Mafia sicilienne : après la mort de Toto Riina, que reste-t-il de Cosa Nostra ?

International|Sebastian Compagnon| 17 novembre 2017, 16h35

Le Parisien

La célèbre organisation criminelle est affaiblie par la répression. Moins puissante que la ‘Ndrangheta calabraise, elle reste toutefois influente dans ses fiefs historiques.

La mort de Toto Riina clôt un chapitre particulièrement long et violent dans l’histoire de Cosa Nostra. Pour autant, la disparition du « parrain des parrains » ne signifie pas la fin de la légendaire mafia sicilienne. Grâce à son omerta et ses soutiens familiaux, cette organisation criminelle a su s’adapter à toutes les époques.

Sur le terrain, Cosa Nostra demeure puissante et influente dans ses fiefs historiques de Sicile, où les marchés publics et racket des entreprises (pizzo) continuent d’assurer de confortables rentrées de cash.

« Régulièrement, des mafieux sont arrêtés, explique au Parisien Fabrice Rizzoli*, docteur en sciences politiques, spécialiste de la mafia et du crime organisé. Mais ils continuent de racketter les petits commerçants au quotidien. Sans oublier que beaucoup de mafieux ont de l’argent de côté et des entreprises légales, dans les déchets, l’énergie ou le bâtiment ».

Une organisation très surveillée

Les opérations de répression l’ont toutefois obligée à céder du terrain et à se faire plus discrète. « Par rapport aux années 60, 70 et 80, Cosa Nostra est affaiblie. Les magistrats arrivent à démanteler tout de suite la réunion d’une commission provinciale, cette organisation pyramidale qui faisait son succès », poursuit Fabrice Rizzoli.

Le travail de sape de la justice a commencé dans les années 1990. A l’époque, l’autorité de l’Etat italien vacille sous les coups de boutoir de la mafia, notamment sicilienne. L’appareil étatique se ressaisit en renforçant son arsenal législatif et en se dotant d’une direction anti-mafia spécialisée dans la lutte contre le crime organisé.

« Grâce à une lutte acharnée menée par la magistrature, les forces de l’ordre, mais aussi avec le soutien de larges pans de la population pendant des années, nous avons certainement affaibli l’appareil militaire de la mafia » en Sicile, estime le procureur Ambrogio Cartosia, qui a travaillé pendant plus de 20 ans au pôle anti-mafia.

Pris dans les mailles de la justice, les cadres de Cosa Nostra ont aussi perdu leur relais dans la classe politique. « Aujourd’hui, il y a toujours des élus prêts à se faire élire avec les voix de la mafia, constate Fabrice Rizzoli. Mais ce ne sont plus les mêmes relais qu’à l’époque de la démocratie chrétienne de Giulio Andreotti, ancien Premier ministre condamné dans les années 1980 pour complicité avec la mafia ».

Plus discrète mais toujours là

Cosa Nostra est loin d’être brisée, affirment toutefois des magistrats italiens. Elle est simplement beaucoup plus discrète, renonçant aux exécutions et aux crimes de sang de l’époque Riina. « Il n’y a plus d’homicides, ou ils sont rares », explique Ambrogio Cartosia.

La mafia de Sicile a mis à jour ses méthodes pour étendre son influence sans forcément faire couler le sang. « Il me semble que Cosa Nostra est bien plus présente qu’avant dans les structures politiques, elle a repris le contrôle du territoire. Elle agit d’une manière différente. Moins militaire, moins sanguinaire, mais très efficace », ajoute le procureur.

Devancée par la ‘Ndrangheta calabraise

Bien enracinée sur son île, Cosa Nostra a cependant reculé face aux organisations criminelles concurrentes. La ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, contrôlerait près de 80 % du trafic de cocaïne en Europe. Elle est la mafia italienne la plus puissante dans le monde, avec environ 8000 membres, versés dans le trafic de stupéfiants, le racket et la contrebande.

« Dans les années 1970, Cosa Nostra avait le monopole de l’exportation d’héroïne vers les Etats-Unis et le Canada. Aujourd’hui elle doit quémander à la mafia calabraise de la drogue pour la vendre chez elle… », remarque Fabrice Rizzoli.

Toutefois, La ‘Ndrangheta, tout comme la Camorra, ne jouit pas de la même aura que les Corleone et consorts dans l’imaginaire populaire.

Fabrice Rizzoli, également président de l’association Crim’HALT, est l’auteur de « La mafia de A à Z », aux éditions Tim Buctu.

 

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