Archive pour la catégorie ‘A lire’

Diplomatie : la revue qui tue :-)

rizzoli mafia antimafiaLa revue Diplomatie sort un numéro spécial.

« les Grands Dossiers » n° 26, avril-mai 2015.

Le thème :
Géopolitique de la criminalité internationale
Mafias, crime organisé, économie parallèle
Cliquez : Crime organisé
Pour la modique somme de 11 euros, vous pourrez y retrouver 2 articles de votre serviteur :

Veuillez noter que ces articles, qui prennent un temps fou à écrire et sont la conséquence de 20 ans de recherche, ne sont pas rémunérés….

Bienvenue dans le monde où le travail intellectuel ne paie pas!

En vente : Dictionnaire de la mafia

Ayant récupéré les droits, je vous propose d’acheter pour 5 euros la version dématérialisée du
Dictionnaire de la mafia

De A comme « Accumulation du capital » à Z comme « Zoomafia »,
152 définitions, Paris – 2012 – 210 pages

Berlusconi (Silvio)
« Il cavaliere » à cheval sur une organisation mafieuse

« Silvio Berlusconi fait son droit à la faculté de droit de Milan où il rencontre Marcello Dell’Utri condamné pour complicité d’association mafieuse en 2010…  »

Envoie du pdf par mail aprés paiement par paypal





Par chèque, écrire à <postmaster[@]mafias.fr> pour prendre attache

Préface Mario Vaudano, magistrat Italien et Introduction de Nando Dalla Chiesa, professeur de sociologie du crime organisé à l’université de Milan
4ème de couverture : « Fin connaisseur de l’Italie et de son économie souterraine, Fabrice Rizzoli enquête sur les mafias depuis de nombreuses années. Chercheur, il met sa rigueur à notre service pour que nous puissions y voir plus clair dans le décryptage des mafias qui aiment à oeuvre dans l’ombre pour plus d’efficacité. Puissance, violence, culte du secret, sens de l’honneur, grandes familles se côtoient sans vergogne dans ce dictionnaire énervé particulièrement éclairant. Une lecture passionnante d’un phénomène mondiale et une visite inquiétante dans les coulisses de la planète mafieuse... »
Voici une partie la préface de Mario Vaudano :
« Mafia : ici, en France, le mot a une connotation irrésistiblement cinématographique et on se prend à sourire en se remémorant les parrains façon Robert De Niro. En Italie, le sourire se fige à l’évocation de ce qui n’est pas un cliché mais une composante bien réelle de la société italienne, enkystée dans le tissu économique et composante inévitable du journal télévisé à la rubrique homicides. Fabrice Rizzoli a puissamment contribué à retirer à la mafia ses masques exotiques ; derrière les rituels qui fascinent, il fait apparaître le cours de l’argent mafieux jusqu’à son recyclage dans l’économie mondiale et les connivences d’une partie du monde politique.
Lire ce dictionnaire, entrer dans la définition de chacun de ces mots, c’est aussi se forger des armes intellectuelles contre cette sous-culture mafieuse qui irrigue progressivement notre société contemporaine bien au-delà des frontières italiennes!»

Criminalité et Pouvoir : Italie versus France

MeetUpParis
la Maison de l’Italie et mafias.fr présentent :

Les Nouveaux Monstres 1978-2014
Présentation du dernier livre de
Simonetta Greggio

Paris, le 6 Mai 2015, 19h00

Maison de l’Italie
Cité Universitaire de Paris
7A rue Boulevard Jourdan, 75014 PARIS
(RER B – Cité Universitaire)

Fabrice Rizzoli de FLARE présentera le rencontre

Dans « Les nouveaux monstres », paru en septembre 2014 chez Stock, Simonetta Greggio enquête sur l’Italie des trois dernières décennies. Un roman de la construction du pouvoir et de la collusion de l’Etat et de la mafia.

La vidéo d’Independenza TV :

Mafias.fr dans « Razzia sur la Riviera »

RivieraAprès Razzia sur la Corse qui insistait sur la spéculation immobilière (pas que…), Hélène Constanty livre ici un second ouvrage pour décrire le climat de corruption dans le Sud de la France.

Un des chapitres revient sur les « présences mafieuses en France » et en particulier sur la Côte d’azur mon amour.

C’est dans ce contexte qu’Hélène revient l’affaire des immeubles de Menton : Le reportage (France 2, le13h15) sur l’infiltration mafieuse en France

Bref, un livre à acheter pour le lire : « Razzia sur la riviera« 

Un livre contre la corruption

Lutter contre la corruption :

à la conquête d’un nouveau pouvoir citoyen

Séverine Tessier

En 2011, l’association anti-corruption, Anticor, créée par Séverine Tessier, se porte partie civile dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Jacques Chirac est condamné pour détournement de fonds publics. Pour la première fois une peine de prison avec sursis est prononcée à l’encontre d’un président de la République !

Afin de faire entendre la voix citoyenne, Anticor et ses membres multiplient les actions : dépôts de plainte, création de chartes anti cumul des mandats, remise de prix éthiques, campagnes de soutien aux lanceurs d’alerte, etc. Autant de dispositifs pour dénoncer la corruption et réhabiliter l’honnêteté en politique.

Dans Lutter contre la corruption, Séverine Tessier démonte les tenants et aboutissants de la corruption en France. Puis, elle propose, grâce à des exemples précis, des solutions et des méthodes concrètes pour combattre la corruption, ce fléau grandissant de la société française.

Un manifeste clair, stimulant et concret qui permet aux citoyens de retrouver leur place dans la société et de conquérir un nouveau

Il reste à démontrer le lien entre la corruption et le crime organisé :

Anticor/LCI : journée mondiale contre la… par ANTICOR-TV
Anticor/LCI : journée mondiale contre la… par ANTICOR-TV

Mafias.fr dans un journal japonnais

Interrogé sur le trafic d’armes en France par le bureau du correspondant à Paris du Tokyo Shimbun et Chunichi Shimbun (2 titres), n°3 au Japon de par son nombre de journaux édités, j’ai répondu avec plaisir 🙂 (Cf. La mafia japonaise : un paradigme)

En japonais : Fabrice フアブリス Rizoli  リゾリ

Trafic d'armes en France

Shimbun et Chunichi Shimbun

Publication : régulation publique des drogues

De la prohibition à la régulation

De la prohibition à la régulation

La prohibition des drogues est un échec (cf. Mémoire IRIS sur la prohibition des drogues). Aux Etats-Unis, elle a enfanté La Cosa Nostra américaines (cf. Boardwalk Empire). Depuis le début du 20ème siècle, elle a accouché du crime organisé (cf. Règlements de compte à Marseille sur fond de trafic de stupéfiants). Partout la guerre a la drougue a échoué (f La Colompie, les Etats-unis et l’échec de la guerre à la drogue

Pour lutter contre les mafias : la régulation publique de la drogue est possible. En Italie, il est interdit de « cultiver son jardin », et les mafias sont encore très puissantes.

Voici un des actes de la journée d’étude  L’organisation de la transgression : formaliser l’informeled. L’Harmattan  au CNAM vendredi 29 mars 2013 :

2. « Le cannabis social club (club privé de consommateurs) : un exemple intelligible de régulation de l’informel ? » avec  Fabrice RIZZOLI,  docteur en sciences politiques et Laurent APPEL, membre de l’Observatoire Géopolitique des Criminalités, coordinateur pour la réforme de la politique des drogues de l’association ASUD mais aussi avec la précieuse contribution de Sonny Perseil.

La mort du juge Michel : un livre pour comprendre la France

Thierry Colombié, chercheur indépendant, est spécialiste du crime organisé.

Il est l’auteur et auteur de livres passionnants comme Le Belge que j’ai lu d’une traite en 2003

Il est aussi l’auteur de livres plus scientifiques comme LA FRENCH CONNECTIONLes entreprises criminelles en France, Essai socio-économique Non Lieu/OGC, 2012. Il a une particularité. Il travaille à l’aide de témoignages d’anciens gangsters français. Il ne dépend donc pas des sources police-justice comme les journaliste qui écrivent sur le crime organisé français.

Il nous livre ici sa version sur la mort du juge Michel : un livre qui permet de comprendre la France….

Fraude, corruption, blanchiment. L’Europe braquée en permanence.

Compte rendu du colloque de l’année : Journées d’étude : citoyens contre criminalité économique

15 juillet 2014 | Par Bernard LeonMediapart.fr

mafia rizzoli antimafiaLa situation en matière d’évasion fiscale, de fraude et de criminalité financière en Europe, des mots qui recouvrent une réalité à plusieurs facettes, vous semblait, bien que lointaine, alarmante. Elle est en fait catastrophique. C’est l’avis des nombreux spécialistes  qui se sont réunis à Paris à l’invitation d’Alternatives Européennes, une association qui travaille pour l’innovation des pratiques démocratiques, dans le cadre du projet « Tackling Illegal Economy ».

Les risques sont sérieux pour la démocratie, la santé des Etats, l’avenir des échanges économiques.

Cela tient, comme l’a rappelé le Magistrat Jean de Maillard, Vice-président du TGI de Paris et auteur de « L’arnaque », publié chez Gallimard, au fait qu’une criminalité différente des maffias est désormais ancrée au coeur du système économique mondialisé, dont elle est devenue la variable d’ajustement et de régulation. Et ceci, il ne faut pas se le cacher, avec la complicité, ou au mieux l’indifférence, des gouvernements.

Plus l’économie va mal, moins les gouvernements ont les moyens d’agir. « Quand le système devient compliqué, le politique se retire et la finance prend le relais. Et plus la finance s’étend, plus la fraude prospère. Mais si la fraude devient systémique les institutions ne peuvent plus réagir. Et on en arrive à ce que les banques soient au dessus des normes, au dessus de la loi ». Trop grandes pour faire faillite, comme on dit. Trop grandes pour aller en prison également. Too big to jail.

Ce n’est pas une raison a dit Fabrice Rizzoli, (FLARE France), auteur du « Dictionnaire énervé des mafias », de parler du problème de manière fataliste, car il est possible, les italiens nous l’ont prouvé ces dernières années, de réagir.

Il prône donc au niveau européen ce qui a été réussi en Italie, la confiscation des patrimoines criminels au bénéfice de la communauté. (cf. Mucchielli)

Le voyage du Pape en Calabre a d’ailleurs mis en lumière la chose, puisque sa dénonciation de la maffia a permis de mettre les projecteurs sur Don Panizza, un prêtre qui a osé reprendre en 2002, à la demande du préfet, un immeuble de 3 étages confisqué par l’Etat à un clan familial de la maffia. Il en a fait un centre d’accueil pour mineurs en difficulté et adultes handicapés.

Voir reportage ci-dessous :

Mais il y a bien d’autres exemples, comme ces coopératives agricoles en Sicile exploitant les biens confisqués à la maffia dans le cadre de la loi de 1996.

Voir reportage ci-dessous

Une confiscation qui s’applique également aux complices des condamnés, ou encore à des personnes en possession de biens dont le caractère illicite des processus d’acquisition est avéré.

Voir reportage ci-dessous :

Fabrice Rizzoli rêve d’ailleurs tout haut de tenir une conférence sur le sujet dans la maison de Cahuzac en corse ou dans la villa de Ziad Takieddine. (Oui, celle avec la piscine là où se baignait J.F. Copé).

Un cancer au cœur de l’Europe.

Mais en amont des poursuites et des saisies il faut pouvoir enquêter en Europe. « Sauf qu’il manque toujours un parquet européen », dit Vittorio Agnoletto (Ancien membre du parlement européen). D’où la difficulté à poursuivre ceux qui fraudent ou qui sont complices de ces fraudes. Ce peut être un fonctionnaire européen, un fonctionnaire d’un des 27 pays membres gérant un fond structurel, ou encore une organisation criminelle de fraude. Sur la TVA ou les cotas de CO2 par exemple. Le trésor Français aurait perdu sur ces derniers 1,6 milliards d’euros, et l’Europe verrait s’envoler 100 milliards d’euros par an pour cause de fraude à la TVA.

Il existe bien depuis 1999 un Office européen de lutte antifraude, l’OLAF, pour enquêter. Mais le manque de coopération que cet office rencontre dans ses enquêtes, au sein des 27, et les failles juridiques nationales, constituent une entrave à son travail. Il ne lui est pas possible d’enquêter en Allemagne sur les fraudes à la TVA, par exemple.

Comme l’a dit Fabrice Rizzoli,  on est aussi face à un flou sémantique ou administratif sur les notions de « légal » et « illégal ». D’ou parfois une difficulté à poursuivre efficacement.

Un rapport du Sénateur Eric Bocquet de 2012 n’a-t-il pas pointé que « la fraude fiscale des entreprises françaises était principalement sanctionnée chez de petits entrepreneurs, alors que les enjeux financiers étaient plutôt du coté des grandes entreprises ». Mais ces dernières, entourées de cabinets conseils, jouent sur toutes les failles que leur offrent les réglementations des Etats, et échappent facilement aux taxes et à l’impôt.

Une voie pour la réutilisation sociale : l’ESS.

Relayant l’intervention de Darina Zalmova, de l’université de Thrace (Roumanie), qui a montré que la corruption devait être combattue par la reconstruction d’une pensée collective et des pratiques sociales, Marcel Hipszman, ancien adjoint au Délégué interministériel à l’économie sociale, a mis en lumière, tout comme elle, la possibilité pour l’économie Sociale et Solidaire d’être un outil anti corruption en se voyant confié la gestion des biens saisis à la criminalité financière. Un vrai recyclage au profit de la population, sous forme de musées, coopératives, centres d’apprentissage, établissements de soins, accueils des immigrés, etc.

Voir reportage suivant :

Il a rappelé les opportunités ouvertes par la récente directive européenne du mois d’avril sur le gel et la confiscation des produits de la criminalité transfrontière organisée. Tout en regrettant que les applications de cette directive en matière d’utilisation sociale des biens confisqués  ne soient pas obligatoires et laissées à la volonté des Etats.

A l’heure où la loi sur l’économie sociale est votée en France, l’idée est à creuser.

Il a également rappelé que la France possède une « Agence de gestion et recouvrement des avoirs saisis », regrettant aussi que le gouvernement ait annoncé que la question de la réutilisation à but social des biens confisqués serait discutée ultérieurement. Comme quoi on peut être un gouvernement de gauche et timide sur l’innovation juridique et sociale en matière de lutte contre la criminalité financière.

Un combat politique, social et culturel.

En fait, les intervenants l’ont tous dit, c’est bien là, sur le terrain politique, que doit être menée la vraie lutte citoyenne d’innovation démocratique. Un combat également culturel.

Ce qu’a bien montré le débat sur la presse d’investigation, réunissant plusieurs journalistes européens, dont Dan Israel de Médiapart.

Si les choses semblent  évoluer positivement, notamment grâce à la presse sur internet, les journalistes, s’ils sont confrontés à plusieurs difficultés, dont celles consistant à faire le tri des acteurs et des documents, doivent aussi faire face à la difficulté à vendre leur sujet contre la criminalité financière. En dehors de quelques affaires phares, il est plus facile pour un media de dramatiser un fait divers que de dérouler dans ses colonnes ou ses journaux télévisés les cheminements tortueux d’une fraude à la TVA, dont les montants sont pourtant vertigineux et lèsent les citoyens directement. Il faut donner du temps aux journalistes d’investigation. Les enquêtes sont longues, le recoupement des témoignages et la consultation d’experts nécessaires chronophages.

Mais la première difficulté vient, il ne faut pas avoir peur de le dire, des institutions, notamment bancaires. C’est par les banques que passe l’argent de la criminalité maffieuse, rapporte  Marius Frunza (Université Paris 1).

L’exemple de la banque anglaise HSBC qui a payé près de 2 milliards de dollars afin d’échapper à des poursuites aux Etats-Unis pour avoir blanchi l’argent des cartels de la drogue entre 2003 et 2010 en témoigne. En notant au passage que le patron de la banque pour la période incriminée est devenu en 2010 ministre de David Cameron. Humour anglais. Isn’t it ?

Alors que faire ? Les réponses ne peuvent être qu’internationales. Mais que fera l’Europe, présidée sous peu par l’ancien premier ministre d’un paradis fiscal, le Luxembourg ?  Que fera le Parlement européen ?

Restent aux citoyens à faire pression. Au travers d’associations comme Euroalter, ou Libera en Italie, dont le but est clairement de s’insurger et d’agir contre les maffieux, et qui regroupe 1600 associations  locales et internationales.

Itv Francetv : Eglise et mafia

Eglise et mafias : le pape François face à 150 ans de liaisons dangereuses

Par Louis Boy, mis à jour le , publié le

Le souverain pontife l’a dit en juin : les mafieux n’ont pas leur place à l’Eglise. Des propos forts en Italie, où les liens entre religion et crime organisé restent étroits, et n’ont pas toujours été dénoncés avec la même virulence par le Vatican.

« Ceux qui, dans leur vie, ont choisi cette voie du mal, comme les mafieux, ne sont pas en communion avec Dieu, ils sont excommuniés. » Ces propos prononcés le 21 juin par le pape sont sans doute les plus durs jamais tenus par l’Eglise à l’adresse des mafias. 

Pour la messe finale de sa première visite en Calabre, une région du sud de l’Italie, François s’est adressé à une foule de 100 000 personnes, en plein cœur du fief de la plus puissante mafia d’Italie, et de façon très offensive : « La ‘Ndrangheta est adoration du mal et mépris du bien commun. Ce mal doit être combattu, chassé. »

Une rupture dans un pays où l’existence même du crime organisé a été un tabou pour le Vatican jusqu’aux années 90 ; ans un pays où les actes de résistance des mafieux, après ce discours du souverain pontife, ont scandalisé l’opinion publique et rappelé l’ampleur de la tâche.

Eglise et mafia, un siècle et demi d’histoire commune

Le péché originel de l’Eglise italienne remonte à l’unification de l’Italie. Les Etats pontificaux, qui s’étendaient de Rome à Bologne, sont progressivement réduits au simple Vatican. En représailles, le pape Pie IX interdit, en 1870, aux catholiques italiens de voter et de participer à la vie politique, coupant le clergé du pouvoir – l’interdiction prend fin en 1904.

Comme le raconte le journaliste spécialiste de la mafia John Dickie dans son livre Mafia Republic : Italy’s Criminal Curse, les prêtres et les évêques du sud de l’Italie se tournent alors vers d’autres sources d’autorité, qui partagent leurs principes conservateurs : les mafias émergentes que sont la Camorra à Naples, la Cosa Nostra en Sicile ou la ‘Ndrangheta en Calabre.

Les boss des mafias locales prennent l’habitude de défiler en tête des processions qui célèbrent les saints patrons de chaque village, une coutume qui perdure aujourd’hui. La complicité de l’Eglise leur permet d’afficher leur pouvoir au grand jour tout en se drapant dans les habits d’hommes pieux et respectables. Après la seconde guerre mondiale, la mafia devient également l’appui du parti La Démocratie chrétienne, au pouvoir : ils sont unis dans leur rejet des communistes. Pendant un siècle et demi, le Vatican ne mentionne pas une fois la mafia.

Une omerta brisée par Jean-Paul II

« La fin de la menace communiste est le point de bascule« , note Fabrice Rizzoli, spécialiste des mafias et auteur du Petit Dictionnaire énervé de la mafia, contacté par francetvinfo. Au début des années 90, les mafias sont mises en cause par l’opération mains propres, une série d’enquêtes sur le financement illicite des partis politiques qui fait disparaître plusieurs formations historiques, dont La Démocratie chrétienne. En retour, la violence des actions des mafias s’intensifie, culminant en 1992 avec le spectaculaire attentat qui tue le juge Falcone, leur plus grand adversaire parmi les magistrats.

Le pape Jean-Paul II se rend alors en Sicile, et prononce, le 9 juin 1993, un discours resté dans les mémoires pour sa violente dénonciation des mafias. « Ses mots étaient durs, mais surtout la manière dont il l’a dit était très forte, et a marqué », se rappelle Renaud Bernard, le correspondant de France 2 à Rome. « Je pense qu’il ne se sent plus lié à la mafia par la lutte contre les communistes, et se sent pousser des ailes, analyse Fabrice Rizzoli. Donc il dit : ‘Mafieux, vous êtes la culture de la mort, repentissez-vous.' » Sur les images, sa passion est palpable.

Ce changement de position de l’Eglise provoque des représailles des Siciliens de la Cosa Nostra. Des bombes explosent – sans faire de victimes – devant deux églises romaines, dont la basilique Saint-Jean-de-Latran, fief de l’évêque de Rome, c’est-à-dire le pape. A Palerme, un prêtre engagé contre le recrutement des jeunes par les mafias, Don Giuseppe Puglisi, est assassiné en pleine rue. Il sera béatifié en 2013, sur demande de Benoît XVI. A l’exception d’un autre assassinat de prêtre en 1994, les attaques directes contre l’Eglise et ses représentants se sont fait rares depuis.

Dans le Sud, les mafieux résistent déjà

Le dernier discours du pape François n’est donc pas un choc : il s’inscrit « dans la ligne de ses prédécesseurs » et a moins fait parler en Italie que celui de Jean-Paul II, observe Renaud Bernard, même si François est le premier à évoquer l’idée d’excommunication.

Mais quel effet concret peut avoir la parole du pape sur les activités d’organisations criminelles, aussi pieux soient leurs membres ? Le 2 juillet, une procession religieuse d’un petit village calabrais se prosterne devant la maison du boss de la mafia locale, provoquant l’indignation du ministre de l’Intérieur italien, et une enquête au sein de l’Eglise. Le dimanche suivant, 200 détenus ‘ndranghetistes boudent la messe en prison pour protester contre l’interdiction qui leur est faite de communier.

Pour Fabrice Rizzoli, le discours du pape a des limites. « Je n’entends pas encore : ‘Mafieux, je vous invite à faire repentance, mais aussi, dans un deuxième temps, à collaborer avec l’Etat.' » Pour le spécialiste de la mafia, passer devant un juge pour avouer ses crimes, comme l’ont fait 3 000 mafieux en Italie depuis les années 90, est le seul moyen de sortir réellement de la spirale du crime organisé.

Pour l’instant, le discours du Vatican se limite aux questions religieuses. En revanche, les mots du pape sont aussi un encouragement pour « ces prêtres sociaux » qui luttent sur le terrain contre les mafias « et subissent constamment des menaces ». Dans les régions très pieuses du sud de l’Italie, la voix de ces hommes d’église est un atout indispensable.

La transparence, l’arme secrète du Vatican

Mais selon Fabrice Rizzoli, le geste le plus fort du pape François dans sa lutte contre le crime organisé reste son effort de transparence sans précédent dans les finances du Vatican. Les nombreuses banques de la Cité-Etat sont en effet soupçonnées de servir à blanchir l’argent des mafias. L’Institut pour les œuvres de religion, principale institution financière du Saint-Siège, était notamment le premier actionnaire de la banque Ambrosiano, dont la faillite fit scandale en 1982, quand il fut révélé qu’une grande partie des sommes d’argent envolées appartenaient à des mafias. Son principal responsable fut retrouvé pendu à un pont de Londres, un « suicide » qui reste suspect. 

« Il y a beaucoup de fantasmes, peut-être, dans les rumeurs sur les finances du Vatican, mais elles persistent aussi parce que l’opacité est totale », explique Fabrice Rizzoli. Un peu moins depuis 2013, quand le souverain pontife a chargé le cabinet Ernst & Young de réaliser un audit financier de l’institution. Pour la première fois, des étrangers au Saint-Siège mettaient leur nez dans les comptes. Objectif déclaré : mettre les institutions administratives et financières du Vatican aux normes internationales anticorruption et antiblanchiment. Ce qui pourrait porter un grand coup aux mafias et marquer une vraie rupture entre l’Eglise et le crime organisé.

Faut-il, dans ce cas, craindre des représailles ? Le procureur de Reggio, la plus grande ville de Calabre, avertissait d’un « grand danger » que la ‘Ndrangheta ferait peser sur le pape. Pour Fabrice Rizzoli, il n’a pas à s’inquiéter pour sa vie. Les mafias « ne tuent plus » ou presque. Et le spécialiste d’avancer le chiffre de « 8 personnes par an en Sicile » contre « 3 000 entre 1978 et 1982 ». Et elles ne seraient pas en position d’assassiner des hommes d’Eglise ou de poser des bombes devant des lieux de culte. 

En revanche, il juge plus crédible la possibilité que les mafias tentent de « faire un croche-patte » au pape. « Lancer des rumeurs, des campagnes de diffamation, sortir des dossiers pour atteindre des personnes à la périphérie du pape. Cela, les mafias savent bien le faire. » Le Vatican est prévenu : on ne tourne pas si facilement le dos aux mafias.

La mafia de A à Z
Recevez chez vous le livre dédicacé : "la mafia de A à Z" contre 18 euros en cliquant sur le lien suivant
PayPal Logo
Search