Archive pour 2011
Vies de mafia
Henri Haget ey Delphine Saubader (Prix Albert Londres en 2010) sont grands reporters à l’Express. Avec « Vies de Mafia » (Stock, avril 2011), ils ont réussi le pari de faire entrer le lecteur dans un univers méconnu, quelquefois surréaliste, en racontant la vie de gens qui vivent, travaillent, souffrent. Ceux qui sont dans la Mafia, ceux qui la combattent de l’autre côté des Alpes. Haget et Saubader ont écrit un livre remarquable, très facile à lire, qui révèle notamment la toute puissance de la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. Le chapitre le plus passionnant ? Sans nul doute « les monologues du parrain » dans lequel les journalistes écrivent le journal imaginaire de Bernardo Provenzano, un boss emprisonné et particulièrement surveillé. Un tableau impressionniste !
1. Vous évoquez à de nombreuses reprises la ‘Ndrangheta, une mafia italienne dont on ne connaît que trop peu l’influence politique et la puissance financière de par le monde. Pourquoi avoir choisi de « soulever la jupe » de la mafia calabraise ?
Nous avons choisi de nous intéresser à la ‘Ndrangheta calabraise car elle est aujourd’hui à la fois beaucoup plus puissante et moins connue que sa vieille cousine sicilienne, Cosa Nostra, sur laquelle les projecteurs se sont longtemps focalisés, en particulier au moment où celle-ci livrait une guerre sanglante à l’Etat italien, qui a culminé en 1992 avec l’assassinat des juges Falcone et Borsellino…
Lire l’intégralité de l’interview : http://www.thierry-colombie.fr/page.php?60
Berlusconi : lapsus contre référundum
Aprés celui de 2009 (cf. Berlusconi : lapsus « j’ai payé des magistrats »), au mois de mai, au cours de l’émission Porta à Porta, le président du Conseil a par deux fois commis un lapsus. : « la fin de la magistrature » au lieu de la « fin de la législature » en évoquant la difficulté de porter à bien des réformes visant à faire de la magistrature italienne, une magistrature totalement dépendante de l’exécutif comme de l’autre côté des Alpes… (cf.Contre les réformes libérales et le pizzino à la dynamite : le reférundum)
Un président certainement préoccupé par le référendum qui met fin à son « imimpunité » :
Contre les réformes libérales et le pizzino à la dynamite : le référundum
Au mois de mars 2011, à Bivona dans la province d’Agrigento, au cours d’une conférence sur la légalité, le magistrat antimafia Salvatore Vella (en photo à gauche) retourne à sa place aprés une petit pause ; un petit pizzino l’attend dans son agenda : « il y a une bombe sous la voiture« . Pas de témoin…
Alors que M. Berlusconi accuse les magistrats de faire une « guerre civile, » d’être « antropologiquement » différent des autres êtres humains, les magistrats reçoivent quotidiennement des menaces. Alors que le gouvernement n’a cessé de réduire leur escorte (de policiers pas de professionnelles) et tente de réduire l’indépendance des magistrats par des réformes dites « libérales », les magistrats italiens ne cessent de réduire le pouvoir mafieux (cf.Pourquoi la mafia perdure en dépit de l’opiniâtreté des magistrats?)
Heureusement, les Italiens ont voté massivement pour la fin de l’impunité du président du Conseil (cf. Le lien organique du président du Conseil avec les organisations mafieuses) au référendum de la pentcôte.
Temps dures pour les mafieux?
Au mois d’avril 2010, deux petits évènements montrent que l’impunité n’est plus la norme, pas toujours, pour les clans calabrais.
Tout d’abord, le 14 avril 2010, Antonio Perre du clan Barbaro-Papalia, recherché depuis novembre 2009 dans le cadre d’une enquête dans la 4ème région mafieuse, la Lombardie, s’est rendu aux carabiniers de Plati. Recherché pour association mafieuse, détention d’armes et blanchiment, sa famille avait subi une série de perquisitions. Ce n’est pas la première fois qu’un mafieux se rend : (24 ans, chef mafieux, 6 mois de « cavale » puis il se rend! )
Par ailleurs, à Sant’Onofrio dans la province de Vibo Valentia, pour la seconde année consécutive, les autorités ont fait en sorte que les porteurs de statut lors des processions pascales ne soient pas des mafieux (ici les soldats baptisés dans l’année). Les porteurs étaient des des membres de la Protection Civile ou d’équipes de football locales.
PS : la fronde est partie en 2010 de l’évêque qui avait demandé aux prêtres d’écarter les individus proches du clan ; une décision trés appropriée (cf. Le Vatican et la mafia : le compte n’y est pas!). A Sant’Onofrio, le prêtre et le prieur chargés du tirage au sort des porteurs avaient appliqué cette mesure antimafia et les mafieux avaient, en retour, appliqué la violence programmée : tir sur l’habitation de prieur. La procession de 2010 avait été annulée : une première (Courrier international).
Présences mafieuses en France
Le 25 mars dernier, le tribunal de Toulon a jugé plusieurs camorristes pour détention d’armes (découverts enterrées dans un jardin de La Seyne-sur-Mer) et de trafic de véhicules en bande organisée entre Toulon et l’Italie. Le chef serait un Italien de 30 ans, condamné à 8 ans de prison et sous le coup d’un mandat d’arrêt européen de la part de l’Italie pour association mafieuse, détention d’armes et extorsion qui agissait au sein d’un réseau de complicité (compagnes, parents… eux aussi condamnés). Un membre du clan Sena de la Camorra doit encore être jugé alors qu’il est incarcéré à Naples où il purge une perpétuité.
Le 09 juin, la police italienne en collaboration avec la PJ de Nice a arrêté un français d’origine italienne résident à Vallauris (Côte d’azur mon amour). En 2010, un mandat d’arrêt international avait été délivré à l’encontre de compare condamné à 10 ans de prison (Nice Matin)
Enfin, le 10 juin, la police a arrêté en France (Le Progrès), un homme complice des ‘ndrines calabraises dans le cadre de l’opération « Crimine » version Piémont : 180 mises en examen. Il semble être un digne représentant de la bourgeoisie mafieuse.
Cf. Infiltrations mafieuses en France
Cf. Arrêté grâce aux écoutes… il se cachait à Marseille
Cf. Joint venture grand-banditisme français-Camorra
Cf. La Camorra à Paris : quand le boss roulait en Lamborghini sur les Champs
Cf. Arrestation de mafieux en France, rien de plus…
« Crimine » version Piémont : 180 mises en examen
Juillet 2009, un mafieux écouté par la police : « Pourquoi pas à Turin?… ils l’ont bien en Lombardie et en Ligurie, non? Nous sommes 9 « locali« . Réponse du compare : « c’est une chose qu’on doit faire » à propos de la commission provinciale
Après l’opération Crimine de juillet 2010 avec 300 arrestations, c’est au tour du Piémont de se réveiller avec l’information selon laquelle la mafia calabraise a colonisé le territoire.
Grâce à deux collaborateurs de justice (cf. le choix de vivre), l’état de droit a mis fin à l’activité d’une centaine de compare (mafieux calabrais) qui s’adonnaient à l’extorsion, à l’organisation de jeux de hasard et au trafic de drogue.
L’enquête révèle que dans la province de Turin, il y aurait 9 « locali » (circonscription mafieuse équivalent du mandamento en Sicile) avec une cinquantaine de soldat chacun. Il y aurait aussi un groupe « Crimine » chargé des actions violentes et une « batarde » c’est à dire une ‘ndrine (famille mafieuse calabraise) « détachée » et non autorisée. L’organisation est une vraie priorité chez les mafieux comme en témoigne les écoutes judiciaires. Les mafieux se demandent pourquoi dans la province de Turin, il n’y pas « a provincia« , une commission comme il est existe à Reggio, à Milan et à Gênes (cf. Bourgeoisie mafieuse dans le Nord) et qui permet d’aplanir les conflits entre « locali ». Cette chambre de compensation permettrait de gagner en autonomie vis à vis de la Calabre (cf. 4. Organisation mafieuse : « j’appelle la Province »). Tout transnational qu’il est, le phénomène mafieux est fondé sur le contrôle du territoire (cf. ‘Ndrines, armes et contrôle du territoire). Avec la ‘Ndrangheta tout se décide en Calabre, come à Duisburg (cf. De San Luca à Duisburg, la faida et la ‘Ndrangheta) où les ordres sont partis de San Luca. Et gare à celui tente de s’affranchir de la maison mère : l’assassinat d’un capo-bastone à Milan.
La justice a saisi 70 millions d’avoirs dont 20 000 euros en liquide à Modène. Bien que pas mis en exemen, 7 hommes politiques dont deux conseillers régionaux sont cités dans les actes de procèdure pour être en contact avec les mafieux arrêtés.
Le baisé oublié
En Sicile, les politiciens font la « bis » on le savait (cf.Vasa Vasa en prison). Par ailleurs, dans les rapports politico-mafieux, il est accepté qu’un homme politique prenne les voix du clan et affiche publiquement une opinion antimafia (à part le président du Conseil qui ne parle jamais de mafia…) cf. Le lien organique du président du Conseil avec les organisations mafieuses. La duplicité est la norme. Mais quand le ministre de la justice de Berlusconi déclare que la mafia « fa schifo » (le dégoute), il y va un peu fort et les mafieux en prison, écoutés par ses pervers de policiers italiens qui font leur travail, s’énervent et veulent lui donner une leçon. Intervient alors un boss d’Aragona, Giovanni Alongi: « c’est le père d’Angelino Alfano qui a demandé les voix…. pas le fils... ». Oui mais tu oublis qu’il était l’invité d’honneur en 1996 du mariage de la fille du boss Croce Napoli (de Palma di Montechiaro).
Mais pourquoi M. Alfano est-il ministre de la justice? et pourquoi Renato Schifani est-il président du Sénat?
et Cosentino : Gomorra au gouvernement ?
Violence programmée « transversale »
Tout commence en ce 17 janvier 2011 à Spezzano Albanese (notez la référence à la présence albanaise historique dans cette partie de la Calabre) dans la province de Cosenza, un commerçant tue un autre commerçant de 22 ans, pour un problème de place de parking (cf. Violence programmée). En réalité, les deux personnes se connaissent et ne s’aiment pas. La victime est le fils du capo bastone (le chef dans la mafia calabaise) Franco Presta de la zone, en fuite depuis le mai 2009 pour usure et extorsion et dont la puissance est lié aux travaux de l’autoroute (cf.« Victor : nettoyeur »). La victime était titulaire d’un commerce (vidéo) à 22 ans : d’où proviennent les capitaux qui ont permis l’ouverture?
La vendetta est en route et elle va être « transversale » car elle va toucher la famille du meurtrier qui lui est en prison. Le 16 février, la belle sœur et la nièce du commerçant qui a tué le fils du boss. Au mois d’avril, c’est au tour du père du meurtrier de tomber sous les balles de deux tueurs en scooter.
Le boss Perna a du prononcé les même mot que le boss Tornicchio, « la où passe les Perna la Lupara chante (cf. Chante chante Lupara…). Ceux qui n’ont pas accepté la protection de la police sont morts, les autres vivent dans des lieux tenus secrets comme expliqué dans la vidéo :
Arrestation du chef de la Sacra corona unita
Le 23 avril 2011, la police italienne a arrêté Francesco Campana, 38 ans, latitante (en cavale) depuis sa condamnation à 9 ans de prison pour association mafieuse et trafic de stupéfiants. Arrêté à Orira dans l’Hinterland de Brindisi (important port militaire…), Campana serait le chef de la Sacra Corona Unita, la principale organisation mafieuse des Pouilles. Il serait ainsi le successeur de Giuseppe Rogoli (fondateur de l’organisation en 1983) puis Salvatore Buccarello. Sa compagne de 45 ans et le propriétaire de la maison où il se cachait ont également été arrêtés pour l’avoir soutenu dans sa latitanza (clandestinité). Le procureur déclare qu’il s’agit d’un coup de grâce à la Scu ; une déclaration bien hâtive : (Fatto quotidiano) vu le nombre d’association criminelles présentes sur le territoire : Bari cf.Violence programmée dans les Pouilles, et Foggia cf. Libérations de mafieux dans la région des Pouilles
Une vidéo de 16 secondes pour un boss qui « porte beau » même si les moustaches font un peu années 80.
Bourgeoisie politico-mafieuse
La magistrature, dans le cadre de l’opération « Casa Nostra » a arrêté Francesco Muncivi, 62 ans, ancien conseiller municipal de Forza Italia de Gela (cf. Ecomafia à Gela). Il est accusé d’association mafieuse, donc il est dans la mafia ou lié par un lien organique à Cosa notra sicilene. Il prélevait le pizzo pour la cosca (famille mafieuse sicilienne). Elu jusqu’en 2007, Muncivi lié du clan Emmanuello a racketté 4 entreprises de construction, les obligeant à acheter du matériel surfacturé, auprès de sociétés du clan (22 jours). La police a saisi un appartement et 18 hectares de terrain appartenant à une société contrôlée par la fille de Muncivi.
Un bel exemple de « Bourgeoise mafieuse » et de mafia et politique