Archive pour la catégorie ‘‘Ndrangheta, mafia calabraise’
La folle semaine de la ‘Ndrangheta
Le 25 novembre, la police a arrêté 24 personnes appartenant à un cartel de familles mafieuses. Originaire de Papanice dans l’arrière-pays de Crotone en Calabre, le cartel semble être devenu maître du chef lieu après un affrontement avec une faction rival ( La guerre des ‘ndrines de Crotone n’épargne pas les enfants ).
Cette hégémonie a fait perdre la raison aux capo-societa (chefs de famille). Ces derniers avaient commencé un tour de table des différentes familles pour payer un tueur. Celui-ci aurait dû assassiner le magistrat Pierpaolo Bruni.
Ce sont des écoutes (téléphoniques et autres) et les déclarations d’un collaborateur de justice (« repenti ») qui ont permit de déjouer le complot. La police a saisi une plantation de cannabis (estimé à 1 million d’euros), un bazooka, un fusil à lunette qui devait être utilisé pour tuer le magistrat. Les policiers ont aussi procédé à de nombreuses perquisitions à l’encontre d’entrepreneurs et de fonctionnaires. Tous sont impliqués dans un scandale financier dans le cadre de la construction d’un site touristique… suite demain.
Le mafieux, ce grand communicant
Le 5 novembre 2008, les carabiniers ont mis fin à la cavale de deux chefs d’une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Il est deux heures de matin, les issues sont sous contrôle quand les militaires font irruption dans une petite maison de campagne dans la forêt de Sila.
Les chefs n’étaient pas armés, n’avaient pas de téléphone mobile, ni de voiture. Le réseau logistique de complicités fonctionnait parfaitement. Cataldo Marincola (47 ans) et Silvio Farao (60 ans) sont deux leaders du « locale », l’unité administrative dans la mafia calabraise, dans la zone Cirò, un bourg au nord de Crotone (carte à gauche).
Les deux mafieux ont choisi la clandestinité parce qu’ils craignaient que la Cour de cassation les condamne à la prison à vie. Pourquoi prendre le risque de se faire arrêter à deux ? Et pourquoi féliciter les Carabiniers venus les mettre en prison ?
Les mafieux sont des grands communicants. Il s’agit de faire passer un message, celui de l’unité, à toutes les familles de la zone. En effet, le 26 septembre dernier, un membre du clan a été assassiné en Lombardie ( Exécution mafieuse en Lombardie ). Le bruit courait qu’il y avait une guerre au sein de la ’ndrine. Il n’en est donc rien.
De plus, féliciter les carabiniers revient à envoyer un mot d’ordre à tous les soldats : « on ne touche pas aux institutions ». Les arrestations et la prison font partie du jeu.
Seule prime la continuité des affaires : (Epargne mafieuse et leçon de capitalisme )
Arrestation de la « mamma »
Le 15 octobre 2008, à 5h15, les policiers ont arrêté la « mamma », Antonio Pelle, 46 ans et chef de la ‘ndrine (famille mafieuse calabraise) Pelle-Romeo-Vottari opposée à la ‘ndrine Nirta-Strangio dans une faida depuis 1991. Antonio Pelle se cachait non loin de San Luca dans un bunker (cf. Le quotidien de l’Etat contre la ‘Ndrangheta et vidéo plus bas.)
Antonio Pelle est appellé la « mamma » par ses soldats qui lui vouent une grande dévotion comme en témoigne cet évènement : Duisburg, le 15 août 2007, un membre de la mafia calabraise apprend que 7 des membres de son clan viennent d’être assassinés ( De San Luca à Duisburg, la faida et la ‘Ndrangheta ). Il téléphone en Calabre pour informer la hiérarchie de la ’ndrine, la famille mafieuse calabraise. Achille Marmo décroche. Son frère vient d’être assassiné mais il ne le sait pas encore. Celui qui téléphone pose une question à Achille Marmo : « la mamma è qui ? » (« La maman est-elle là ? « ). La « mamma » désigne Antonio Pelle, le chef de la famille en question.
A lieu de prévenir son interlocuteur que le frère de ce dernier vient d’être assassiné, le soldat de la mafia demande si le chef se trouve dans la pièce car c’est au chef que ce type d’information doit être délivré en priorité. La mafia c’est la tyrannie de la famille mafieuse. Le clan passe avant les sentiments.
Achille Marmo répond que la « mamma » n’est pas ici. Le messager transmet alors l’effroyable nouvelle : « ils sont tous morts… tu as compris ?… ils ont été tués… ton frère aussi. ».
Violence programmée
Dimanche 28 septembre 2008, à Sinopoli, une petite ville de l’arrière pays de Reggio en Calabre (voir carte), deux automobilistes se disputent pour une place de parking.
L’un d’eux sort un pistolet de calibre 7,65 mm et tire cinq balles. Deux atteignent l’autre conducteur. L’assassin, Domenico Marsetti, un délinquant non mafieux de 32 ans, réalise trop tard la portée de son geste. Il vient d’assassiner le gendre du « boss » de la zone, Carmine Alvaro.
Domenico file vers Rome.
En attendant, des membres de la famille de la victime arrivent sur les lieux du drame. Ils transportent Domenico Cutri à l’hôpital mais il est trop tard. Le jeune homme de 36 ans décède.
Là, l’histoire prend une tournure mafieuse. Les parents déposent le corps de la victime devant le cimetière. Pourquoi ? Pour gagner du temps sur la justice de l’Etat italien.
La famille en question est une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise. Elle contrôle le territoire et elle doit faire acte de vendetta (vengeance) elle-même. Il en va de sa réputation, de sa survie. Elle interroge les patrons de bars, donne deux coups de téléphone et le tour est joué. Un commando est en route. Certainement dès lundi, il retrouve l’assassin. Tarif : une balle dans la nuque.
‘Ndrines transnationales
L’enquête a connu plusieurs phases. Le 11 avril, les carabiniers avaient saisi, en Calabre, un échantillon de 3 kilos. Vous pouvez visionner les images en cliquant sur le lien suivant : « échantillon ». Le 22 mai, les carabiniers avaient intercepté 44 kilos aux Pays Bas. Le 7 août, la police canadienne avait arrêté le boss de la ‘ndrines Aquino-Coluccio (cf. ‘Ndrangheta transnationale)…
Pour un article plus détaillé, cliquez sur : le démantelement d’un réseaux de drogue et les vidéos de « planques » de policiers
Opération Terminador
d’appel d’offre.
Grâce à la collaboration de quatre mafieux, la justice a pu reconstruire les événements qui ont ensanglanté la province de Cosenza. A la fin des années quatre vingt dix, les travaux de modernisation de la route nationale 18 a conduit les
‘ndrines, les familles mafieuses calabraises, à s’entretuer..
Toujours grâce aux « repentis », on apprend aussi que les ’ndrines de Cosenza ont, en 2000 et 2001, extorqué l’entrepreneur assassiné au mois de mars dernier ( La ‘Ndrangheta s’offre un « cadavre exquis » avant les élections. ). A l’époque, le boss était Vincezo Dedato. Il était aussi le « caissier » des ‘ndrines de Cosenza.
Une fois encore ; pas de lutte antimafia sans collaborateur de justice (sans « repenti »).
Australians do it better !
Au mois d’août 2008, la police australienne, en collaboration avec de nombreuses polices étrangères, a procédé à la saisie record de 15 millions de pastilles d’ecstasy. Les 4,4 tonnes de stupéfiants étaient dissimulées dans des boites de tomates placées sur un navire destiné à Italie. A la tête de ce trafic, un « boss » de la mafia calabraise Francesco Modafferi, 47 ans, un mafieux originaire de Plati en Calabre. La ‘Ndrangheta est présente en Australie depuis plus de quarante ans. Dans les années soixante, elle cultivait du cannabis pour les soldats américains présents au Vietnam.
Depuis l’arrestation du chef mafieux calabrais, les enquêteurs ont découvert, non sans émoi, que le « boss » bénéficiait d’une dérogation un peu spéciale délivrée par le ministre de l’immigration du dernier gouvernement conservateur. La ministre est intervenue en personne pour annuler l’ordre d’expulsion du chef mafieux en lui accordant un visa à titre humanitaire (pour raison mentale). Il faut dire que la famille du mafieux avait été très généreuse en matière de dons envers le parti libéral australien. Pourtant, en 1998, la justice australienne avait signalé que les frères Madafferi étaient des mafieux calabrais suspectés de meurtre et d’extorsion. La ministre en question est aujourd’hui ambassadrice de l’Australie en Italie…
‘Ndrangheta transnationale
Giuseppe Coluccio a été extradé en Italie. Il ne lui reste plus qu’à collaborer avec la justice de son pays…
Guet-apens contre un capo-bastone en Aspromonte
Le 23 juillet 2008, à 9h30 dans la commune de Santo Stefano dans les montagnes de l’Aspromonte en Calabre, Rocco Musolino et Agostino Priolo se déplacent dans leur véhicule. Là, deux hommes embusqués tirent plusieurs coups de fusil de chasse. Une des armes s’enraye et les sicaires abandonnent leurs armes sur place (photo en haut). Les vctimes sont blessées légèrement, le conducteur ayant eut la présence d’esprit d’accélérer et de se rendre à l’hôpital (pas le plus proche…).
Les carabiniers ne privilégient aucune piste pour l’instant mais ce guet-apens pourrait être d’essence mafieuse. En effet, Rocco Musolino, 81 ans, appartient à une ‘ndrine, une famille mafieuse calabraise, en l’occurence la ‘ndrine Serraino ( De la mafia calabraise, de la mémoire et des femmes). Il serait même un chef de famille : un capo-bastone. Dans les années quatre-vingt dix, Rocco Musolino a été arrêté dans le cadre des procès Olimpia. Les procès Olimpia 1, 2 et 3 sont les plus importants procès concernant la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise. La justice italienne soupçonnait Rocco Musolino d’être l’un des commanditaires de l’assassinat de Giorgio De stefano, survenu en 1977. Giorgio De Stefano était un chef de famille mafieuse de Reggio. En première instance, Rocco Musolino fut condamné à la prison à vie. Innocenté en appel, il a été reconnu coupable d’extortion de fonds à l’issue d’une autre procèdure diligentée à son encontre.
Le mobile de ce guet-apens, même mafieux, demeure inconnu. D’après les premiers éléments de l’enquête, il ne peut s’agir d’une erreur puisque les tireurs ont identifié la voiture et vu leurs cibles. Il ne s’agirait pas d’un avertissement. Les enquêteurs ont retrouvé trois lettres de menace au domicile de Rocco Musolino. L’emploi d’un fusil de chasse fait pencher mon interprétation vers un conflit de générations. De jeunes « boss » veulent prendre le pouvoir. Rocco Musolino ne veut rien lâcher de ses prérogatives et de son trésor caché. Les prétendants décident de le tuer tout en respectant la stature de leur proie. L’utilisation d’un fusil de chasse à canons sciés, une arme traditionnelle dans la mafia, devait rendre un dernier hommage au « roi de l’Aspromonte ».
Vengeance « transversale » à Rosarno?
Rosarno est une petite ville de 20 000 habitants dans la plaine de Gioia Tauro en Calabre (dont on peut voir le vue du ciel plus haut). Là, les ‘ndrines Belloco-Pesce et Ascone, des familles mafieuses calabraises, se disputent le contrôle du territoire et les ressources économiques de la ville. Les enquêteurs craignent cependant que ce meurtre soit la suite d’actions du même genre qui ont eut lieu dans la plaine ces derniers mois ( Voiture piégée en Calabre). Les carabiniers ont vérifié les emplois du temps des repris de la justice résidant à Rosarno. Les militaires ont aussi procédé à des tests à l’aide de paraphine pour vérifier si les personnes en question avaient récemment utilisé des armes à feu. Ce meurtre ne restera peut-être pas impuni mais il faudra du temps pour faire toute la lumière.