Archive pour la catégorie ‘Antimafia’

De la saisie à la confiscation; de la mafia à l’Etat?

palmi mafiaCette semaine, la compagnie de la Garde des finances de Palmi, dans la province de Reggio (sur la carte à gauche), a saisi et confisqué des biens appartenant à la ‘ndrine Romola. Cette famille mafieuse serait liée à la ‘ndrine Parrello. A Palmi, sur la côte ionniene dans le golf de Gioia, les ’ndrines Parrello et Gallico  (cf.Pâques en Calabre) se disputent la leadership du locale de Palmi. Le locale est une circonscription mafieuse en Calabre.

La confiscation, c’est à dire la saisie définitive, concerne un immeuble en front de mer et une importante entreprise de réparation de bateaux. L’ensemble de ces biens est estimé à 300 000 euros. La valeur des saisies provisoires s’élèvent à 1 millions d’euros Chaque année, les forces de l’ordre saisissent 7% des biens mafieux. La confiscation définitive est estimée à seulement 3%. Enfin, la réutilisation de ces biens posent de grandes difficultés à l’Etat italien. Dans le cas présent, que faire de l’entreprise nautique si personne n’ose reprendre activité commerciale? La réutilisation de biens mafieux est une arme capitale dans la lutte contre les mafias. La confiscation fait reculer l’impunité à condition qu’il y ait une volonté politique de réutiliser le bien. La spécialité des politiciens complices de la mafia est de laisser dépérir le bien saisi. La population se rend compte alors que l’Etat est impuissant et elle se plie au pouvoir de la famille mafieuse…

De la Calabre aux élections législatives

Mardi 8 avril 2008, il est 20h30 à Stefanaconi dans la province de Vibo Valentia en Calabre quand Antonio Lopreito, 46 ans, sort de son magasin. Un tueur s’approche et tire huit coup, avec un pistolet 7,65, dans le thorax puis dans la tête. La victime est un commerçant en matériaux de construction. Il avait antécédents pénaux. Il s’agit troisième crime mafieux en quelques mois dans une commune qui compte 3 000 habitants. Dans cette zone, deux ‘ndrines, les Bonavota et les Petrolo, se disputent le contrôle du territoire.

Par exemple, au mois d’octobre 2007, Michele Penna, 30 ans, affilié à la ‘ndrine Petrolo-Bartolotta a disparu. Les enquêteurs sont certains qu’il s’agit d’une Lupara bianca, une disparition mafieuse. Il semble que le chef de la ‘ndrine en question ait fait assassiner Michele Penna parce que celui-ci entretenait une relation amoureuse avec la femme du chef de famille. Michele Penna n’a pas été tué pour des principes moraux. Il a été tué car « se taper » la femme du chef constituait le premier acte de défiance envers l’autorité chef. En réalité, Michele Penna projetait de constituer sa propre ‘ndrine !

L’adultère n’est pas toujours puni de mort dans la mafia. A contrario, un autre chef de famille laissait un de ses soldats s’amuser avec sa femme. Le jeune mafieux étaient un excellent tueur.
Le 9 avril 2008, la police a arrêté l’auteur présumé du meurtre de Giuseppe Cavallo survenu le 25 mars (art. 23) et qui s’inscrit dans la faida de Crotone (art.27). Le présumé assassin, Andrea Corrado est âgé de vingt ans et serait affilié à la ’ndrine Megna qui se dispute le territoire de Panapice avec la ‘ndrine Russelli.

Par ailleurs, le 11 avril 2008, la Garde des finances à saisi des biens pour une valeur de deux millions d’euros au capo-bastone Cermelo Lo Bianco de Vibo Valentia. Parmi les biens en questions, il y a des installations thermo-hydraulique, trois appartements et des actions de société. Cette saisie fait suite à l’opération « New sunrise » qui a frappé la ‘ndrine Lo Bianco l’année dernière.

A l’approche des élections législatives prévues dimanche 13 et lundi 14 avril, le ministre de l’Intérieur révèle que la ‘Ndrangheta tente d’acheter des votes auprès des électeurs. Certaines ‘ndrines contrôleraient 50 000 voix (article).

La seule question est : une fois qu’un politicien aura été condamné, son parti aura t-il le courage de l’exclure ? Car à y regarder de plus prés, nombres de candidats, en particulier au centre-droit sont déjà condamnés. C’est le cas de Silvio Berlusconi, Marcello Dell’Utri, Salvatore Cuffaro (sur la photo)… d’autres comme Saverio Romano, Salvatore Cintola, Calogero Mannino, Gusy Savarino sont actuellement poursuivi par la justice.

Mais comment donc le prochain gouvernement de centre-droit pourra t-il lutter contre les mafias ?

En Italie, il est interdit de « cultiver son jardin »

Le 8 avril 2008, les sections pénales de la Cour de cassation se sont réunies en assemblée plénière. Elles ont débouté la requête d’un citoyen qui souhaitait cultiver du cannabis à domicile à des fins d‘usage personnel. Tout commence en 2003, un jeune homme de Vigevano à côté de Pavia est condamné à quatre mois de prison et mille euros d’amendes pour avoir cultivé du cannabis chez lui. Depuis, la procédure judiciaire était arrivé en cassation.

Le collège de magistrats a décidé donc d’appliquer la ligne prohibitionniste. « Constitue une conduite pénalement majeure toute activité de culture non autorisée de plantes à partir desquelles il est possible d’extraire des substances stupéfiantes même dans le cas où le produit recueilli serait à usage personnel ». La Cour suprême a donc statué sur un sujet controversé. Si la loi italienne est claire sur les problèmes de consommation, elle ne l’était pas sur la production
[1]

Cependant, dans cette affaire, le procureur de la République était lui aussi favorable à la dépénalisation de la culture à des fins personnelles ! En effet, en Italie, la drogue coule à flot et les politiques prohibitionnistes sont vouées à l’échec.
Il reste à inventer une autre politique sanitaire pas seulement en matière thérapeutique (cf. Le cannabis thérapeutique contre la criminalité organisée en Italie). Cette politique ne peut être basée que sur une forme décomplexée de régulation. Cela signifie qu’il faut accepter qu’il y ait toujours de la consommation…

PS : Ci-dessus, la gravure de Moreau le Jeune (1787) illustre Candide l’oeuvre de Voltaire. Dans ce conte philosophique, le protagoniste trouve le bonheur sur terre en faisant fi de la morale divine. Plutôt que de s’occuper des choses méthaphysiques, il faut mieux « cultiver son jardin« . Nous ne vivons pas dans le meilleur des mondes. La drogue existe malgré la prohibition : et si la puissance publique régulait?.


[1]Depuis le référendum de 1993, l’Italie vivait sous un régime de dépénalisation des drogues dites « légères ». La consommation des drogues « dures » était punie par des sanctions administratives. Puis, le gouvernement de centre-droit (2001-2006), avec la loi Fini-Giovannardi, a aboli la distinction entre drogues « légères » et drogues  » « dures », pénalisant de facto la consommation du cannabis.

Bonne nuit Graziella

Voir "violence" et "latitanza" dans le Petit dictionnaire énervé de la mafiaLe 18 mars, La Cour d’assise d’appel a confirmé la condamnation à vie des mafieux Gerlano Alberti (Jr) et Giovanni Sutera. En 1987, ces derniers avaient assassiné Graziella Campagna, 17 ans. La photo à gauche la représente peu de temps avant son décès. L’Etat italien a mis six ans à lui rendre justice. La mafia n’est pas le seul acteur de la société à avoir porté atteinte à cette jeune femme.

Les faits :
Un jour de décembre de 1985, la jeune femme travaillait dans une blanchisserie. Dans la poche d’une chemise, elle découvre des documents compromettant la « latitanza », la cavale, de Gerlando Alberti dans la région de Messine. Alberti était un chef mafieux très puissant. Il fit assassiner la jeune femme de cinq coups de fusil de chasse, lui défigurant volontairement le visage.

La mafia parle à la population :
La mise en scène de la cruauté constituaient un avertissement contre toutes personnes ayant des velléités de citoyenneté.

Graziella a été tué quatre fois :

  • Une première fois par Cosa nostra le 12 décembre 1985.
  • Une seconde fois par l’Etat italien. Après ce meurtre, ni les institutions ni la presse, n’ont cherché à résoudre ce crime odieux. Il semble que la région de Messine était un lieu de repli pour les trois mafias italiennes. Des complicités au sein des institutions ont passé leur temps à commettre des actes de « dépistages », terme italien pour indiquer l’altération des preuves et le conditionnement de la justice pour empêcher la manifestation de la vérité. L’enquête n’a été réouverte qu’en 1997; grâce à l’obstination du frère de la victime.
  • Un troisième fois par la justice « escargot » italienne. En 2006, les prévenus avaient été libérés parce que les délais légaux de leur détention provisoire étaient dépassés (comme dans le cas de Giuseppe Riina, cf. art. 14).
  • Une quatrième fois par le ministre de la justice. Au mois de novembre 2007, Clemente Mastella avait reporté la diffusion d’un téléfilm racontant l’histoire de Graziella. D’après lui, cette fiction télévisée conditionnait la bonne marche du procès en cours. Comment la vie d’une jeune femme de 17 ans aurait-elle pu altérer le principe d’un procès juste et équitable? Les mafieux n’ont-ils pas disposé des meilleurs avocats et de ressources économiques colossales pour assurer leur défense? Nous remarquerons que le ministre de la justice italienne raisonne comme les mafieux (cf. art. 18). Dans une autre affaire, des mafieux, par le bais de leurs avocats, ont attaqué le journaliste Saviano, considérant que ses articles conditionnaient leur procès!

Enfin, Clemente Mastella est le sénateur qui a fait chuter le gouvernement de centre-gauche au mois de janvier dernier. L’ancien ministre de la justice, mis en examen pour des délits de fraude, ne se sentait pas soutenu par ses camarades politiques. Si, comme les sondages le signalent, Silvio Berlusconi est élu au mois d’avril, Clemente Mastella aura contribué activement à remettre au pouvoir un homme politique dont la carrière doit beaucoup à la mafia (Na n°35 cf2r.org ).

Graziella a été assassiné quatre fois parce que les personnes chargées de lui rendre justice n’ont pas accompli leur mission. Elles ont assuré 23 ans d’impunité à la mafia et ont renforcé son pouvoir.

Les clans utilisent leur avocat contre Roberto Saviano

Roberto Saviano, journaliste du Mattino, a écrit Gomorra, pour décrire avec force la prégnance de la Camorra en Campanie (cf.Les clans de la Camorra en recomposition et De la Camorra et des cols blancs). La photo à gauche est de Mario Spada. Elle représente Roberto Saviano entouré des agents de police chargés d’assurer sa protection.
Le journaliste a déchaîné les foudres des clans, en particulier celles des Casalesi. Les Casalesi sont un cartel de clans qui opérent dans l’arrière pays napoiltain. Menacé de mort, l’écrivain est au secret quelque part en Italie.
Au mois de septembre 2007, faisant fi de cette menace, il avait participé à un meeting contre la mafia à Casal di Prinicpe, la ville des Casalesi. Dans la foule se trouvait le père de Francesco Schiavone : (voir photo). Ce dernier, surnomé « Sandokan » est le chef mafieux de Casal di Principe. La présence d’un membre de la famille d’un « boss » emprisonné constitue une menace mafieuse typique. C’est ainsi que communique la mafia. Saviano a, donc, repris le chemin de la « clandestinité ».
L’Antimafia n’a pas besoin de martyres, elle en a pléthore. Roberto Saviano doit continuer de faire ce qu’il fait le mieux ; écrire. Les mafieux ont peur de la plume. Ils tuent les journalistes qui s’approchent de la vérité : Mauro de Mauro en 1970, Mario Francese en 1979. Ils les intimident comme dans le cas de Lirio Abate à l’automne dernier pour son livre les complices; I complici
Pour attaquer la presse, la mafia utilise aussi ses avocats. Francesco Bidognetti et Antonio Iovine, par l’intermédiaire de leur deux défenseurs, ont demandé que leur procès soit transféré à Rome. D’après les avocats, les articles de l’auteur de Gomorra conditionnent le procès en cours. Cela constitue une nouvelle menace mafieuse contre le journaliste. Les avocats ont aussi attaqué le magistrat instructeur de la Direction départemental antimafia (Dda), Raffaele Cantone.
Ce qu’il faut retenir : le dernier gouvernement Berlusconi de 2001 à 2006 était empli d’avocats qui, pour certains, continuaient à représenter des mafieux. Carlo Taormina assurait la défense de mafieux alors qu’il était secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur!
Le 15 avril, les Italiens votent à nouveau.

Leçon de légalité par un collégien et un handicapé mental

Le 10 août 2007, un tueur, envoyé par le clan Di Lauro, a assassiné Nunzio Cangiano, 46 ans, appartenant au clan des « sécessionnistes » de Secondigliano dans la périphérie nord de Naples. Du point de vue de la logique mafieuse, Nunzio Cangiano, aurait eu le tort de passer du côté du clan Amato-Pagano, « les sécessionnistes », qui semblent sortir vainqueur de leur affrontement avec les Di Lauro. Ces derniers ont donc tué Nunzio Cangiano pour sa trahison. On appelle cela la « violence programmée » (Umberto Santino-Csd). Le tueur, Mario Buono, 22 ans, s’est présenté devant un parc d’attraction et a froidement tiré sur le camorriste qui attendait dans la file, avec sa femme et ses enfants.

Un témoin, âgé de 13 ans, a reconnu le tueur et a accepté de collaborer avec la justice. Vous pouvez retrouver les détails folkloriques de ce témoignage dans un article de Libération.
Le jeune témoin est désormais protégé dans un lieu tenu secret par peur des représailles. Il va au collège et joue au Football quelque part dans une localité du Nord de l’Italie. Les mauvaises langues prétendent que cette nouvelle vie est une chance pour l’adolescent courageux. Le milieu dont il provient est bien plus défavorisé. C’est sans tenir compte que sa vie est à jamais bouleversée.
Sur les territoires de la mafia, ce type de collaboration est rare. Cependant, le 18 novembre 2006, un jeune homme de 20 ans, atteint du syndrome de Down, a reconnu un tueur de la Camorra lors d’un meurtre survenu à Castellamare di Stabia (littoral napolitain). Les juges ont déclaré son témoignage crédible et ils ont accepté qu’il témoigne prochainement devant la Cour d’Assise.
Le comportement de ces deux citoyens est en totale contradiction avec celui des politiciens italiens. Le gouvernement Berlusconi, de 2001 à 2006, a promulgué plusieurs lois favorisant la mafia comme celle du rapatriement des capitaux blanchis à l’étranger. En 2006, le centre-gauche avait été élu sur la promesse d’abroger ces lois. Depuis 21 mois, les électeurs attendent ces réformes.
En Italie, un adolescent et un handicapé mental donnent des leçons de courage et de légalité à la classe politique.

La droite européenne félicite la gauche italienne pour son bilan économique

Romano Prodi mafiaLe Figaro du 25 janvier 2008 relatait que la Commission européenne avait salué le travail d’assainissement des comptes publics italiens réalisé par le gouvernement de Romano Prodi, renversé le 25 janvier 2008. La Commission a appelé son successeur à continuer sur cette voie… Le commissaire européen aux affaires économiques Joaquin Almunia a insisté sur « les succès remportés pour réduire les déficits excessifs » légués en 2006 par le gouvernement de droite dirigé par Silvio Berlusconi : un déficit public alors à 4,4% du PIB, contre 3,1% à son arrivée au pouvoir en 2001 et une dette publique à 106,8% du PIB. Le gouvernement dirigé par M. Prodi est « parvenu a augmenter les revenus pour financer les dépenses publiques, mises sous contrôle, tout comme l’évolution de la dette publique« , a ajouté M. Almunia.

L’Union, la très large coalition centre-gauche (sigle à gauche), a réussi a faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat en s’attaquant à l’évasion fiscale. De ce fait, la gauche a lutté activement contre les mafias et leurs complices qui ont besoin de blanchir leurs capitaux. Le gouvernement Berusconi de 2001 à 2006 avait, pour sa part, incité la fraude en votant des lois d’amnistie pour la fraude fiscale.

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