Archive pour la catégorie ‘Légalité en Italie’
Eglise et mafia
La Conférence Épiscopale Italienne, réunie à Assises, a déclaré que les membres d’organisations mafieuses sont automatiquement excommuniés de l’Église catholique. Cela voudrait dire que les mafieux sont excommuniés sans qu’il y ait besoin d’autres actes de la part de l’Église. Et bien, Non! L’église doit excommunier les mafieux et leur complice en motivant sa décision.
Le problème est que l’Église et la mafia partagent une valeur commune (une seule), celle de croire à un ordre supérieur, au dessus de l’état de droit. Ainsi, de nombreux prêtres acceptent les confessions des mafieux sans les inciter à changer de style de vie. Car quitter la mafia veut dire collaborer avec la justice et devenir un citoyen c’est à dire accepter la laïcité, l’avortement, la pillule, le préservatif… et cela l’église n’y croit pas.
De nombreux prêtres se taisent face aux mafieux. Certains les marient (cf. Bénédiction vaticane à la ‘Ndrangheta). D’autres mènent un combat social contre la mafia. Ils sont en premières lignes, sont assassinés (Pino Puglisi en 1993 et Don Diana en 1994) et sont peu soutenus par le Vatican.
Tant que le Vatican, en plus de faire le ménage dans ses banques (cf. scandale), n’acceptera pas la supériorité de la loi des hommes sur la loi divine, il ne pourra pas donner à ses prêtres des consignes antimafias sans ambiguités.
Ndr : Le 9 mai 1993, le Pape Jean-Paul II avait condamné la mafia lors d’une messe à Agrigente. Cosa nostra sicilienne répond le 28 juillet 1993 en posant deux bombes à Rome, visant l’église Saint Georges du Vélabre et surtout la Basilique Saint Jean de Latran (siège ecclésiastique officielle du Pape et considérée comme la « mère de toutes les églises du monde »). Ces attentats font parti d’un plan de déstabilisation globale de l’Etat (cf. 12 janvier 2002, un étudiant et un colloque sur les attentats de 1992-1993).
Le jeune Castello échappe à une mort certaine
Le 27 octobre, les policiers ont arrêté, pour la seconde fois, Castello Romano un jeune soldat de la Camorra napolitaine. Ce dernier, à la solde du clan d’Alessandro deCastellamare di Stabia (au sud de la province de Naples sur la carte), aurait participé à l’exécution de Luigi Tommasino conseiller municipal du Parti Démocrate le 3 février dernier (cf. Petit “Luigi” deviendra grand).
Les policiers avait déjà été arrêté une première fois le jeune sicaire de 19 ans qui avait démontré une certaine volonté de collaborer avec la justice en s’accusant de 5 autres homicides commis au cours des derniers mois. Il avait donc été conduit dans un hôtel des Pouilles en attendant d’intégrer le programme de protection des collaborateurs de justice (« repenti »). Certainement tiraillé par des contradictions psychologiques difficiles à gérées, le jeune homme s’était échappé de son hôtel (en attachant ses draps pour descendre le long du mur… jeune mais débrouillard).
Il semble heureux que les policiers aient retrouvés le jeune Castello car difficilement ces associés lui auraient pardonné d’avoir entamé une collaboration avec l’Etat italien. Castello aurait certainement été assassiné par ses anciens compagnons d’arme…
Avec Castello Romano, la police aussi arrêté Renato Cavaliere, 27 ans, qui a appuyé sur la gâchette le 3 février dernier. Lui aussi a décidé de basculer du côté de la légalité.
L’Italie est un état de droit. Les mafieux sont arrêtés, jugés par une magistrature indépendante et ils ont la possibilité de quitter l’univers mafieux pour rejoindre celui de la citoyenneté (« se repentir », cf.Un nouveau collaborateur de justice pour l’Etat italien).
En revanche, le clan d’Alessandro va pouvoir recruter d’autres tueurs en rapatriant ses capitaux blanchis à l’étranger grâce au bouclier fiscal voulu par le gouvernement italien (cf. Une troisième amnistie fiscalo-mafieuse).
Etats généraux de l’Antimafia
Pour en savoir plus sur les états généraux de l’Antimafia en italie
cliquez sur : Contromafie en français (in english)
Demandez le programme en cliquant sur le document ci dessous :
Les services de renseignement italien et les mafias
Dans la nuit du 7 décembre 1970, l’italie devait devenir une dictature comme en Grêce, l’Espagne et le Portugal. Le coup d’Etat organisé par le prince Valerio Borghese échoue mais la République italienne avec sa magistrature indépendante, fait vite la lumière sur cette évènement et ce, même si la participation des mafias sera médiatisée bien après. Retrouvez un extrait de la thèse de doctorat de science politique (cf.Mafias italiennes et relations internationales) qui développe le rôle des mafias italiennes dans ce coup d’Etat avorté :
» … Pour donner le départ du coup d’Etat Borghese, les 6 et 7 décembre 1970, une série d’attentats contre des églises, des supermarchés, des sièges de partis politiques et à la préfecture de police à Reggio ravivaient à nouveau un climat de guerre. Si le coup d’Etat réussissait, l’Italie aurait du se transformer en régime autoritaire. Pour cela les putschistes devaient s’emparer du Quirinale, le bâtiment présidentiel à Rome, de la Rai ainsi que de nombreuses casernes dans tout le pays. Des témoignages sérieux et concordants devant la Commission parlementaire contre le terrorisme font état de la présence des militaires haut gradés prêts à prendre le contrôle de casernes dans toute l’Italie. D’autres témoignages démontrent la mobilisation des mafieux calabrais résidant à Milan et disposés à prendre les rênes de la ville même. A Reggio, les mafieux et les militants d’extrême droite avaient des uniformes de carabinier à distribuer.
A Rome, des tueurs de Cosa nostra [la mafia sicilienne] avaient débarqué par avion dans la nuit du 6 au 7 décembre 1970 afin de neutraliser le chef de la police, ce qui a été confirmé plus tard par des collaborateurs de justice. Ils ont été accueillis par Salvatore Drago, médecin de chambre du ministre de l’intérieur. Le 7 décembre au soir, le prince Borghese arriva avec des hommes armés au ministère de l’Intérieur. Cependant, ce serait lui-même qui aurait donné un coup de téléphone avant de donner le contrordre de mettre fin à l’opération au dernier moment.
Il est désormais acquis que le prince Borghese avait noué des contacts avec des agents de la CIA, en particulier un ancien officier nazi, ainsi qu’avec Lucio Gelli, le grand maître de la loge P2 [ loge maçonnique clandestine et subversive, cf. Hommage à Carlo Alberto Dalla Chiesa ]. Certaines hypothèses font état du fait que les Américains auraient retiré leur accord au coup d’Etat au dernier moment. D’autres affirment que Lucio Gelli manipulait le prince Borghese afin d’obtenir des garanties de la Démocratie chrétienne. Il est fort probable le prince Borghese savait que le coup d’Etat n’irait pas à son terme. Dans tous les cas, l’intimidation prit ses racines en Calabre avec la complicité de la ‘Ndrangheta [la mafia calabraise] et de Cosa nostra…«
L’opération Tora Bora est l’énième action de la stratégie de la tension (1947-1989). Les services de renseignement italiens participèrent activement à cette stratégie. Le SIFAR, le premier service de renseignement des forces armées — largement financé par les industriels italiens — aurait fomenté un coup d’État en 1964. Le directeur du SID — Service d’information de la Défense, qui succède au SIFAR — fut impliqué dans l’attentat de Piazza Fontana en 1969 et dans le coup d’État Borghese. Après de tels évènements, on comprend que l’Italie ait réformé ses services de renseignement en 1977 puis en 2008. Pour en savoir plus sur ces réformes, cliquez sur le doc à gauche ; il s’agit d’un article paru au sein de la publication en photo en haut à droite Renseignement, Média et Démocratie).
Une troisième amnistie fiscalo-mafieuse
Sur le site Italopolis (l’Italie à Paris ), retrouvez mon article évoquant le troisième « bouclier fiscal » adopté par le gouvernement italien.
Cliquez sur le lien suivant : Une troisième amnistie fiscalo-mafieuse
Bonne lecture
Un Casalesi au pays des Magyars
Gianluca de Luca, 52 ans, membre du clan Bidognetti (cartel des Casalesi cf. Les clans utilisent leur avocat contre Roberto Saviano) dans la province de Caserte, était en « cavale ». Le 17 juillet dernier, il avait échappé à une opération qui avait permis l’arrestation de 6 affiliés mis en examen pour association mafieuse et extorsion. Gianluca de Luca, serait le chef de zone et donc le collecteur de fonds de la ville de Cancello-Arnone et des comunes limitrophes.
Le 18 septembre, la police hongroise a arrêté, à partir d’un signalement des policiers italiens, le « latitante » (fuyard) à la frontière Roumano-Hongroise. Le camorriste de la mafia napolitaine était au volant d’une grosse berline allemande en compagnie de son fils (Joyeux Noël) et d’une autre personne. Dans les prochains jours, ces citoyens italiens seront conduits en Italie par la police judiciaire de Caserta et par les agents d’Interpol Rome.
En dépit de la suppression des contrôles -systématiques- aux frontières au sein de l’Union européenne (en réalité seulement au sein de l’espace Schengen en bleu sur la carte), il est possible de retrouver les mafieux en fuite Il s’agit de donner aux policiers les moyens de faire les enquêtes appropriées.
MafiaS et trahisonS au regard des sciences sociales
Le vendredi 19 septembre, l’équipe du professeur Sebastien SCHEHR organisait un colloque sur la trahison au regard des sciences sociales (voir le programme en cliquant sur le document en PDF ci-contre). La trahison, un thème peu étudié à l’université, fut l’occasion de parler de l’univers mafieux. Voici un résumé de cette intervention :
Mafias et trahison(s)
De la trahison à l’état de droit
La trahison étudiée sous l’angle des mafias peut être envisagée de trois manières.
Le mafieux trahit dans la mafia pour obtenir une promotion au sein du clan. Par exemple, le sous-chef tue le chef pour prendre sa place… le dénonce au forces de l’ordre… (le mafieux trahit au sein de son clan pour obéir aux ordres ; un soldat trahit sont partenaire criminel parce que l’ordre lui a été donné de le tuer!)
Par ailleurs, le mafieux trahit au cinéma. Les représentations étant importantes dans la compréhension des phénomènes complexes, on prendra l’exemple célèbre du film le Parrain où la trahison est omniprésente.
Enfin, le mafieux trahit l’organisation toute entière en collaborant avec la justice et l’Etat (le dernier grand chef mafieux « repenti » Antonino Giuffrré en photo) devient un collaborateur de justice, ce que les journalistes nomment par commodité un « repenti ». Dans ce cas de figure, la trahison constitue un apport incontournable de la lutte antimafia.
1. Pour expliquer le processus de trahison chez un mafieux, il faut revenir à la définition de la mafia comme une organisation politique dont la principale ressource est la violence ; une violence systémique qui permet un contrôle panoptique (Michel Foucault) de la population. Une mafia dont la cellule de base est la « famille », régie pas des rites d’affiliation et qui est fondée sur le secret (« omertà » ou loi du silence). Le secret est central dans la politique mafieuse car il s’applique aux affiliés et à la société. Celui qui ne respecte pas le secret est punit de mort (cf. Le premier “cadavre exquis” des “ecomafias”).
2. Le « repenti » ou la figure du traître qui devient un collaborateur de justice.
Le mafieux trahit donc d’abord sa famille pour devenir un citoyen. Le « traître » est alors érigé en système de lutte antimafia pour le compte de l’état de droit ; la preuve qu’il existerait des trahisons heureuses… (cf. Le “repenti” rétablit l’Etat de droit en Italie).
Conclusion :
Désormais, la mafia n’est plus une organisation secrète. Les nombreux livres écrits par les magistrats antimafias sont des sources difficilement contestables.
La trahison des mafieux envers leur ancienne famille d’appartenance est un des meilleurs outils de lutte contre les mafias. Elle est une écharde dans le système mafieux qui a même essayé de créer de faux repentis pour déstabiliser le système (cf.La Sicilienne rebelle).
Le « repenti » trahit la mafia pour devenir un collaborateur de la démocratie et donc un citoyen. Cette mutation nous renvoie à l’idée que l’homme est perfectible, qu’il peut changer, une vision pas toujours la mieux partagée.
La Sicilienne rebelle
Ce samedi 12 septembre, l’association Anteprima (cliquez) nous conviait à une avant première, celle de « La sicilienne » de Marco Amenta, au Cinéma du Panthéon, 13 rue Victor Cousin 75005 Paris ainsi qu’à un débat riche de spécialistes (Fabrice Rizzoli et Claude Ducouloux-Favard).
Il s’agit d’un film sur Rita Atria, jeune sicilienne de Partanna (Province de Trapani) qui grandit dans une famille mafieuse. Son père et son frère, tous deux mafieux du clan Accardo, sont tour à tour assassinés en 1985. En 1991, Rita (en photo) décide de collaborer avec le magistrat Paolo Borsellino, en poste à Marsala. Au début, la jeune Rita témoigne pour se venger des assassins de son père et de son frère. On suit alors l’évolution psychique de cette femme qui veut d’abord se venger comme on le fait dans la mafia pour ensuite demander justice (et non plus faire « vendetta ») comme on le fait dans une société démocratique. On comprend la solitude que traverse les collaborateurs de justice qui vivent sous une autre identité coupés de leur racine mais sous protection de policiers dévoués (dont le plus proche d’elle sera assassiné). Au mois de juillet 1992, lorsque le juge Paolo Borsellino est à son tour assassiné, Rita perd sa dernière raison de vivre. Elle se suicide en se jettant de son appartement à Rome.
Le film est aussi un film sur les femmes dans la mafia, ses femmes qui subissent ou participent à la mafia (cf. De la mafia calabraise, de la mémoire et des femmes et Pas de femme, pas de mafia (en photo la couverture du livre de Liliana Madeo « donne di mafia »). Le personnage de la mère qui transmet les codes culturels mafieux (loi du silence…) et qui dénigre sa fille parce qu’elle décide de passer du côté de l’Etat de droit. Un film sur la mafia à étudier en classe comme la bande dessinée Brancaccio (cf. Une BD pour comprendre le phénomène mafieux).
Une critique de vérité historico-mafieuse s’impose cependant. Le film laisse à penser que le juge Paolo Borsellino a été assassiné par le clan de Partanna contre lequel Rita témoigne. En réalité, des soldats aux ordres des Corléonnais (Toto Riina, Bernardo Provenzano et Leoluca Bagarella qui avait déjà éliminé le juge Falcone, cf. Bon anniversaire Giovanni) ont placé la bombe (en photo l’attentat). Il semble que les Corléonais qui commandait la mafia sicilienne ont agi avec l’assentiment de certains milieux politico-financiers qui voulaient changer de régime après l’effondrement de la Démocratie chrétienne. En 1993, la mafia sicilienne et ses complices poseront d’autres bombes à Florence, à Rome et à Milan.
Et, en 1994, un nouveau régime verra effectivement le jour…
L’Antimafia à l’honneur sur France 3
Pino Maniaci, journaliste sicilien courageux et iconoclaste de Telejato a fait l’objet d’un reportage (Marc Dana) dans le l9-20 de France 3 en collaboration avec l’administrateur du site mafias.fr : jeudi 25 juin 2009. Vous pouvez visonner le reportage en vous rendant sur le site des archives de France télévison : et taper dans « rechercher » : « Maniaci ».
Pour d’autres informations en français : article de cafebabel.
Jouez à confisquer des biens au crime organisé
En droit, la confiscation permet à l’Etat d’expropier des personnes qui auraient accumulé des biens par le biais d’activités criminelles. En Italie, la confiscation constitue une arme redoutable contre les organisations mafieuses ( La confiscation : enjeu politique majeur ) :
Au mois de juin 2009, la Direction des enquêtes antimafias (DIA), a confisqué (« confiscare ») à titre définitif des biens dont la valeur avoisine les 3 millions d’euros. Ces biens étaient en possesion de l’entrepreneur Gaetano Lunetto, di Partinico (Palerme) condamné pour association mafieuse. Grâce aux témoignages d’un collaborateur de justice (ici « le repenti » Giovanni Brusca), la justice a prouvé que l’entrepreneur était un prête-nom du boss Antonio Geraci.
En Calabre, la garde des finances a confisqué définitivement pour 500 000 euros de biens (deux usines de 300 mètres carrés) au clan Belloco de Rosarno. L’enquête avait débuté au début des année 2000. En 2005, la magistrature avait procédé aux premières arrestations et aux saisies (« sequestrare ») qui étaient provisoires. Puis, à la fin de l’année 2006, le parquet de Reggio a donné à la garde des finances le pouvoir d’enquêter sur le patrimoine des accusés découvrant qu’il se cachait derrrière de nombreux prête-noms. Ces enquêtes complexes ont permis la confiscation définitive des biens en question.
Toujours en Calabre, la direction des enquêtes de Reggio a confisqué (définitivement donc) des biens au clan Rugolo (La mafia calabraise, une histoire de familles). La valeur de ces biens des biens (des entreprises, des sociétés fiducières…) avoisineraient les 40 millions d’euros. Domenico Rugolo, 74 ans et « capo-società » (le chef d’une famille mafieuse calabraise) avait un gendre, Nino Princi assassiné à la voiture piégée. Ce dernier possèdait 16% d’une société fiduciaire, la « devin », qui a permis la construction d’une très grande surface (L’Italie et les stéréotypes). Une fois les bénéfices engrangés par la construction du centre commercial, l’entrepreneur Princi a revendu ces 16% à une banque suisse…
Décidement la mafia calabraise n’est pas seule sur cette planète (L’avocate suisse et l’absence d’impunité en Italie).
Dorénavant, vous pouvez « jouer » à confisquer des biens à la mafia grâce au jeu Confiscopolis mis au point par Flare (réseau européen contre le crime organisé transnational) et soutenu par Légalité sans Frontières (la première association française antimafia).