnés dans des hangars de propriété inconnue.
– classiques: ils sont déposés dans des décharges illégales. L’Italie en est parsemée. Celles-ci sont en général des carrières dont les entreprises «marrons» se servent pour s’approvisionner en sable, en terre ou en pierre, dans le cadre de cycle du ciment. Les déchets remplacent alors les matériaux de construction. En remplissant ces trous béants avec des déchets, les criminels dissimulent les excavations illégales.
– Enfin, les déchets peuvent être brûlés comme c’est le cas, notamment, en Campanie. La culture de l’illégalité étant généralisée en Italie, les dirigeants d’entreprises publiques se débarrassent aussi de leurs déchets avec l’aide de la mafia. Les écomafias sont un parfait exemple de convergence entre les mafias, les milieux économiques et des secteurs de l’administration.
Un cas d’école. La région de Naples est la plus peuplée d’Italie. Le tri sélectif s’élève à moins de 5 %. Les décharges publiques sont saturées. Les compagnies de ramassage des ordures sont souvent aux mains des clans de la Camorra bénéficiant d’un réseau de complicités. Les entreprises de la Camorra vont chercher les déchets du Nord et les déversent dans des décharges légales et illégales. Un repenti de la Camorra napolitaine déclarait devant la commission parlementaire antimafia : «Les ordures valent plus que l’or.»
Dans l’arrière-pays napolitain, seul le clan contrôlant sa zone a le droit de déverser des déchets. Celui qui le ferait sans l’autorisation de la famille mafieuse serait puni de mort. Ainsi à Ponticelli, le clan Sarno sous-traitait les écomafias à la communauté rom. Le clan faisait payer le pizzo, l’impôt mafieux, aux Roms pour les autoriser à habiter des baraques de fortune. Les mafieux permettaient aux Roms de faire le tour des petites entreprises pour récupérer les matériaux polluants età les en débarrasser contre une dizaine d’euros.
Le clan des Casalesi a recouvert la province de Caserta de décharges illicites. Désormais, de grandes quantités de déchets, surtout liquides et inflammables, sont brûlées pendant la nuit, libérant de la dioxine dans l’atmosphère. Nombre d’animaux des fermes environnantes ont été empoisonnés par les retombées chimiques. Les instances sanitaires ont fait abattre les animaux et ont retiré du marché les produits afférents à leur exploitation.
Biutiful cauntri. C’est un documentaire choc qui sort aujourd’hui dans les salles françaises (1). On y voit l’arrière-pays napolitain saturé de décharges. Il illustre le problème national de sécurité et de santé publique posé par les écomafias. En effet, le taux de cancer dans l’arrière-pays de Naples est le plus élevé d’Italie.
Les caméras d’Esmeralda Calabria, la réalisatrice, filment les camions venus du Nord pour décharger des scories industrielles
sur des terrains fertiles. A l’aide d’écoutes téléphoniques, on peut entendre le cynisme d’une criminalité en col blanc qui fait alliance avec les mafieux sur l’autel de la rentabilité. Dans une scène-clef du film, un militant pour l’environnement demande à visiter une décharge publique. Le vigile lui refuse l’entrée au motif qu’il s’agit d’une propriété privée !
Et pourtant, on garde espoir. Raffaele del Giudice, le Don Quichotte du film, démontre que la société napolitaine dispose
d’anticorps pour sortir de cette situation, mais la volonté politique manque…