Archive pour la catégorie ‘mafia’

« Zoomafia » au quotidien

Gallico mafiaCette semaine, dans la province de Reggio en Calabre, les policiers ont stoppé une course de chevaux clandestine. Sur la voie rapide entre Gallico et Gambarie, des jockeys pilotaient deux carrioles sous le regard de la foule pressée au bord de la route. Avec beaucoup de difficulté, la patrouille de police a fait ralentir les chevaux qui étaient lancés au trot. Les policiers ont par ailleurs arrêté une voiture de marque allemande et de type série « 3 » qui devançait les concurrents comme une voiture de tête pendant une course cycliste… Les deux chevaux n’avaient aucun marquage et les jockeys ne possédaient aucun document d’identité.

La police a saisi les chevaux et a verbalisé les jockeys pour des infractions au code la route. Avec un peu de chance, l’enquête arrivera à démontrer l’implication des ‘ndrines locales. Les familles mafieuses sont impliquées dans les activités visant à exploiter les espèces vivantes. On appelle ces délits : la zoomafia. Au delà du folklore, ces activités permettent aux clans de faire vivre des populations au chômage, d’entretenir le consensus social envers la mafia et de contrôler le territoire. Les courses de cheveaux font partie des activité dénomées « Zoomafia ». Ces activité criminelles sont inclu dans le concept des « ecomafias » (cf. L’Italie, ses déchets, son béton et ses mafias)

La ‘Ndrangheta comme Al Quaida?

D’après les services de renseignements italiens, nouvellement baptisés AISE et AISI (cf.Les services de renseignement italien et les mafias), la ‘Ndrangheta serait la mafia la plus dangereuse pour trois raisons. Elle est une mafia souple, riche et capable de s’attaquer à l’Etat italien par le bais d’actes subversifs.
Cette analyse est à mettre en relation avec un autre rapport ; celui de la Commission parlementaire antimafia (Cpa). Publié le 20 février dernier, ce rapport affirme que la mafia calabraise possède un structure tentaculaire privée de direction stratégique mais caractérisée par “une sorte d’intelligence organique qui est comparable à Al Quaida”. On comprendra que les organisations transnationales les plus adaptées à la mondialisation sont celles dont la structure se révèle souple. La mafia calabraise est une mafia dotée d’une grande puissance financière qui lui permet de s’insérer dans l’économie, en particulier dans les domaine de la construction des routes, de la santé, de l’agro alimentaire, du tourisme et des activités économiques dans la plaine de Gioa Tauro.
Ces deux conditions et une tradition historique subversive, la rendent capable d’actes de terrorisme contre l’Etat. Rappelons qu’en 2005, la Direction d’enquête antimafia (DIA) avait déjoué un projet d’attentat contre un magistrat et que la ‘Ndrangheta a assassiné le vice-président de la région calabre (voir n°1).
Enfin, il convient de mettre en parallèle ces données avec la dernière arrestation à Bari dans les Pouilles. Les magistrats de la direction provinciale antimafia ont arrêté des mafieux de la Sacra Corona Unita. Les écoutes téléphoniques faisaient état de jeunes prêts à tout pour sauvegarder le clan ; “ prêt à faire le kamikase ”!


De la Bourgeoisie mafieuse à Agrigento

Vincenzo Lo Giudice mafiaDans un silence assourdissant, le 28 février 2008, le tribunal d’Agrigento a condamné pour association mafieuse, l’ex assesseur régional Vicenzo Lo Giudice, à 16 ans de prison. Vicenzo Lo Guidice, photo à gauche, est un homme politique sicilien très puissant. De 1991 à 2004, il a été député de la très autonome région Sicile. Il fut assesseur régional, une sorte de ministre, chargé de l’administration du territoire, puis président de la commission régionale pour la santé. En 2001, il appartenait au parti du centre, l’UDC. En 2004, il fut arrêté dans le cadre de l’enquête dénommée « Haute mafia ». Il louait à une coopérative gérée par une cosca mafieuse des terrains que la justice avait précisément confisqués à cette famille mafieuse ! Sous le plancher de sa maison, la police avait retrouvé 500 millions de lires qu’il avait tenté de changer en euros avant le 1er janvier 2002. La magistrature a, par ailleurs, saisi des biens pour une valeur de 5 millions d’euros (cf. La confiscation : le reportage)

Au cours du procès, l’accusation a présenté des enregistrements d’écoutes. Vicenzo Lo Giudice tenait des propos élogieux envers les chefs mafieux. Il a été reconnu coupable de corruption, de recyclage d’argent sale, et de fraude dans la gestion des appels d’offre.

Le tribunal a aussi condamné : le chef mafieux de Canicattì, l’ancien maire de Canicattì, l’ancien président de la province d’Agrigente et fils, l’ancien conseiller provincial et adjoint aux travaux publics de la ville Caltanissetta.

Ces condamnations sont à rapprocher de celle de Salvatore Cuffaro (cf.  Vasa Vasa en prison). Le 18 janvier 2008, la Troisième chambre pénale de Palerme a condamné le Président de la région Sicile à cinq de prison pour avoir favorisé des membres de Cosa nostra et non pas l’organisation mafieuse dans son ensemble[1].
L’ensemble de ses personnes forme un corps social ; la “bourgeoisie mafieuse”. (cf. Umberto Santino définition).  Sans ce réseaux, la mafia n’existe pas. Elle ne serait que du crime organisé.

[1] La justice italienne distingue en droit le délit de collusion avec un mafieux et le délit plus grave de favoriser l’organisation mafieuse dans son ensemble (cf. Un sénateur condamné par une justice italienne sophistiquée)

L’arrestation de Pasquale Condello ; le dernier grand parrain calabrais ?

mafia 'ndranghetaLe 18 février 2008, dans la périphérie de Reggio en Calabre, les carabiniers spécialisés du Ros ont arrêté le capo bastone Pasquale Condello, 57 ans, l’un des plus importants chefs de la ‘Ndrangheta, la puissante mafia calabraise. D’après le ministre de l’Intérieur, Giuliano Amato, la dimension criminelle de Pasquale Condello équivaudrait à celle de Bernardo Provenzano, le dernier chef corléonais de Cosa nostra sicilienne.

Dès les années soixante dix, au cours de la première guerre de ‘Ndrangheta, le jeune chef de ndrine avait fait alliance avec la puissante famille De Stefano. Au cours de la seconde guerre de 1985 à 1991, Pasquale Condello s’opposa au cartel De Stefano-Tegano-Libri pour rejoindre le cartel Imerti-Rosmini-Fontana. Cette guerre fit plus de 1 000 morts sans qu’un camp ne remporte une victoire claire.

En 1989, Pasquale Condello augmente son prestige mafieux en commanditant un des meurtres les plus importants de la ‘Ndrangheta, un « cadavre exquis » selon l’expression consacrée en Italie. Le 27 août 1989, l’ex Président des chemins de fer italiens, Ludovico Ligato, est assassiné parce qu’il était proche du clan adverse. Originaire de Reggio, il avait fait une carrière politique à Rome est était devenu Président d’une des plus importante administration d’Etat. Après une période de disgrâce, Ligato était revenu à Reggio pour créer une myriade de sociétés destinées à récupérer les fonds publics destinés à la Calabre. Pasquale Condello ne pouvait pas laisser le groupe De Stefano rafler la mise. Depuis le début des années 90, Pasquale Condello était « latitante » c’est à dire en cavale. La justice italienne le recherchait pour accomplir la peine de 4 condamnations à vie et vingt deux ans de prison. Cette clandestinité ne l’a pas empêché pas de participer à des sommets mafieux. Pasquale Condello bénéficiait d’un vaste réseau de protection. Le patrimoine de ce mammasantissima est estimé à 50 millions d’euros. Il est constitué, entre autres, d’immeubles et d’activités commerciales dans toute l’Italie. Au-delà des complicités familiales surveillées pas la police, les personnes, en particulier celles chargées de gérer son patrimoine, sont les mieux placées pour avoir assuré cette longue impunité.

Comme l’a souligné le procureur Franco Mollace, cette arrestation est le fruit d’une longue enquête. La collaboration d’un proche de Pasquale Condello s’est révélé indispensable. En 2004, déjà, la police italienne avait arrêté les « super boss » Orazio de Stefano et Giuseppe Morabito. Avec celles de Pasquello Condello, de Bernardo Provenzano et de Sandro Lo Picolo, les forces de l’ordre font reculer l’impunité en Italie. L’impunité est une des principales forces des mafias.

Un réseau politico-mafieux démantelé en Italie

région de l'Ombrie

Le 12 février 2008, sur ordre du parquet de Perugia, dans le centre de l’Italie, les carabiniers ont arrêté plus de cinquante personnes dans le cadre d’une enquête mêlant des intérêts politiques, économiques et mafieux. L’ensemble de ses personnes formait un réseau criminel qui s’adonnait à différentes fraudes dans le domaine du génie civil, à la construction, au trafic de drogue et à l’extorsion.
Le processus était le suivant :
Les clans camorristes des Casalesi et les ‘ndrines calabraises Morabito-Palamara-Bruzzaniti pratiquaient le racket sur le territoire. L’argent acquis était réinvesti soit dans le trafic de cocaïne, soit dans le bâtiment et les travaux publics. En ce qui concerne le trafic de stupéfiants, les clans approvisionnaient la région Umbrie en cocaïne. La commercialisation était, sur place, assurée par les gangs d’Albanais et des malfrats locaux.
Les ‘ndrines avaient jeté leur dévolu sur les appels d’offres concernant des infrastructures touristiques et celle de la centrale hydroélectrique de Vallata dello Stilaro qui se trouve sur la commune de Bivongi. Ce bourg est situé dans les montagnes de l’Aspromonte dans la province de Reggio en Calabre.
Pour obtenir ces marchés publics, les mafieux calabrais bénéficiaient de complicités de la part de fonctionnaires de  l’administration communale et régionale. Il s’agissait pour les familles mafieuses calabraises de connaître à l’avance les travaux et les financements prévus ainsi que les prix affichés par les sociétés concurrentes. Avec ses informations, les mafieux proposaient des tarifs inférieurs et gagnaient les appels d’offres. Pour tenir ses coûts, les sociétés mafieuses utilisaient des matériaux de mauvaise qualité ainsi que de la main d’œuvre essentiellement composée de clandestins, des « extra communautaires » comme le disent les Italiens. Enfin, les enquêteurs ont relevé la violation systématique des normes de sécurité sur les chantiers. Accessoirement, ce réseau avait aussi mis en place un vol de voitures organisé à des fins de recyclage de chèques falsifiés.
Les forces de l’ordre ont appelé cette opération « Naos ». Elles aiment donner des noms originaux à leurs actions. En l’occurrence, on ne sait pas si cela renvoie à l’étoile Naos ou s’il s’agit d’une référence « au saint des saints », la pièce la plus importante dans les temples de la Grèce antique…
A regarder les personnalités arrêtées, nous pencherons pour la deuxième hypothèse :
– le responsable du tourisme de la région Calabre
– le maire de Staiti
– le maire adjoint de Brancaleone,
– un agent administratif de Brancaleone
– de nombreux professionnels des milieux économiques et financiers.
Ces personnes demeurent présumées « innocentes ». Il faut attendre les trois instances de la procédure judiciaire pour qu’une condamnation soit définitivement prononcée. Rendez-vous dans dix ans… le temps d’une dizaine d’élections.
En l’espèce, le responsable du tourisme de la région Calabre, Pasquale Tripodi, appartient à l’Udeur, un parti du centre. Son leader, Clemente Mastella, était, depuis plus d’un an, allié au gouvernement national de centre gauche dirigé par Romano Prodi (cf. La droite européenne félicite la gauche italienne pour son bilan économique). Cependant, impliqué ainsi que sa femme pour des délits de corruption et de clientélisme, Clemente Mastella a fait chuter le gouvernement Prodi en passant au centre droit. En conséquence quoi, le Président de la région Calabre, Agazio Lorieo qui anime une coalition de centre gauche, venait de révoquer « pour incompatibilité politique » le responsable du tourisme.
Conclusion sur les mafias et la légalité en Italie :
1. En Italie, les relations politico-mafieuses, même locales, ont des répercussions sur la vie politique nationale c(. L’assassinat du vice-président de la régio calabraise : un meurtre politico-mafieux
2. La mafia n’existe que parce qu’elle dispose de complicité au sein de la fonction publique, des professions libérales et du monde de la politique (cf. « Bourgeoisie mafieuse » : définition)
3. La mafia est un acteur économique en phase avec le libéralisme. Elle utilise la main-d’œuvre bon marchée et elle a recours à des méthodes qui ressemblent à de l’esclavage.
4. La mafia est présente dans toute l’Italie comme en témoigne cet exemple. Le procureur national antimafia, Pietro Grasso parle de « tentative de colonisation » de la région Umbrie.
5. N’en déplaisent à certains, les Italiens du Nord se révèlent, parfois, aussi malhonnêtes que ceux qu’ils considèrent comme « des culs terreux ».
6. La mafia italienne utilise la criminalité locale, le grand banditisme et les criminels étrangers comme des associés ou des sous-traitants.
7. En Italie, les étrangers ne sont pas tous des criminels. La plupart d’entre eux travaillent ou se font exploiter comme dans le cas présent.

Biographie Berlusconi

De Marco Travaglio et Peter Gomez

Berlusconi mafia rizzo1936. Nait à Milan le 29 septembre, premier de trois enfants (deux garçons et une fille) de Luigi Berlusconi, employé à la Banque Rasini, et Rosa Bossi, femme au foyer.

1954. Passe le Baccalauréat, section lettres classiques, au lycée catholique Copernic et s’inscrit en Droit à l’Université d’Etat de Milan. A temps perdu, il vend des brosses électriques en faisant du porte-à-porte, est photographe lors de mariages et d’enterrements, joue de la basse et chante dans l’orchestre d’un ami d’enfance Fedele Confalonieri (mais aussi sur des bateaux de croisière).

1957. Premier emploi occasionnel dans le secteur de l’immobilier et de la construction.

1961. Passe sa maîtrise en Droit avec les félicitations du jury à Milan. Son mémoire de fin d’études porte sur les aspects juridiques du contrat publicitaire. Il obtient alors une bourse d’étude de deux millions de lires offerte par la société Manzoni. Il échappe, on ne sait comment, au service militaire. Et il se consacre à la construction en acquérant un terrain, via Alciati à Milan, grâce à la garantie du Banquier Carlo Rasini, qui lui procure en outre un associé, l’entrepreneur Pietro Canali. Est créé la société  » Cantieri Riuniti Milanesi ».

1963. Est fondée la société « Edilnord Sas » avec comme soci accomandanti (investisseur) Carlo Rasini et le comptable suisse Carlo Rezzonico (au nom de la mystérieuse société financière de Lugano Finanzierungesellshaft fur Residenzen Ag). En 1964 s’ouvre alors un chantier à Brugherio pour l’édification d’une cité modèle de 4.000 habitants. En 1965 est achevé le premier immeuble dont aucun des appartements ne trouve acquéreur. Puis, sans que l’on sache comment, l’ensemble sera vendu à la caisse de retraite des commerçants..

1965. Berlusconi épouse Carla Elvira Dall’Oglio, originaire de Gêne, qui lui donnera deux enfants, Maria Elvira (1966) et Piersilvio (1969).

1968. Est créé la société Edilnord 2, pour l’acquisition de terrains sur la commune de Segrate, où sera construit Milano 2.

1969. Brugherio est achevé avec 1.000 appartements vendus.

1973. La société Italcantieri Srl est créée, grâce aux capitaux de deux mystérieuses fiduciaires du Tessin, Cofigen (liée au financier Tito Tettamanti) et Eti AG Holding (administrée par le financier Ercole Doninelli). Est achetée, grâce aux bons offices de son ami Cesare Previti, la villa Casati Stampa avec toutes ses dépendances à Arcore, à un prix de (super-)faveur. Previti est, en effet, à la fois, le tuteur légal, de l’unique héritière des Casati Stampa, la contesse Annamaria, âgée de douze ans, et un ami de Silvio Berlusconi et associé en affaire avec lui.

1974. Grâce à deux fiduciaires de la BNL, les sociétés Servizio Italia et SAF, est créée la société Immobiliare San Martino, administrée par un ancien camarade d’université, Marcello Dell’Utri, palermitain. Dans un immeuble de Milano 2 est lancée une télévision par câble, Telemilano 58, qui passera bientôt à la postérité sous le nom de Canale 5. Berlusconi déménage avec sa famille à la Villa Casati, accompagné par le boss mafieux Vittorio Mangano, engagé en Sicile par Dell’Utri comme « factotum », c’est-à-dire comme administrateur de la demeure et des terrains. Mangano quittera Arcore seulement un an et demi plus tard, suite à deux arrestations et une enquête sur sa responsabilité dans l’enlèvement d’un hôte de la Villa, ami de Berlusconi.

1975. Les deux fiduciaires donnent naissance à la société Fininvest. Sont fondées également les sociétés Edilnord et Milano 2. Mais, entre 1968 et 1975, Berlusconi n’apparaît jamais, caché derrière une myriade de prête-noms et sociétés-écran. Il ne refait surface qu’en 1975 lorsqu’il prend officiellement la direction d’Italcantieri puis en 1979 lorsqu’il devient président de Fininvest.

1977. A peine devenu « Cavaliere del Lavoro », il acquiert une participation dans la maison d’édition du quotidien Il Giornale, fondé en 1974 par Indro Montanelli.

1978-1983. Il reçoit une somme équivalant à 500 milliards de lires en valeur actuelle, dont près d’une quinzaine de milliards en liquide, pour capitaliser les 24 (devenues par la suite 37) sociétés Holding Italiana qui composent Fininvest. La provenance de ses sommes reste inconnue jusqu’à aujourd’hui. Cette période correspond à celle de l’ascension vers le pouvoir de Bettino Craxi, secrétaire du PSI depuis 1976, et où ce dernier accède au gouvernement.

1978. Il s’inscrit à la loge maçonnique occulte Propaganda 2 (P2) du Grand Maître Licio Gelli, à qui il a été présenté par le journaliste Roberto Gervaso. Carte n�1816. A partir de ce moment-là, Berlusconi commence à bénéficier de crédits au-delà de toute normalité de la part des Banques Monte dei Paschi et BNL (deux banques dont certains hommes-clés sont eux-mêmes membres de la loge P2). Il commence alors à publier également des analyses de politique économique dans le quotidien Corriere della Sera, contrôlé par la loge P2 par le biais d’Angelo Rizzoli et Bruno Tassan Din. La loge P2, considérée comme subversive, sera par la suite dissoute par une décision du gouvernement Spadolini.

1980. Berlusconi fonde, avec Marcello Dell’Utri, Publitalia 80, une société de concession publicitaire pour les réseaux télévisés. Il rencontre l’actrice Veronica Lario, de son vrai nom Miriam Bartolini, qui joue dans un spectacle du Théâtre Manzoni de Milan légèrement vétue. Il en tombe amoureux. Il la cache pendant près de trois ans dans une aile secrète du siège de Fininvest, Via Rovani à Milan. Puis elle tombe enceinte et, en 1984, toujours dans le secret le plus absolu, donne naissance en Suisse à une fille, Barbara. Berlusconi la reconnaît. Le parrain sera Bettino Craxi.

1981. En enquêtant sur les trafics de Michele Sindona, membre de la mafia en faillite affilié à la loge P2, les juges milanais Gherardo Colombo et Giuliano Turone tombent sur les listes des membres de la loge P2. Mais Berlusconi n’est pas touché par le scandale qui secoue le gouvernement, l’armée, les services secrets et le monde du journalisme.

1982. Berlusconi rachète la chaîne télévisée Italia 1 à l’éditeur Edilio Rusconi.

1984. Berlusconi rachète la chaîne télévisée Rete 4 à la société Mondadori : il est désormais le propriétaire de trois chaînes nationales et peut faire directement concurrence à la RAI. Mais trois magistrats , de Turin, Pescara et Rome, mettent sous séquestre les installations qui permettent la diffusion illégale de programmes « en interconnexion », c’est à dire diffusés simultanément sur tout le territoire national. Craxi présente en urgence un décret (le premier « décret Berlusconi ») pour légaliser la situation illégale. Mais le décret n’est pas traduit en loi pour cause d’inconstitutionnalité. Craxi en présente alors un autre (le deuxième « décret Berlusconi ») et menace les partis de la majorité de provoquer des élections anticipées si le nouveau texte est lui aussi rejeté. Le décret est finalement approuvé en février 1985, après que le gouvernement est déposé une motion de confiance.

1985. Le divorce entre Silvio Berlusconi et Carla Dell’Oglio est prononcé et la liaison avec Veronica devient officielle. Celle-ci lui donnera deux autres enfants: Eleonora (1986) et Luigi (1988). Les secondes noces de Berlusconi sont célébrées en 1990 par le maire socialiste de Milan, Paolo Pillitteri, beau-frère de Bettino Craxi. Les témoins des époux sont Bettino et Anna Craxi, Fedele Confalonieri et Gianni Letta.

1986. Berlusconi achète le Milan AC et en devient le président (en 1988, il gagne pour la première fois le championnat). Dans le même temps, le projet de La Cinq en France est un échec. Ceci amènera à la fermeture définitive de la chaîne télévisée en 1990. C’est Jacques Chirac qui boutera Berlusconi du territoire français, le définissant comme « un marchand de soupes ».

1988. Le gouvernement De Mita annonce la présentation de la loi Mammì relative au système télévisé. Dans la pratique celle-ci fige le duopole RAI-Fininvest, sans imposer à Berlusconi de véritables règles antitrust. Le Cavaliere achète la société Standa. La loi Mammì est adoptée en 1990.

1989-1991. Longue bataille entre Berlusconi et De Benedetti pour le contrôle de la société Mondadori, première maison d’édition italienne contrôlant des quotidiens (La Repubblica et 13 journaux locaux), des hebdomadaires (Panorama, Espresso, Epoca) et tout le secteur du livre. Grâce à une décision du juge Vittorio Metta, que le tribunal de Milan estimera par la suite achetée par des tangenti versés par l’avocat de Berlusconi, Cesare Previti, le Cavaliere arrache Mondadori à son concurrent. Une médiation d’ordre politique successive permettra plus tard la restitution de La Repubblica, Espresso et de certains journaux locaux à De Benedetti. Tout le reste demeurera entre les mains de Berlusconi.

1990. Le Parlement approuve définitivement la loi Mammì dans un contexte houleux. Berlusconi peut dès lors garder toutes ses chaînes de télévision (entre temps il participe également aux affaires de la chaîne à péage Telepiù) et Mondadori. Il doit seulement « se séparer » du quotidien Il Giornale (qui sera cédé en 1990 à son frère Paolo).

1994. Berlusconi, désormais orphelin de ses soutiens politiques emportés par le scandale de Tangentopoli, entre directement en politique, fonde son parti, Forza Italia, gagne les élections du 27 mars comme leader du « Pôle des Libertés » et devient Président du Conseil. Le 21 novembre il se retrouve impliqué dans l’enquête sur les tangenti versés à la Guardia di Finanze. Le 22 décembre il est contraint de donner sa démission suite à la motion de censure déposée par ses alliés de la Lega Nord, qui ne partagent plus les orientations de sa politique sociale et insistent pour que soit résolue la question du conflit d’intérêts.

1996. Berlusconi, mis entre-temps en examen également pour ses liens avec la mafia, faux bilans, fraude fiscale et surtout corruption de juges en compagnie de Cesare Previti, présente à nouveau sa candidature aux élections législatives. Mais il subit une défaite et c’est le candidat de centre-gauche, Romano Prodi qui gagne les élections. Il reste alors cinq ans dans l’opposition, aux prises avec toute une série d’enquêtes judiciaires et de procès. Ces derniers se concluent par différentes condamnations en premier ressort, ensuite transformées en prescription et (rarement) en absolution en appel et en cassation.

2001. Le 15 mai Berlusconi gagne les élections législatives à la tête de la  » Casa delle Libertà » et redevient Président du Conseil.

(indice)

BERLUSCONI ET SES MYSTERES

En dépit des biographies autorisées que l’intéressé a fait publier ou a favorisé et qui vont parfois jusqu’à agiographie, la vie et la carrière professionnelle du chef d’entreprise Silvio Berlusconi reste constellée de trous noirs et de demandes sans réponses. Voici un petit résumé des omissions les plus inquiétantes.

1) La Edilnord SAS est la société fondée par Silvio Berlusconi en 1963 pour construire le complexe immobilier « Milano 2 ». Les soci accomandatari (ceux qui y opèrent), à côté du future « Cavaliere », sont Edoardo Piccitto, comptable et les entrepreneurs Pietro Canali, Enrico Botta et Giovanni Botta. Les soci accomandanti (ceux qui financent l’opération) sont le banquier Carlo Rasini, patron de la banque homonyme ayant son siège à Milan, via dei Mercanti, et l’avocat d’affaires Renzo Rezzonico, représentant légal d’une société financière de Lugano, la « Finanzierungesellshaft fur Residenzen Ag » dont personne ne connaîtra jamais les réels propriétaires. Il s’agissait, quoi qu’il en soit, de personnes extrêmement optimistes pour confier un capital énorme à Silvio Berlusconi, un jeune homme de tout juste 27 ans qui, jusqu’alors n’avait fait aucunement preuve de talents d’entrepreneur dignes d’être connus.

2) En provenance de la Banque Rasini, où le père de Silvio, Luigi Berlusconi a travaillé toute sa vie, passant de simple employé à directeur général, voilà la réponse donnée par Michele Sindona (entrepreneur en faillite, membre de la loge P2, lié à Cosa Nostra et pratiquant le recyclage de l’argent de la mafia) au journaliste américain Nick Tosches, lorsque celui-ci lui demandait en 1985 quelles étaient les banques utilisées par la mafia: « En Sicile, « Il Banco di Sicilia », parfois. A Milan une petite banque installée Piazza Mercanti ». C’est à dire la Banque Rasini, où Luigi Berlusconi, père de Silvio, a travaillé jusqu’à en devenir le directeur général. A la Banque Rasini, des mafieux et des narco-traficants siciliens célèbres ont leur compte courant, notamment Antonio Virgilio, Salvatore Enea, Luigi Monti, tous liés à Vittorio Mangano, ce mafieux qui travailla comme factotum dans la villa de la famille Berlusconi entre 1973 et 1975.

3) Le 29 octobre 1968, est fondée la société « Edilnord Centri Residenziali Sas » (une sorte de Edilnord 2). C’est fois-ci, à la place de Silvio Berlusconi, on retrouve comme « socio accomandatario », sa propre cousine, Lidia Borsani, âgée de 31 ans. Et son capital provient d’une autre mystérieuse société de Lugano, la « Aktiengesellshaft fur Immobilienanlagen in Residenzentren Ag » (Aktien), fondée par de mystérieux investisseurs peine dix jours avant la création d’Edilnord 2. A partir de ce moment, le nom de Berlusconi disparaît, couvert par toute une série de sigles et de prête-noms. Berlusconi ne réapparaîtra qu’en 1975 pour diriger la société Italcantieri et en 1979 comme président de Fininvest. En attendant sont crées des dizaines de sociétés, dont les titulaires sont des parents ou de simples figurants et qui sont elle-même contrôlées par d’autres sociétés dont on ignore les véritables dirigeants. Selon la reconstitution établie par Giuseppe Fiori dans son libre « Il venditore » (Garzanti, 1994, Milano), Italcantieri est fondée en 1973 et se constitue de deux sociétés fiduciaires du Tessin, « Cofigen Sa » basée à Lugano (liée au financier Tito Tettamanzi, personnalité poche de la maçonnerie et de l’Opus Dei) et « Eti A.G.Holding » établie à Chiasso (administrée par un financier d’extrême droite, Ercole Doninelli, lui-même propriétaire d’une autre société, « Fi.Mo », plusieurs fois accusée de recyclage d’argent sale et de liens avec des narco-trafiquants colombiens).

4) En 1974 est fondée la société « Immobilare San Martino », administrée par Marcello Dell’Utri et dont le capital provient de deux sociétés fiduciaires du groupe BNL : « Servizio Italia » (dirigé par un membre de la loge P2, Gianfranco Graziadei) et « SAF » (Società Azionaria Finanziaria, représenté par un prête-nom tchécoslovaque, Frederick Pollack, né en 1887, rien de moins!). En utilisant différents mécanismes, une multitude de sociétés liées à Silvio Berlusconi et ses proches est « filialisée ». A commencer par les 34 « Holding Italiana », qui contrôlent le groupe Fininvest. Selon Francesco Giuffrida, un des dirigeants de la Banque d’Italie, et Giuseppe Ciuro, sous-officier de la Guardia delle Finanze et expert auprès du Procureur de Palerme lors du procès contre Marcello Dell’Utri pour participation extérieure à une association mafieuse, dans ces sociétés financières ont transité entre 1978 et 1985 au moins 113 milliards de lires de l’époque (soit près de 250 millions d’euro d’aujourd’hui), en partie en liquide et sous forme de chèques « masqués », dont jusqu’à aujourd’hui « on ignore la provenance ». Le Procurateur de Palerme estime qu’il s’agit de capitaux d’origine mafieuse investis dans le Biscione (Fininvest) par les réseaux liés au « boss » Stefano Bontate. La défense prétend qu’il s’agit d’autofinancements, sans expliquer d’où proviennent toutes ses liquidités. L’expert désigné par Silvio Berlusconi, le professeur Paolo Jovenitti, reconnaît lui-même qu’il y a là une « anomalie » et que certaines opérations effectuées demeurent incompréhensibles.

5) En 1973, Silvio Berlusconi achète à Annamaria Casati Stampa di Soncino, une mineure de douze ans, héritière d’une célèbre famille de la noblesse lombarde et orpheline depuis 1970, la Villa San Martino datant du XVIème siècle à Arcore. Cette acquisition comprend des peintures d’auteurs, un parc aménagé d’un million de mètres carrés, des terrains de tennis, un manège d’équitation, des écuries, deux piscines et des centaines d’hectares de terrain. Melle Casati est assistée par un tuteur, l’avocat Cesare Previti, qui se trouve être à la fois l’ami de Silvio Berlusconi, le fils d’un de ses prête-noms (Umberto) et dirigeant d’une des sociétés de son groupe (la société immobilière Idra). Grâce une coïncidence purement fortuite, la fabuleuse villa et tous ses attributs sont acquis pour environ 500 millions de lires de l’époque, un prix dérisoire. Et cette somme n’a pas été versée en argent sonnant et trébuchant mais a été réglée sous forme d’actions de sociétés immobilières non cotées en bourse. Ainsi lorsque la jeune fille décide de s’installer au Brésil et tente de convertir ses titres en liquidités, elle se retrouve avec une brouette de papiers. MM. Previti et Berlusconi lui proposent alors de racheter les actions mais pour la moitié du montant initialement convenu. Un arrêt du Tribunal de Rome, rendu en 2000, a innocenté les auteurs du livre  » Gli affari del presidente » qui racontait cet épisode embarrassant.

6) En 1973, Silvio Berlusconi, par l’intermédiaire de Marcello Dell’Utri, engage à son service un célèbre criminel palermitain, Vittorio Mangano, plusieurs fois arrêté et plusieurs fois condamné, en tant que factotum (mais récemment Dell’Ultri l’a promu « Administrateur de la Villa »). Celui-ci quittera la Villa d’Arcore seulement deux années plus tard, lorsqu’il sera suspecté d’avoir organisé l’enlèvement de Luigi d’Angerio Prince de Sant’Agata, intervenu après un dîner avec Berlusconi, Dell’Utri et ce même Mangano dans la Villa. Mangano sera par la suite condamné pour trafic de stupéfiants (lors du « maxi-procès » instruit par les juges Falcone et Borsellino) puis, en 1998, à la perpétuité pour homicide et activités mafieuses.

7) Le 26 janvier 1978 Silvio Berlusconi s’inscrit à la Loge « Propagande 2 » (loge P2) et est présenté au Grand Maître Licio Gelli par son ami journaliste Roberto Gervaso. Il règle les frais d’inscription normaux (100.000 lires) et est enregistré avec la carte n�1816, code E.19.78, groupe 17, fascicule 0625. Sa participation à la loge lui procurera des avantages en tous genres : allant du financement de la société « Servizio d’Italia » par Graziadei jusqu’aux crédits obtenus facilement et de manière injustifiée de la Banque Monte dei Paschi di Siena (dont un autre membre de la loge P2, Giovanni Cresti est le provveditore), en passant par sa collaboration avec le « Corriere della Sera » alors dirigé par un autre membre de la loge P2, Franco Di Bella, et contrôlé par la société Rizzoli appartenant à Angelo Rizzoli, Bruno Tassan Din et Umberto Ortolani, eux aussi membres de la loge P2.

8) Le 24 octobre 1979 Silvio Berlusconi reçoit la visite de trois officiers de la Guardia di Finanza (Inspection des Finances) au siège d’Edilnord Cantieri Residenziali. Il se présente alors comme « un simple conseiller extérieur » chargé de « la préparation du projet Milano 2 ». En réalité il est le propriétaire unique de la société, officiellement au nom d’Umberto Previti. Mais les officiers ne pipent pas mot. Ils arrêtent leur enquête en toute hâte et ce, malgré le fait qu’ils aient été confrontés à plus d’une anomalie dans les liens entre la société et de mystérieux partenaires suisses. Les trois officiers de la Guardia di Finanza, Massimo Maria Berruti, Alberto Corrado et Salvatore Gallo, feront tous une brillante carrière par la suite. Le premier, Massimo Maria Berruti, chef de patrouille, quittera quelques mois plus tard l’armée pour aller travailler à la société Fininvest comme avocat d’affaires (et sera à ce titre responsable de la gestion de sociétés étrangères, de contrats de footballeurs du Milan A.C. et d’autres choses encore). Arrêté une première fois en 1985 dans le cadre du scandale Icomec (puis déclaré innocent), Berruti retournera en prison en 1994 en compagnie du deuxième officier, Alberto Corrado, pour avoir volontairement amener l’enquête sur les pots-de-vin versés à la Guardia di Finanza sur de fausses pistes. Il deviendra par la suite député de Forza Italia avant d’être condamné en premier ressort et en appel à 8 mois de réclusion pour favoritisme. Enfin, on découvrira que le dernier officier, Salvatore Gallo, était, quant à lui, inscrit à la loge P2.

9) Le 30 mai 1983, la Guardia di Finanza de Milan, qui procède à des écoutes sur les lignes téléphoniques de Silvio Berlusconi dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogue, rédige un rapport dans lequel on peut lire : « Il est à signaler que le bien connu Silvio Berlusconi financerait un intense trafic de stupéfiants en provenance de la Sicile et destiné tant à la France qu’à d’autres régions d’Italie (Lombardie et Latium). Le susdit serait au centre d’une importante opération spéculative sur la Côte Esmaralda en utilisant des sociétés-écrans ayant, dans la pluspart des cas, leur siège à Vaduz et toujours à l’étranger. Du point de vue opérationnel, les sociétés en question laissaient une grande marge de manoeuvre aux professionnels locaux ». L’enquête traîne alors pendant huit ans, initialement sous la direction du procureur Giorgio Della Lucia (lequel passé ensuite au service d’instruction, est depuis des années accusé de corruption dans le cadre d’actes judiciaires en compagnie du financier Filippo Alberto Rapisarda, ancien employeur et ancien associé de Marcello Dell’Utri), et en arrive à être pratiquement oubliée. En fin de compte l’ensemble du dossier est envoyé aux archives à l’initiative du doyen des juges d’instruction de Milan, Anna Cappelli.

10) La troisième rencontre facheuse entre le Cavaliere et la Loi remonte au 16 octobre 1984. Trois magistrats de Turin, Rome et Pescara ont la prétention de faire appliquer les règles qui régissent la diffusion télévisée et que Berlusconi a décidé de contourner en diffusant en même temps des programmes identiques sur l’ensemble du territoire national. Les trois magistrats rappellent que ceci est interdit et bloquent l’utilisation des appareils permettant cette opération illégale. Silvio Berlusconi décide alors d’arrêter l’ensemble des émissions en faisant attribuer la responsabilité de ce black out aux juges. Il lance ensuite une campagne de téléspectateurs sous le slogan « Il est interdit d’interdire », opportunément relayée par un autre journaliste membre de la loge P2, Maurizio Costanzo. Le slogan se transforme alors en loi grâce à l’intervention providentielle du Président du Conseil, Bettino Craxi. Celui abandonne une visite d’Etat à Londres et rentre précipitamment en Italie pour faire adopter un décret-loi ad-personam (le « décret Berlusconi ») qui permet de relancer immédiatement les activités télévisées illégales de son compère. Le scandale est tellement énorme, qu’à l’intérieur même de la majorité, certains se rebiffent. Et le décret est rejeté à la Chambre pour inconstitutionnalité. Deux des trois magistrats renouvellent alors la mise sous séquestre pour motif pénal des appareils de transmission utilisable uniquement dans un cadre local. Craxi présente alors un deuxième décret Berlusconi et agite face à ses alliés récalcitrants une menace de crise gouvernementale et d’élections anticipées si le texte n’est pas traduit en loi. Il reviendra ensuite au même triumvirat Craxi-Andreotti-Forlani à légaliser le monopole illégal de Fininvest en matière de télévisions privées par le biais de la loi Mammì, appelée également « Loi Polaroïd » pour sa manière quasi-photographique de maintenir le statu quo.

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TOUS LES PROCES DE BERLUSCONI

Mensonges sur la « Loge P2 » (faux témoignage)

La Cour d’appel de Venise déclarait en 1990 Berlusconi coupable de fausses déclarations sous serment devant le tribunal de Vérone à propos de sa participation à la « loge P2 ». Mais ce délit est couvert par l’amnistie de 1989. Interrogé sous serment Berlusconi avait affirmé: « Je ne me rappelle pas la date exacte de mon inscription à la loge P2, je me rappelle cependant qu’elle est de peu antérieur au scandale (…). Je n’ai jamais payé les frais d’inscription, et ceux-ci ne m’ont jamais été réclamés« . Berlusconi s’est en fait inscrit à la loge P2 en 1978 (le scandale a éclaté en 1981) et avait payé les frais d’inscription. Les juges de la Cour d’appel de Venise énonçaient: « Le collège estime que les déclarations de l’accusé ne correspondent pas à la vérité (…), elles sont démenties par les résultats de l’enquête de la commission Anselmi et des déclarations du prévenu lui-même devant le juge d’instruction de Milan, déclarations jamais contestées par la suite (…). Il en ressort donc que M. Berlusconi a fait de fausses déclarations », a fournit des « déclarations mensongères » et qui « comportent l’ensemble des éléments objectifs et subjectifs constitutifs du délit de faux témoignage ». Mais « les effets de l’amnistie annulent les conséquences du délit ».

« Tangenti » versés à la Guardia di Finanza (Inspection des Finances) (corruption)

Ier ressort : condamnation à deux ans et neuf mois pour les quatre actes de corruption (tengenti) en cause (aucune circonstance atténuante).

Appel : prescription pour trois des actes de corruption (grâce à la reconnaissance de « circonstances atténuantes génériques« ), absolution avec formule de doutes (�II art.530 ccv) pour le quatrième. Parmi les motifs on peut lire « le jugement de culpabilité de l’accusé pèse sur de multiples éléments d’indice, certains, univoques, précis et concordants, et pour ces raisons dotés d’une force de persuasion permettant de leur donner valeur de preuve »

Cassation: absolution. L’exposé des motifs comporte deux références à la traditionnelle insuffisance de preuves. La Cour de Cassation ne peut rentrer dans le fonds du dossier ni annuler la sentence précédente exprimant des doutes. Elle se doit d’émettre un verdict clair (confirmer ou annuler le jugement précédent). Mais, dans leur exposé des motifs, les juges de la VIème section pénale citent explicitement l’article 530 cpv (« preuves contradictoires et insuffisantes »). A douze lignes de la fin, pour éviter toute équivoque, les juges suprêmes ont voulu être encore plus clairs. On y lit en effet:  » Compte tenu de l’insuffisance de preuves déjà observée à l’encontre de Silvio Berlusconi, des éléments d’indices utilisés par la Cour d’appel… ».

All Iberian 1 (financement illégal de partis politiques)

Ier ressort: condamnation à 2 ans et 4 mois pour des versements de l’étranger et vers l’étranger d’un montant de 21 milliards de lires, effectués par le biais du compte All Iberian au bénéfice de Bettino Craxi.

Appel: le délit tombe pour prescription, mais il est indiqué que « pour aucun des accusés, il n’émerge des faits l’évidence de l’innocence ».

Cassation: la prescription est confirmée avec condamnation au paiement des frais de procédure. Dans la sentence définitive on peut lire « Les opérations sociétaires et financières préalables à des versements de l’étranger et vers l’étranger, du compte bancaire dont All Iberian est titulaire vers le compte de transit Northern Holding (Craxi), furent réalisées depuis l’Italie par les dirigeants du groupe Fininvest Spa, avec le concours important de Silvio Berlusconi, propriétaire et président de la société (…) Il n’apparaît pas dans les actes du procès que celui-ci est étranger à l’affaire ».

All Iberian 2 (faux bilan)

Le procès est suspendu dans l’attente du jugement de la Haute Cour de Justice européenne et de la Cour constitutionnelle italienne sur la légitimité des nouvelles normes en matière de criminalité financière approuvées par le gouvernement Berlusconi. Si les exceptions soulevées par différents tribunaux sont repoussées, le délit sera considéré comme prescrit.

Medusa Cinema (faux bilan)

Ier ressort: condamnation à un an et 4 mois (10 milliards d’argent noir qui, par le biais d’opérations d’acquisition se retrouvent placés un ensemble de livrets au porteur en possession de Silvio Berlusconi).

Appel: absolution avec formule de doutes (�2 art. 530). Selon le collège des juges, Silvio Berlusconi est tellement riche qu’il pourrait ne pas s’être rendu compte qu’au cours de l’opération, son collaborateur Carlo Bernasconi (condamné) lui a versé 10 milliards de lires au noir. Les juges écrivent: « La multitude des livrets se rapportant à la famille Berlusconi et la dimension notoirement importante du patrimoine de Silvio Berlusconi permettent de penser qu’il n’a pas eu la possibilité de connaître tant l’augmentation de son capital que l’origine de celle-ci ».

Cassation: la sentence d’appel est confirmée.

Terrains de Macherio (appropriation indue, fraude fiscale, faux bilan)

Ier ressort: absolution pour les délits d’appropriation indue et de fraude fiscale (en raison du versement au noir d’une somme de 4.400 millions de lires à l’ancien propriétaire de terrains entourant la Villa di Macherio, où vivent la deuxième femme de Berlusconi, Veronica, et ses trois enfants), prescription pour les faux bilans de deux sociétés auxquels « indubitativement Silvio Berlusconi a participé ».

Appel: confirmation de l’absolution pour les deux premières accusations. Absolution également pour un des deux faux bilans, tandis que le second est couvert par une amnistie.

Cassation: en cours.

Cas Lentini (faux bilan)

Ier ressort: le délit (une somme de 10 milliards versée au noir au club de football Torino Calcio lors de l’achat du joueur Luigi Lentini) a été déclaré couverte par la prescription grâce à la nouvelle loi sur les faux bilans.

Appel: en cours.

Comptes consolidés du groupe Fininvest (faux bilan)

Le juge d’instruction Fabio Paparella a déclaré prescrit, sur la base de la nouvelle loi sur les faux bilans, les opérations d’un montant de 1.500 milliards de lires de présumé argent noir placé par le groupe Berlusconi sur 64 sociétés off-shore de la galaxie All Iberian (« deuxième compartiment de la société Fininvest »). Le procureur Francesco Greco a présenté un recours en cassation pour absence de fixation de l’audience préliminaire, ce qui l’a empêché de soulever une exception d’inconstitutionnalité et d’incompatibilité avec les directives communautaires sur la criminalité financière et avec le traité de l’OCDE..

Loi Mondadori (corruption dans le cadre d’une procédure judiciaire).

Grâce à la reconnaissance de « circonstances atténuantes génériques » le délit (qui en premier ressort a amené la condamnation de Cesare Previti) a été déclaré prescrit par la Cour d’Appel de Milan et par la Cour de Cassation. Dans l’exposé des motifs de la Cour de Cassation, on peut lire: « les faits pertinents [pour la reconnaissance de « circonstances atténuantes génériques »] concernant les conditions de vie sociale et individuelle du sujet [Berlusconi est alors devenu Président du Conseil], qui sont considérés par la Cour d’appel comme un élément décisif, n’apparaissent nullement incongrus � ».

Sme-Ariosto (corruption dans le cadre d’une procédure judiciaire)

En raison des « empêchements institutionnels » continues soulevés par Berlusconi et des renvois successifs des audiences, le cas du Président du Conseil a été mis à l’écart du procès principal. Et un deuxième procès parallèle s’est mis en place. En faisant approuver en un temps record la Loi Maccanico, Berlusconi a cependant suspendu ce procès jusqu’à la fin de son mandat (ou sine die en cas de réélection ou de nomination à une autre charge institutionnelle) et ce, juste à la veille du réquisitoire, des plaidoiries et de la sentence et 40 mois après l’ouverture des débats.

Sme-Ariosto (faux bilan)

Suite à l’entrée en vigueur des nouvelles normes en matière de droit des sociétés, ce chef d’accusation à l’égard de Berlusconi pour les sommes versées à certains juges (selon l’accusation) a été écarté. Le procès est arrêté dans l’attente du jugement de la Haute Cour de Justice européenne sur la conformité entre les nouvelles règles et la réglementation communautaire. Mais, même en cas de réponse positive des juges, le procès restera bloqué par la Loi Maccanico. Comme toutes les autres procédures encore en cours à l’encontre de Silvio Berlusconi.

Droits télévisés (faux bilan -?- et fraude fiscale)

Des enquêtes préliminaires sont actuellement menées à Milan par les procureurs Alfredo Robledo et Fabio De Pasquale, à l’encontre de nombreux managers du groupe, du président de Mediaset, Fedele Confalonieri et de son propriétaire Silvio Berlusconi, qui selon l’accusation, aurait continué, même après son entrée en politique en 1994, a exercé de facto la direction de l’entreprise.. L’objet de l’enquête : une série d’opérations financières d’acquisition de droits cinématographiques et de télévision de majors américaines. Ces opérations tourbillonnantes entre différentes sociétés du groupe de Berlusconi auraient eu pour résultat de gonfler artificiellement le prix des biens acquis et de bénéficier des réductions fiscales de la loi Tremonti, approuvée par le premier gouvernement Berlusconi pour détaxer les bénéfices réinvestis des entreprises. Le faux bilan présumé est évalué par les magistrats à environ 180 millions d’euro en 1994.

Telecinco (violation des lois antitrust et fraude fiscale en Espagne)

Le juge anti-corruption de Madrid, Baltasàr Garzòn Real, qui a demandé en 2001 au gouvernement italien d’initier un procès à l’encontre de Berlusconi ou, alternativement, de le priver de son immunité pour permettre qu’il soit juger en Espagne, n’a pas encore reçu de réponse. Pour cette raison, le procureur anti-corruption Carlo Castresana a, en mai 2002, prié Garzòn de s’adresser à nouveau aux autorités italiennes. En Espagne Berlusconi est accusé, avec Marcello Dell’Utri et d’autres dirigeants du groupe Fininvest, d’avoir pris le contrôle, grâce à une série de prête-noms et d’opérations financières illicites, de la presque totalité de la chaîne Telecinco, en dépassement des limites imposées par l’Autorité de la concurrence espagnole, le plafond étant alors fixé à 25% des actions cotées.

Mafia (participation extérieure à une association mafieuse et recyclage d’argent sale)

L’enquête a été classée à Palerme à la demande du Ministère public pour dépassement des délais d’enquête.

Bombes de 1992 et de 1993 (participation à un attentat)

Les enquêtes des Procureurs de Florence et de Caltanissetta les présumés « commanditaires cachés » des attentats de 1992 (contre les juges Falcone et Borsellino) et de 1993 (à Milan, Florence et Rome) ont été classés pour dépassement des délais d’enquête. A Florence, le 14 novembre 1998, le juge d’instruction, Giuseppe Soresina, a pourtant relevé combien Berlusconi et Dell’Utri ont « entretenu des rapports loin d’être épisodiques avec des individus criminels liés au programme des attentats ». C’est à dire avec le clan de Corleone qui dirige Cosa Nostra depuis vingt ans, avec des centaines d’homicides et une demi-douzaine d’attentats à son actif. Le juge florentin ajoute qu’il existe « une convergence objective entre les intérêts politiques de Cosa Nostra et certaines parties du programme de la nouvelle formation [Forza Italia]: article 41 bis, législation sur les repentis, rétablissement des garanties de justices volontairement négligées par la législation du début des années 1990 ». Par la suite il ajoute même qu’au cours de l’enquête « l’hypothèse initiale [d’une implication de Berlusconi et Dell’Utri dans les attentats] n’a pu être écartée et est même apparu encore plus plausible ». Mais, il faut constater qu’est arrivé à échéance « le délai maximum des enquêtes préliminaires » avant de pouvoir recueillir des éléments ultérieurs.

Le juge d’instruction de Caltanissetta, Giovanni Battista Tona, écrit : « Les actes du dossier ont amplement démontré la permanence de différentes possibilités de contacts entre les hommes appartenant à Cosa Nostra et des représentants et des sociétés contrôlées de différentes manières par les accusés [Berlusconi e Dell’Utri]. En soit, ceci légitime l’hypothèse que, compte tenu du prestige de Berlusconi et de Dell’Utri, ceux-ci ont pu être identifiés par les hommes de l’organisation comme d’éventuels nouveaux interlocuteurs ». Mais « le caractère friable de cet ensemble d’indices impose le classement ».

Enfin, il y a la sentence de la Cour d’assise de Caltanissetta, qui le 23 juin 2001 a condamné en appel 37 boss mafieux pour l’attentat de Capaci. Au chapitre explicitement intitulé « Les contacts entre Salvatore Riina et les députés Dell’Utri et Berlusconi », on peut lire qu’il est prouvé que la mafia a entretenu avec les deux parlementaires « un rapport fructueux, au moins d’un point de vue économique ». A tel point fructueux qu’en 1992, « le projet politique de Cosa Nostra en matière institutionnelle visait à mettre en place de nouveaux équilibres et de nouvelles alliances avec les nouvelles personnes de référence dans le monde politique et de l’économie ». C’est à dire à « tenter d’impliquer l’Etat dans la man�uvre et à permettre un renouvellement politique qui, par le biais de nouvelles relations, assure comme par le passé les complicités dont Cosa Nostra avait bénéficié ».

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TOUT CE QUE JE PENSE DE BERLUSCONI

Par Umberto Bossi, Ministre des réformes institutionnelles du gouvernement Berlusconi

Silvio Berlusconi était le porte-valise de Bettino Craxi. C’est une branche de l’ancien régime. Et le plus efficace pour recycler les traîne-savates du « pentapartito » (la coalition gouvernementale formée par Bettino Craxi). Alors que la Lega faisait chuter l’ancien système, lui vivait dans un monde de rêve, avec ses perruques et son sourire retouché. Il s’agit d’une vulgaire boite vide. Mais vous ne l’avez pas vu aujourd’hui (sur les affiches), recouvert de pommade au milieu des nuages bleutés ?

Berlusconi, c’est du recuit.C’est un pauvre bougre, un traître à la cause du Nord, un lèche-bottes de l’Ulivo, qui suit même les man�uvres de Franceschiello derrière le caporal D’Alema et sa trompette. Moi, j’ai la mémoire longue. Mais qui est Berlusconi ? Son « Pôle » est mort et enterré et la Lega ne va pas avec les morts. Les négociations entre la Lega et Forza Italia sont une pure invention de sa part, le pauvre. Le parti de Berlusconi, nouvelle version du triumvirat Craxi-Andreotti-Forlani, ne parviendra jamais à un accord avec la Lega. C’est un beefsteack et la Lega, le presse-viande.

Berlusconi a toutes les caractéristiques d’un dictateur. C’est un Kaiser en blazer. C’est un petit tyran, que dis-je, c’est le clown blanc du théâtre politique. Un Peròn de bas étage. Il est bien pire que Pinochet. Il a quelques chose qui tient du nazi, du mafieux. Ce membre de la loge P2 a tout du renard perfide prêt à faire la razzia dans le poulailler.

Berlusconi est l’homme de la mafia. C’est un palermitain qui parle en dialecte milanais, un palermitain né au mauvais endroit et en mission pour arnaquer le Nord. La société Fininvest est le fruit de Cosa Nostra. Il y a des différences entre nous et Berlusconi : lui, malheureusement, c’est un mafieux. Le problème c’est que parmi les membres de la Lega, il y a ceux qui savent déjà que c’est un mafieux et ceux qui ne le savent pas encore. Mais le Nord le mettra à la porte, Berlusconi, on s’en fout. D’où vient son argent ? Des finances de la mafia ? Il y a cent milles jeunes du Nord qui sont morts à cause de la drogue. Berlusconi m’a personnellement affirmé que ses fonds venaient de la Banque Rasini, fondée par un certain Giuseppe Azzaretto, originaire de Palerme et que par la suite il est parvenu à s’approprier toute la caisse. Dans cette même banque travaillait aussi le père de Silvio et il y avait là de nombreux comptes des dirigeants de Cosa Nostra.

Il faudrait connaître ses origines, son histoire. Gelli lança le projet Italia et il y avait là, dans la loge P2, le bon Monsieur Berlusconi. Puis les Holdings virent le jour. Comment la magistrature pourra-t-elle faire son devoir et aller voir d’où vient tout ce fric ? Elle doit se rappeler que, tout ce fric, la mafia l’obtient de la drogue et que, dans le Nord, de la drogue sont morts des dizaines de milliers de gamins qui désormais crient sous terre. S’il veut comprendre l’histoire de la chute de son gouvernement, qu’il vienne me voir, je vais la lui expliquer : c’est moi qui ai mis fin au parti des mafieux. Lui, il achetait nos députés et, moi, je l’ai abattu.

Ce vilain mafieux gagne son argent avec la vente de l’héroïne et de la cocaïne. Le mafieux d’Arcore veut amener au Nord le fascisme et le meridionalisme. Discuter de répartition des sièges ne suffit pas : je propose une commission d’enquête sur l’enrichissement de Berlusconi. Chez Forza Italia il y a collusion entre la politique et le monde criminel et l’industrie du blanchiment de l’argent sale. L’homme de Cosa Nostra, avec Fininvest, possède quelques choses comme 38 Holding, dont 16 de manière occulte. Elles sont l’émanation d’une banque de Palerme à Milan, la banque Rasini, la banque de Cosa Nostra à Milan.

Forza Italia a été créé par Marcello Dell’Utri. Vous voyez, les intérêts réels souvent n’apparaissent pas. A la télévision, on voit des visages souriants qui te racontent des histoires, qui semblent des gens biens. Mais, attention, la mafia n’a pas de limites. La mafia, les intérêts de la mafia, c’est la drogue et la drogue, elle a tué des milliers et des milliers de jeunes, surtout au Nord. Palerme a pris le contrôle de la télévision, et est en mesure d’entrer dans les maisons des braves citoyens du Nord trop crédules.

Berlusconi a fait tout ce qu’il a voulu avec les télévisions, même avec celles régionales, même avec la loi Mammì. Beaucoup de fortunes sont honteuses, parce qu’elles trouvent leur origine dans la mort de dizaines de milliers de personnes. Il n’est pas vrai que l’argent n’a pas d’odeur. Il y a, d’un côté, l’argent qui sent la sueur et, de l’autre, celui qui a l’odeur de la mafia. Et s’il n’y avait pas ce pouvoir, le Pole serait dissout en quelques heures.

Rencontrer à nouveau Berlusconi à Arcore ? C’est exclu, il n’y aura plus d’accords avec le Pole. Il y a trois ans, ils ont cru nous jeter un sort. Le magicien Berlusconi nous a alors dit : « qui sort du cercle magique, c’est à dire de mon gouvernement, meurt ». On est sorti et on a renvoyé son maléfice au sorcier. Il n’y a aucun sortilège qui puisse nous faire revenir dans le cercle du berlusconisme. Avec ces gens-là, il n’y a pas d’accord politique possible : c’est le parti où milite Dell’Utri, accusé d’activités mafieuses.

La « Padania » demande à Berlusconi s’il est membre de la mafia ? Mais elle l’a fait avec trop de légèreté ! Elle devait aller jusqu’au bout avec cette charogne liée à Craxi.

Face à Berlusconi, je serai le gardien du tricheur. Nous nous trouvons dans une situation dangereuse pour la démocratie s’il retourne à Palazzi Chigi. C’est la victoire d’un parti qui n’existe pas, la victoire d’un seul homme, un technocrate, un autocrate. Moi, je dis ce que je pense; lui, il fait ce qui lui permet de passer à la caisse. Il traite l’Etat comme une société par actions. Mais qui pense-t-il donc être ? Nembo Kid ?

Vous croyez vraiment que quelqu’un qui possède 140 entreprises peut servir les intérêts des citoyens ? Quand celui-ci se plaint, marrez-vous. Cela signifie que tout va bien, qu’il n’est pas encore arrivé à mettre la main sur la caisse.

Il faudrait que Berlusconi-Berluscosa-Berluskaz-Berluskaiser arrive à se mettre dans la tête qu’avec les gens de Bergame, moi, j’ai fait un pacte de sang. Il n’y a pas de villa, pas de cadeau, pas de man�uvre sentimentale qui puisse me faire dévier de ma route. Berlusconi doit comprendre chez nous les gens sont prêts à l’envoyer paître. Il suffira de deux secondes avant qu’il soit obligé de s’enfuir la nuit. S’ils voient qu’il leur à raconter des histoires, ils encercleront sa villa et ses jardins à l’anglaise et enverront tout dans le décor.

La Présidence du Conseil de Berlusconi a été une tragédie.

Quand la démocratie est en jeu, il pourrait venir à l’idée à certains de lui faire sauter ses installations de diffusion. Parce qu’avec ses télévisions, il fait un véritable lavage de cerveau aux gens, avec les même trucs qu’un vendeur de produits détachants. Ses télévisions portent atteinte à la Constitution. Il faut les lui enlever. Nous nous trouvons dans une situation inconstitutionnelle gravissime, de république bananière. Un homme s’est fait donner par l’Etat une concession sur des fréquences télé afin d’aliéner les gens et orienter leur vote. Il est temps de mettre fin à cette honte. Si vous votez pour lui, il vous prendra jusqu’aux poteaux électriques.

Si Berlusconi chute, c’est l’ensemble du Pole qui chute, et au Nord, c’est la Lega qui récupère le tout. Mais ils ne le feront pas chuter. Parce que, même si c’est un fils de pute, c’est leur fils de pute, et pour cette raison ils le maintiennent en place.

Mais le minable d’Arcore sent bien que les histoires de Forza Italia et du Pole, le parti des américains vont le foutre en l’air. Un maçon, un type de la loge P2, le gars d’Acore, c’est toujours une affaire de « Cosa sua » ( d’intérêts personnels ) ou de « Cosa nostra ». Mais, attention, Berlusconi ! Ni la mafia, ni la loge P2, ni l’Amérique ne réussiront à détruire notre société. Et, lui, à la fin, trouvera sa petite place en enfer. Parce que même au Purgatoire on ne voudra pas de lui. Parce que c’est Berlusconi qui devra disparaître de la circulation, pas la Lega. Ce n’est pas nous qui sommes en conflit avec Berlusconi, c’est l’Histoire qui est en conflit avec lui.

(Les phrases contenues dans ce texte ont toutes étaient prononcées par Umberto Bossi entre 1994 et 1999, c’est à dire lors de la crise du premier gouvernement Berlusconi, après la rupture de l’alliance entre Bossi et Berlusconi en décembre 1994 et avant leur réconciliation à la fin de l’année 1999. Les dates exactes de ces déclarations, tirées de quotidiens et de dépêches d’agences de presse, sont les suivantes : 1,7,9,10,13 mars 1994; 5 avril 1994;4, 11,23,31 mai 1994; 1,12,17 juin 1994; 29 juillet 1994; 6,8,13 août 1994; 1 septembre 1994; 6,20,23 décembre 1994; 14 janvier 1995; 22 mars 1995; 13 avril 1995; 10 juin 1995; 29 juillet 1995; 25 janvier 1996; 14,19,25 août 1997; 18 juin 1998; 22 juillet 1998; 13 septembre 1998; 3, 27 octobre 1998; 24 février 1999; 13 avril 1999; 10 septembre 1999; 19 octobre 1999)

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De San Luca à Duisburg, la faida et la ‘Ndrangheta

mafia Le 15 août 2007, jour de l’Assomption, six ressortissants italiens originaires de Calabre ont été « exécutés » lors d’un guet-apens qui leur a été tendu un peu avant 2 h 30 du matin, sur le parking de la pizzeria « Da Bruno » à Duisburg, en Allemagne. Les six victimes, âgées de 16 à 39 ans, ont été ont été criblées de balles dans leurs véhicules. Elles n’étaient pas armées et chacune d’entre-elle a reçu un coup de grâce en pleine tête. Quelque 71 douilles, tirées par deux pistolets mitrailleurs de type Uzi, ont été retrouvées sur place par les enquêteurs. Les impacts de balles très centrés témoignent du professionnalisme des tueurs. Il s’agit des six derniers morts occasionnés par la faida de San Luca.

La faida de San Luca

Une faida est une succession de crimes basés sur la vengeance (la vendetta) auxquels se livrent, sur le long terme, deux familles rivales. Une faida débute par un affront (uno sgarro) fait à une personne. La famille de celle-ci se sent alors contrainte de laver l’offense par le sang versé. Les meurtres s’enchaînent ensuite. En Calabre, ce sont les femmes, gardiennes de la mémoire des morts, qui perpétuent la faida. Ce sont celles de la famille offensée qui poussent les hommes à tuer.

La faida ne concerne pas que les familles mafieuses. Cependant, à San Luca, celle-ci se double d’un affrontement entre familles mafieuses. D’un côté, la ‘ndrina2 des Pelle-Romeo-Vottari, de l’autre celle des Nirta-Strangio. La famille Strangio est divisée en trois branches. L’une est alliée au clan Nirta-Strangio ; la deuxième est proche des familles Pelle-Romeo-Vottari ; la troisième branche est totalement hors de la mafia. Les deux camps disposent de chacun d’une centaine d’hommes, de nombreuses parentés, ainsi que de différents complices. Environ 140 personnes sont en mesure faire usage d’armes à feu.
En 1991, au cours du carnaval de la Saint Valentin, un banal jet d’œuf tourne au sgarro, le fameux « affront ». En représaille, la ‘ndrina Pelle-Romeo-Vottari assassine Francesco Strangio et Domenico Nirta. Un arrangement honorable pour tous est trouvé. Antonio Vottari a tué parce qu’il avait été provoqué et sa vie sera sauve à condition de quitter San Luca à jamais. Antonio Vottari pensait s’affranchir de cette interdiction de territoire. Il est assassiné le 25 juillet 1992. Un membre de chaque famille de la ‘ndrina Nirta-Stangio pu lui mettre une balle dans la tête : douze d’après l’autopsie.
Depuis 1991, la faida de San Luca a fait vingt morts3. Le jour de Noël 2006, un commando des Pelle-Romeo-Vottari tente d’assassiner Giovanni Luca Nirta, le chef de la ‘ndrina Nirta-Strangio. Maria Strangio 33 ans, l’épouse du chef décède. Ce dernier, son frère et son fils de cinq ans, sont tous blessés par balle. D’après les enquêteurs, en représailles du meurtre de sa femme, le « boss » Giovanni Luca Nirta a commandité le meurtre de six personnes :

  • Marco Marmo, affilié à la ‘ndrina Pelle-Romeo-Vottari, résident en Calabre est soupçonné d’être un des tueurs de Maria Strangio. Le 11 août, la police avait prévenu Marco Marmo que sa vie était en danger et qu’il ne devait pas quitter son domicile en Calabre. Il préféra partir en Allemagne afin de s’armer.
  • Sebastiano Strangio, le cuisinier de la pizzeria Da Bruno était une affilié de la ‘ndrina Pelle-Romeo-Vottari. Le restaurant a été utlisé pour une opération de blanchiment. Il est aussi une base logistique pour les armes de la ‘ndrina. Le 17 août 2007, les enquêteurs y ont retrouvé un fusil d’assaut M16 acheté récemment à un trafiquant serbe.
  • Francesco Giorgi, âgé de 16 ans, est une victime « transversale ». Il s’agit du terme officiel pour définir les parents de mafieux qui sont assassinés par les rivaux.Un de ses parents éloignés, Antonio Giorgi était lié aux Pelle-Romeo-Vottari et a été assassiné le 3 août 2007. Il fallait déjà y voir unavertissement du camps adverse
  • Tommaso Venturi, âgé 18 ans avait dans poche une image pieuse brûlée. Cela signifie qu’il venait d’être affilié à la ‘ndrine selon la cérémonie consacrée.
  • Francesco et Marco Pergola, n’avaient pas de casier judiciaire mais travaillaient au restaurant Da Bruno. Les deux frères Pergola résidaient depuis quatre ans en Allemagne. Leur père est un policier calabrais en retraite. En raison de cette filiation « infâme », il est peu probable qu’ils aient été des ‘ndranghetistes. Les enquêteurs ne savent pas encore s’ils sont impliqués dans des affaires criminelles.

Certains de ces hommes sont peut-être morts parce qu’ils travaillaient au restaurant Da Bruno. Ces emplois sont parfois une « faveur mafieuse ». La faida conduit à tuer ceux sont qui sont en rapport avec les ennemis. Les exécutions sont davantage une vendetta dans la faida de San Luca plutôt qu’un règlement de compte mafieux stricto sensu. En revanche, tout a été soigneusement étudié pour que les rivaux de la ‘ndrina Pelle-Romeo-Vottari comprennent le message.
La date du 15 août, celle de la fête de la Vierge Marie, n’a pas été choisie au hasard. Il s’agit d’une réponse à l’assassinat de Maria Strangio le jour de Noël 2006. Le lieu, hors de la Calabre, signifie : « où que vous soyez, vous n’êtes pas en sécurité si vous attentez à notre famille ». Le nombre de victimes doit amener l’autre clan à capituler. Les victimes « transversales » prouvent que toutes les personnes originaires de San Luca sont concernées. A ce titre, il a fallu que quelqu’un renseigne les tueurs. Dans une faida, il y a toujours un traître. Les meurtres à l’extérieur de la Calabre ne sont pas une nouveauté. En revanche, les tueries de cette ampleur sont, quoi que l’on puisse croire, très rares dans le monde mafieux5. Le « massacre de l’Assomption » entre peut-être dans l’histoire du crime comme est déjà présent celui de la Saint Valentin6. Cette faida nous renseigne donc sur la ‘Ndrangheta.

De la faida à la ‘Ndrangheta

mafiaLa mafia calabraise est composée de familles biologiques. Le mariage permet d’agrandir la famille. Les enfants nés du mariage établissent le lien de sang indispensable. Les ‘ndrines ont donc une cohésion plus forte que les autres mafias italiennes et sont relativement protégées du phénomène des repentis. Il est bien plus difficile de trahir une personne de sa famille. La ‘Ndrangheta est aussi un cas d’école de mafia transnationale. Une forte communauté calabraise est présente en Europe du Nord, en Australie et au Canada. Le SISDE, le service de renseignement civil italien, affirme que les ndrines à l’étranger sont pleinement autonomes par rapport à leur maison mère de Calabre. Cela constitue un avantage mais aussi un inconvénient. Cela peut entraîner des conflits entre ‘ndrines présentes sur un même territoire, comme celui de Duisbourg. L’Allemagne est une « succursale » importante de la ‘Ndrangheta. Les Italiens y constituent la deuxième communauté étrangère derrière les Turcs avec 540 000 ressortissants, dont 3 500 à Duisbourg. Des milliers de mafieux et leurs complices assurent l’approvisionnement en cocaïne de toute l’Europe. La mafia calabraise a des contacts directs avec les cartels colombiens. Ils blanchissent d’énormes capitaux. Les services de renseignement allemand (BND) ont découvert que des mafieux calabrais investissaient dans des sociétés cotées en bourse à Francfort.
D’après la Direction des enquêtes antimafias italienne (DIA), la ‘Ndrangheta serait composée de 155 ‘ndrines et de 7 000 affiliés qui générerait 3,4 % du PIB italien. Le trafic de drogue rapporterait à lui seul 22 milliards d’euros par an. En 2003, la Commission parlementaire antimafia italienne affirmait que la ‘Ndrangheta était la première mafia d’Italie. Ce fut une surprise pour le grand public. Qui pouvait penser que Cosa nostra sicilienne serait détrônée au hit parade du crime organisé ?
En réalité, la ‘Ndrangheta constitue un équilibre entre la loyauté, le contrôle du territoire et la transnationalité. De toutes les mafias italiennes, elle est la mieux armée pour faire face à la mondialisation.
Le règlement de compte de l’Assomption a eu lieu au sein de la diaspora puisqu’il s’est produit devant le restaurant italien. Cependant, l’Allemagne n’est pas la Calabre : l’omerta la loi du silence – n’y fonctionne pas. Deux personnes ont apporté leur témoignage et l’enquête progresse à grands pas. Les policiers ont déjà mis un nom sur le portrait robot établi et sur les membres du commando.
La famille Strangio-Nirta risque effectivement de le payer très cher. Nous ne sommes plus au temps de la Guerre froide où les mafias étaient des alliés objectifs du Monde libre dans la lutte contre le communisme
En quelques mois, les enquêteurs italiens ont trouvé les soldats de la ‘Ndrangheta qui avaient tué le Vice-président de la région Calabre en 20058. Ils ont
arrêté le chef mafieux et le donneur d’ordre. Seul un doute subsiste sur une complicité à un niveau supérieur. En effet, la fin de l’impunité ne signifie pas la fin des mafias italiennes, en particulier celle de la ‘Ndrangheta.


1 San Luca est une petite ville de 4 800 habitants de l’Aspromonte. Elle fait office de capitale de la mafia calabraise, la ‘Ndrangheta. Il y a encore dix ans, tous les chefs de ‘ndrina, s’y réunissaient le jour de la fête de la Madone des Montagnes. Cette pratique a été suspendue en raison des succès remportés par les forces de l’ordre.

2 Il faudrait appeler ‘ndrina – ou ‘ndrine au pluriel  en italien- la cellule de base de la ‘Ndrangheta et garder le terme de clan pour la Camorra napolitaine.

3 Après une accalmie, la faida reprit en 2006 et a fait 11 morts en huit mois.

4 Le jeune Francesco était aussi un parent de Domenico Giorgi. Ce dernier, né en 1963, émigra en Allemagne dans les années quatre-vingt. A Duisburg, il fut équarrisseur puis serveur dans une boite de nuit. En 1989, il est employé par Michele Mammoliti, le propriétaire du restaurant Da Bruno de l’époque. Au moisd’août 1989, Domenico Giorgi gagnait, 1 200 marks par mois, mais il acheta le restaurant 250 000 euros comptant à son employeur ! En 1997, il le revendit aux frères Strangio, Giovanni et Sebastiano. Le cuisinier assassiné le 15 août dernier a donc servi de prête-nom dans une affaire de blanchiment pour le compte des Pelle-Romeo-Vottari (cf. Rapport des carabiniers sur le restaurant Da Bruno, 2001).

5 Les familles mafieuses font généralement exécuter une seule personne à la fois et le corps disparait afin de ne pas attirer l’attention.

6 Le 14 février 1929, Al Capone envoie des faux policiers tuer de sang froid sept hommes de main de Georges Bugs Moran, chef d’une bande rivale d’origine irlandaise.

7 Les mafias italiennes ne bénéficient plus de l’impunité depuis le 31 janvier 1992, date à laquelle la Cour de Cassation a confirmé pour la première fois la culpabilité de plus de trois cents mafieux.

8 Cf. Note d’actualité N°19, novembre 2005, www.cf2r.org

Cosa nostra sicilienne : la succession du  » capo dei capi « 

carte cosa nostra mafiaAlain Rodier et Fabrice Rizzoli

En Sicile, la réalité dépasse la fiction. La mafia locale, Cosa nostra, dispute la suprématie de l’île au pouvoir italien. Quoiqu’en disent certains, le monde politico-économique local est largement gangrené par la mafia. La justice et les forces de sécurité font ce qu’elles peuvent, mais elles sont surclassées par la puissance financière que représente Cosa nostra. Cette richesse lui permet de corrompre de nombreux fonctionnaires et certains hommes politiques. Ce qui lui permet d’agir en impunité et d’accumuler encore plus de capitaux.

Le 11 avril 2006, Bernardo Provenzano, le chef de la mafia sicilienne, est arrêté à proximité de son village natal, Corleone, à 80 km au Sud de Palerme. Il était en fuite depuis 1963 et avait pris la tête de la Coupole, l’organe dirigeant de Cosa nostra après l’arrestation de son prédécesseur Salvatore « Toto » Riina. Riina a été condamné à la prison à vie pour sa responsabilité dans quelques 300 homicides. Provenzano ne sera jugé que pour 127 meurtres ! Il a d’ailleurs été condamné par contumace à dix fois la perpétuité. Et pourtant, il est considéré comme celui qui a choisi la « stratégie de l’immersion », c’est-à-dire d’une plus grande discrétion des activités mafieuses, en particulier, la fin des attaques dirigées contre les représentants de l’Etat. Provenzano avait prôné une « Pax mafiosa », demandant aux différentes familles de ne pas se livrer à des violences visibles. Il était aussi l’artisan d’une récolte plus souple de l’impôt mafieux. Son credo était « qu’il payent moins mais qu’ils payent tous ». Pendant toutes ces années de cavale, Provenzano n’a quitté la Sicile que très rarement, en particulier fin 2003, pour se faire soigner de la prostate dans une clinique de Marseille.

La direction « transitoire » de Cosa Nostra

Depuis son arrestation, le problème de sa succession à la tête de Cosa Nostra se pose. Selon le procureur national anti-mafia Piero Grasso, un triumvirat dirige actuellement l’organisation sicilienne : Matteo Messina Denaro, Salvatore Lo Piccolo et Dommenico Racuglia.

Matteo Messina Denaro est né le 26 avril 1962, à Castelvetrano, dans l’Ouest de la Sicile. Il contrôle la province de Trapani et entretient des liens étroits avec les cartels sud-américains. Il aurait ses entrées au Venezuela qui devient, avec le Mexique, un carrefour incontournable pour la coca colombienne. Il est associé depuis le début des années 1990 avec les familles Cuntrera et Caruana, originaires de Siculiana et établies aux Etats-Unis. Denaro a été condamné à la prison à vie pour des attentats à la bombe survenus en 1993 à Rome, à Florence et à Milan, ayant fait 10 morts. Le but de cette campagne terroriste menée par Salvatore Riina, était d’assouplir les conditions de détention des chefs de Cosa Nostra incarcérés. Depuis 1993, Denaro échappe aux forces de sécurité italiennes. Il entretenait les meilleurs rapports avec Toto Riina puis avec Provenzano et il rendait des comptes à ce dernier en lui adressant des pizzini1.

– Salvatore Lo Piccolo est né en 1943. Il contrôle la grande majorité des quartiers nord de Palerme, qui sont les plus peuplés et considérés comme des bastions historiques de la mafia. D’après la Direction des enquêtes antimafia (DIA), Lo Piccolo a étendu son influence à l’ouest de Palerme dans les villes de Carini, Cinisi et Terrasini2. Il disposerait, en outre, d’alliances solides dans les villes de Mistretta et de Tortorici comme dans une partie de Messine. Jugé comme l’homme qui a le plus d’expérience, il a toujours privilégié la diplomatie à la violence. Il a bâti sa fortune sur le trafic de cocaïne, l’extorsion de fonds et l’attribution de contrats de génie civil. Il vit dans la clandestinité depuis 1983.

Son fils Sandro, né en février 1975, aurait déjà au moins deux meurtres à son actif. A la différence de son père, bien qu’également en cavale, il serait très voyant, aimant le luxe, les femmes et la belle vie.

Les Lo Piccolo sont connus pour entretenir d’excellentes relations avec « la » Cosa Nostra, la mafia italo-américaine. Salvatore Lo Piccolo a organisé le retour en Sicile de la famille Inzerillo, qui vivait en exil aux Etats-Unis depuis la victoire des Corléonais en 1982. L’expansion des Lo Piccolo et le retour des perdants de la grande guerre des mafias a suscité de fortes tensions au sein de Cosa Nostra en Sicile. Antonino Cina, Antonino Rotolo et Franco Bonura – une triade de mafieux qui assistaient Provenzano – ont été appréhendés en juin 2006 lors d’une opération de police baptisée « Ghotta ». Ils projetaient de faire exécuter les Lo Piccolo. Ces trois proches de Provenzano étaient déjà rivaux des Lo Piccolo avant même l’arrestation de ce dernier.

Domenico Raccuglia, né le 27 octobre 1964, est le chef du mandamento de Corleone. Ce canton mafieux regroupe les communes de Corleone, Altofonte, San Giuseppe Jato et Partinico dans l’arrière pays de Palerme. Il est en fuite depuis 1996 et recherché pour meurtres, conspiration mafieuse, attaques à main armée et extorsion de fonds.

La reprise des affrontements internes

Pour le moment, la violence semble encore contenue. La « concurrence » ayant été éliminée par les forces de police qui ont incarcéré un nombre impressionnant de chefs de familles. Mais il n’est pas dit que l’avenir demeure aussi calme et certains prédisent des guerres de clans. Dans ce petit jeu, les Palermitains semblent actuellement les mieux placés parce que la mafia sicilienne, c’est Palerme ! La tentative d’assassinat de la triade proche de Provenzano envers les Lo Piccolo semble en être la démonstration.

Dès à présent, des indices laissent penser qu’une guerre interne a débuté. Ainsi, le 16 juin 2007, Nicolo Ingarao – le « régent » de la famille de Porta Nuova, un quartier de Palerme – a été assassiné par deux hommes à moto qui lui ont logé six balles dans le corps. Ingarao était un proche de la triade Bonura-Cina-Rotolo. Il semble que son assassinat ait été commandité par Salvatore Lo Piccolo. La personnalité, le rang de la victime et le fait qu’il s’agit du deuxième meurtre de type professionnel qui survient en trois jours à Palerme inquiètent les autorités.

Le rôle de la bourgeoisie mafieuse en Sicile

Il ne faut pas analyser Cosa Nostra uniquement sous son angle « militaire ». En effet, la Sicile est en proie à une
« bourgeoisie mafieuse ». Selon le sociologue Umberto Santino – considéré comme l’un des plus grands spécialistes de la mafia – le phénomène mafieux est un paradigme de la complexité socio-criminelle. « Le mot mafia définit les organisations criminelles qui agissent au sein d’un vaste réseau de relations. Ces organisations élaborent un système qui repose sur la violence et l’inégalité afin d’accumuler des capitaux et du pouvoir. Elles usent d’un code culturel et jouissent d’un relatif consensus social. Le système relationnel mafieux est composé de rapports de parenté, d’amitié, d’intérêt, de contiguïté et de complicité. Ce réseau s’affirme dans des conditions de développement comme de sous-développement économique. Ces relations composent un corps social hiérarchiquement organisé. Les catégories sociales les plus pauvres représentent le bassin de recrutement de la main-d’œuvre pour les mafias. Les sommets de l’organisation mafieuse sont capables de sceller un pactum sceleris avec les plus hautes sphères du pouvoir politique et économique, la haute société »3. Le tout forme un club privé que le sociologue palermitain qualifiede « bourgeoisie mafieuse ».

Par exemple, la ville de Corleone – qui fut popularisée par le film Le Parrain et qui dépend des compétences de Raccuglia – est actuellement aux mains des frères Lo Bue. La tante de ces derniers n’est autre que la compagne de Provenzano. Dans la plus pure des traditions mafieuses, les frères Lo Bue étaient les gardiens des terres de Giuseppe Provenzano4, le président de la région Sicile de 1996 à 2001. En 2001, à peine élu maire de Corleone, Ciccio Nicolosi, désignait l’avocat de Toto Riina  comme adjoint chargé de la culture et du tourisme.

A l’issue des élections du 28 mai 2006, Salvatore Cuffaro a conservé la présidence de la région Sicile avec 52,2% des suffrages exprimés. Cuffaro appartient à l’UDC, un parti du centre – issu de l‘ancien Démocratie chrétienne – qui fait partie de la coalition dirigée par Silvio Berlusconi. Son adversaire principal, Rita Borsellino5, obtient pour sa part 42,96% des voix. Or, Cuffaro était soupçonné par les autorités judiciaires d’entretenir des « connivences » avec Cosa nostra ! Il est d’ailleurs sous le coup de trois mises en examen, mais il semble que cela ne nuise pas à sa carrière politique. Il est de notoriété publique que de nombreux candidats sont élus avec les voix de la mafia sicilienne.

Cosa nostra est riche et prospère. Même si le projet pharaonique d’un pont reliant la Sicile à la péninsule italienne a été abandonné par l’administration Prodi, d’autres chantiers immobiliers vont se développer dans l’avenir. Les nombreux incendies criminels qui ont eu lieu cet été sur l’île semblent d’ailleurs avoir été déclenchés avec trop de coordination pour n’être que le fait d’incendiaires amateurs. Beaucoup y voient la main de Cosa Nostra qui a ainsi travaillé au profit de promoteurs immobiliers rencontrant des problèmes d’expropriation avec quelques petits propriétaires terriens. Par ailleurs, on assiste à une recrudescence des actes d’intimidation envers les commerçants siciliens. La « diplomatie » Provenzano est bien caduque. Il est donc logique de penser que la situation va perdurer, même si certains chefs d’entreprises se révoltent contre le pizzo (racket) à grands renforts de publicité.


1 Petits morceaux de papier roulés en boule contenant des messages chiffrés qu’utilisait Provenzano pour communiquer avec son organisation.

2 Rapport DIA, deuxième semestre 2006.

3 Santino (Umberto) : La mafia interprétée, Dilemmes, stéréotypes, paradigmes, Rubbettino, Soveria Manelli 1995, pp 145 ss.

4 Aucun lien de parenté avec Bernardo Provenzano.

5 La sœur du juge antimafia Paolo Borsellino assassiné par Cosa nostra, le 19 juillet 1992.

Les clans de la Camorra en recomposition

carte camorra mafiaDepuis la fin du mois d’octobre 2006, la Camorra, la mafia de la Campanie (Naples et sa région), connaît une recrudescence de violence avec douze assassinats perpétrés en deux mois. Cela porte à soixante-quinze le nombre de meurtres intervenus depuis le début de l’année. A l’image de la France – où une note des Renseignements généraux annonçait des tensions à l’occasion de l’anniversaire des émeutes d’octobre/novembre 2005 – en Italie, le rapport semestriel des services de renseignement envoyé au Parlement faisait état d’un risque de reprise des affrontements entre les différents clans. Si dans le premier cas, les prédictions se sont révélées alarmistes (mais toutes les mesures avaient été prises par les forces de police pour éviter un nouveau déchaînement de violence), dans le deuxième, elles se sont avérées justes.

Le 22 octobre, des tueurs tirent, au milieu de la foule dans le quartier de San Giovanni, à Teduccio et abattent Salvatore Attanasio (37 ans), une personne surveillée par la police. Le même jour, Antonio Invito, un chanteur de 36 ans est assassiné en raison de ses activités de vente de stupéfiants à Acerra, une ville de la grande banlieue Est.

Le 23 octobre, dans un parc au nord de la ville, Umberto Autiero, un jeune homme de 25 ans, est assassiné à son tour.

Le 26 octobre, Ciro De Falco, 42 ans, membre de haut rang du clan De Sena-Di Fiore tombe dans un guet-apens à Acerra.

Le 27 octobre, toujours au milieu de la foule, à Torre del Greco (une ville de la banlieue sud), Luigi Loffredo est abattu.

Le 28 octobre, Patricia Marino, 65 ans, issu d’une famille de la Camorra proche du clan Di Lauro est assassinée. Au nom de la guerre des clans, elle avait déjà perdu son mari, dix ans auparavant, et ses deux enfants, en juin dernier.

Le 30 octobre, une embuscade en plein centre de Naples a raison de Vincenzo Prestigiacomo, gendre d’Umberto Misso, le frère du chef de clan Giuseppe Misso (quartier de la Sanità).

Le 31 octobre, à Torre del Greco, une ville de la banlieue sud, deux repris de justice sont assassinés. L’un d’entre eux, Adriano Cirillo (37 ans) était à peine sorti de prison en raison de la grande politique de remise de peine initiée par le gouvernement Prodi. Il semble que ce meurtre soit la réponse à celui de Luigi Loffredo. Le même jour, à Sant’Antimo, Rodolfo Pacilio (36 ans) est tué très certainement en raison de son activité en tant que propriétaire d’une petite entreprise de location de jeux vidéo.

Le 8 novembre, Pasquale Russo, 41 ans, proche du clan Pianese1 est abattu par des tueurs cachés dans une ambulance volée le 1 er novembre.

Les enquêteurs ont des difficultés à savoir si ces meurtres sont le résultat d’une guerre entre clans ou au sein même d’une entité mafieuse.

Les raisons structurelles

La Camorra est une mafia constituée de clans. Elle n’a jamais réussi à se doter d’une organisation centralisée stable. Des clans
coexistent sur un même territoire, forment parfois des coalitions puis s’entredéchirent. Selon le rapport du premier semestre 2005 de la Direction des enquêtes antimafia, une centaine de clans
contrôlent en grande partie la Campanie. Il y aurait environ 7 000 Camorristes et au moins 50 000 « associés » pour une population de 5,8 millions d’habitants.

La région est divisée en six grandes zones d’influence :

  • la province du Benevento ;
  • la province d’Avellino ;
  • la province de Salerno ;
  • la province de Caserte, fief du clan des Casalesi de Casal di Prinicipe ;
  • la province de Naples : 63 communes sur 92 sont aux mains des Camorristes2 ;
  • la ville de Naples qui compte environ 3 millions d’habitants.

A Naples, l’« Alliance de Secondigliano », du nom des quartiers populaires du Nord de la ville, regroupe les clans Mallardo, Liciardi, Bochetti, Lo Russo, Contini et Di Lauro. Cependant, cette coalition n’est plus stable depuis une sanglante scission survenue dans les années 2004-2005. Les derniers meurtres en sont peut-être la conséquence, en particulier celui de Patricia Marino.

En face, un cartel fait des clans Mazarella-Misso-Sarno domine en partie le centre ville. Il avait déjà remporté une première guerre contre les clans de Secondigliano en 1998. Depuis, un pacte de non-agression avait été conclu. Cependant, il semble que le conflit se soit rallumé, surtout en raison du meurtre d’un membre
de la famille Misso.

Dans un entretien, le procureur en chef du pôle anti-Camorra n’a pas mâché ses mots : « les clans s’entretuent pour le trafic de drogue et en particulier pour celui de la cocaïne ». En vertu de la règle du contrôle de territoire qui régit tout clan mafieux, ils s’entretuent pour obtenir l’exclusivité des points de vente.

D’après une estimation de la Direction centrale du service de lutte contre la drogue dépendant du ministère de l’Intérieur, un chef qui investit un million d’euros en gagne quatre au minimum, et cela, sans même tenir compte de la coupe du produit.

Tous les clans font dans la drogue parce qu’ils disposent de trente ans d’expérience dans l’approvisionnement direct auprès des producteurs de coca (Bolivie, Pérou et Colombie) et auprès des pays tiers que sont le Venezuela, le Brésil et l’Espagne. Avec le démantèlement de la French Connection en 1974, la Cosa nostra sicilienne exporta 90% de l’héroïne aux Etats-Unis jusqu’au milieu des années quatre-vingt. A la fin des années soixante-dix, la Camorra s’engouffra dans la cocaïne. De nos jours, les clans camorristes payent le kilo de cocaïne très pure, de 3 000 à 5 000 euros ce qui est considéré comme un prix très peu élevé.

L’étude de l’âge des personnes assassinées révèle un rajeunissement de la criminalité mafieuse. A côté des vieux boss – décédés ou en prison -, une nouvelle génération de chefs aux méthodes expéditives voit le jour. En outre, d’après la déclaration du repenti Salvatore Puglia – un ancien grand trafiquant de drogue – les
principaux chefs ont changé de stratégie. Ils ne gèrent plus le trafic en première ligne, mais préfèrent encaisser un loyer mensuel entre 2 000 et 3 000 euros.

Le racket change aussi de forme. Avant, « il pizzo » était demandé trois fois par an : à Noêl, à Pâques et à l’Assomption. Désormais les clans veulent un paiement mensuel. Enfin, la frontière est de plus en plus floue entre la Camorra et la criminalité ordinaire, dans la mesure où les clans camorristes tentent de monopoliser le secteur des vols, en particulier à main armée.

La main-d’œuvre est facile à trouver avec un taux de chômage qui atteint 30% de la population napolitaine. Dans certains quartiers, les trois quarts des jeunes sont sans travail. Ces facteurs criminogènes exacerbent vraisemblablement les rivalités et expliquent en partie les meurtres actuels.

O’ Sistema, le « système »

En Calabre, le mot ‘Ndrangheta a toujours été peu utilisé par les mafieux qui préfèrent parler de « società » – la « société » – ce qui en dit long sur le caractère holistique de la mafia calabraise.

A Naples, la Camorra est en train de devenir « il sistema ». Dans cette société qui possède une plèbe unique en Europe, la pauvreté repose sur un système de lutte de tous contre tous. D’aucuns peuvent être contraints à chercher la protection des plus violents. 120 000 personnes très pauvres font face à une minorité de riches qui accumulent des patrimoines sans favoriser le développement et qui font de la politique afin que les rapports sociaux ne changent pas. Les dernières élections municipales en 2006 ont d’ailleurs démontré l’influence camorriste dans certains quartiers. Des témoignages ont fait état de votes achetés par les mafieux au prix de 50 à 70 euros le vote.

Dans les années 1990, l’antimafia avait le vent en poupe, au point que l’ex président de l’ancien Observatoire de la Camorra, Antonio Lamberti, était devenu président de la province Naples. Il avait mis fin à la pratique des parkings abusifs, une spécialité italienne. Mais, il ne put jamais abolir la pratique des vendeurs ambulants illégaux, parce que la Camorra ne le voulait pas. De même, lorsqu’il fit peindre des lignes pour les emplacements du marché, ce sont les employés communaux qui firent capoter ce projet parce que ces derniers se livraient également au commerce illégal.

A Naples comme en Sicile et en Calabre, l’envoi de l’armée ne permet pas d’endiguer le phénomène mafieux. En effet, les politiciens et les fonctionnaires, qui sont censés protéger la population de la corruption, sont souvent les premiers à demander des allocations illégales ou des faveurs illégitimes. Dans ces trois régions, les fonctionnaires sont quatre fois trop nombreux, car les politiques achètent un certain consensus via le clientélisme. En conséquence, les « combines » sont omniprésentes. Par exemple, les pêcheurs de Pozzuoli obtiennent de l’essence détaxée, mais la revendent au marché noir.

Depuis plusieurs années, sous l’influence de la Camorra, « il sistema » étend ainsi son emprise. Les mafieux se dissimulent à peine. Après avoir dérobé un camion de charcuterie, le Camorriste de Pompei, Pasquale Cirillo, publie par voie de presse l’annonce d’une « foire au saucisson ». Pendant une journée entière, des particuliers, des restaurateurs et des commerçants ambulants viennent acheter de la marchandise volée.

De même, dans le secteur de la construction, dès qu’un chantier débute, les inspecteurs de la Camorra demandent aux « O masto », les chefs de travaux, de payer la « taxe ». En cas de refus, les soldats de la Camorra tirent sur les ouvriers et alimentent ainsi la chronique judiciaire.

Ces faits ont été confirmés par le repenti Franco Albin. Il a raconté que dans les collines de Naples, à peine un chantier débutait, des coups de feu étaient tirés à fin d’intimidation. Puis, le propriétaire de l’entreprise responsable du chantier était invité au bar afin de lui expliquer que beaucoup d’« amis à nous » étaient en prison et qu’une somme s’élevant à 5% du marché public conviendrait à assurer sa protection.

Par ailleurs, il a été prouvé que le métro de Naples a été l’objet de négociations entre les habitants, les Camorristes protecteurs, les propriétaires des entreprises du bâtiment et les politiques. Les réunions avaient lieu dans les locaux des administrations et les accords étaient élaborés à l’aide des ordinateurs municipaux.

Le plus grave est le monde la santé où des immenses hôpitaux sont toujours pleins. Les pauvres y meurent et les riches vont se faire soigner dans le Nord ou en Suisse. Des enquêtes de magistrature font état d’une centaine de médecins impliqués dans un trafic de fausses ordonnances3.

Enfin, la Camorra est spécialisée dans le ramassage des ordures et dans le traitement illégal des déchets. Une partie des revenus de « l’Ecomafia » repose sur les millions que lui donne l’administration pour faire enlever les ordures. Or, les entreprises de la Camorra enterrent les déchets en pleine nature dans l’arrière-pays napolitain. Quant aux citoyens du Nord de l’Italie, qui voient les Napolitains comme des « voleurs », ils oublient un peu vite que ce sont les entreprises du Nord
qui pactisent avec les Camorristes pour se débarrasser de leurs déchets toxiques en les enterrant ou en les brûlant.

Plus inquiétant, la relève de l’élite napolitaine semble avoir déjà pris des contacts avec la pègre. Des élèves du lycée le plus huppé de Naples ont conclu un pacte avec des petits caïds qui veulent entrer dans les boîtes de nuits branchées. Le jeune de bonne famille y fait entrer le caïd qui, en échange, passe à tabac un de ses ennemis personnels, une ex-petite amie ou encore un groupe de jeunes gens qui l’importunent. Que se passera-t-il lorsque le premier sera assis sur les bancs du conseil municipal et le second appartiendra à un clan ?


1Dont le chef Nicola Pianese avait été assassiné le 14 septembre dernier.

2Estimation de la DIA, premier semestre 2005.

3La santé est un monde clef pour les mafias : le vice-Président de la région Calabre assassiné l’année dernière était médecin, tout comme son assassin(cf.L’assassinat du vice-président de la régio calabraise : un meurtre politico-mafieux). Le Président de la région Sicile est un médecin accusé de favoriser la mafia et le chef de la mafia sicilienne, Bernardo Provenzano, était protégé – entre autres – par des médecins.

L’arrestation du chef de la mafia : une victoire à point nommé

Bernardo Provenzano, le chef incontesté de la mafia sicilienne depuis 1993, a été arrêté, le 11 avril 2006, au prix d’une longue et très complexe enquête policière basée sur le renseignement et le secret. Il semble que la vacance du pouvoir au lendemain des élections législatives ait été propice à sa capture : les complicités politiques dont il bénéficiait n’ont pu fonctionner.

Dans les années 1960, sous la coupe de Lucciano Leggio, Salvatore Riina, Calogero Bagarella et Bernardo Provenzano avaient, par la violence, pris le contrôle de la mafia de Corleone (80 km au sud de Palerme). Après une guerre sanglante au début des années 1980, le groupe des corléonais prit le commandement de la mafia sicilienne. Pour ces actes, Provenzano a été condamné par défaut à la prison à vie à plusieurs reprises. Le chef de Cosa nostra était en fuite depuis 1963. Il était notamment poursuivi dans le cadre d’un procès concernant 127 homicides. Mais son arrestation n’a pas toujours été une priorité.

En effet, dans le contexte de la Guerre froide, les mafias étaient liées à une frange de la Démocratie chrétienne, animée par Salvo Lima en Sicile et Giulio Andreotti à Rome. Leur but était de s’opposer à l’arrivée des communistes au pouvoir. Ainsi, en dépit des efforts de la magistrature, il n’y eut aucune volonté politique de lutter contre le phénomène mafieux au cours de la première République (1945-1992) (cf. Mafias italiennes et relations internationales)

Cosa nostra en immersion

L’attention de l’Etat s’est d’abord portée sur Toto Riina, qui s’était lancé dans une véritable guerre terroriste contre l’Etat de 1992 à 19931 (cf. Le terrorisme mafieux dans la crise du système politique italien). Après l’arrestation de Salvatore Riina en 1993 et face à l’offensive étatique, Provenzano proposa à son organisation la stratégie de l’enfouissement et mit en place un accord entre les nombreux mafieux emprisonnés et ceux en liberté.

En outre, il proposa sa conception de l’« entreprise mafieuse » aux politiques de la seconde République. Cette stratégie comprenait deux volets. Avec les ennemis, la mafia assurait la tactique de « connivence/extériorité ». Ainsi, pour le mafiologue de gauche, Umberto Santino, « s’il n’existe aucun rapport entre les mafieux et les coopératives rouges en Sicile, il est aussi vrai qu’aucune plainte pour racket n’a été déposée, ce qui laisse présumer que ces coopératives rouges ont pratiqué cette forme de connivence ». En revanche, avec ses alliés, la mafia organisait la « connivence/intéressement », ce qui permit de tisser des liens avec le nouveau centre-droit (Forza Italia, conduit par Silvio Berlusconi), tout juste créé pour les élections législatives de 19942 (cf. Le bras droit du président du Conseil condamné en appel).

Aux élections législatives de 2001, le centre-droit obtint la totalité des soixante et un sièges électoraux de la Sicile, ce qui n’était jamais arrivé du temps de la Démocratie chrétienne ! En 2003, des écoutes téléphoniques démontrèrent des connivences entre Cosa Nostra et le président de la région Sicile, Salvatore Cuffaro (appartenant au parti Forza Italia). D’autres procès, qui tendent à démontrer ces liens occultes, sont actuellement en cours. A titre d’exemple, le député de Forza Italia, Gaspare Giudice, et le sénateur Antonio Battaglia, d’Alliance nationale, ont été mis en examen pour association mafieuse. En outre, le plus important collaborateur de justice a certifié que pour se présenter en politique dans la région, il fallait l’accord de Don Bernardo.

La cavale de Provenzano s’effectue au sein de ce qu’Umberto Santino appelle la « bourgeoisie mafieuse » sicilienne – propriétaires fonciers, professions libérales, entrepreneurs, fonctionnaires, administrateurs en particulier du monde la santé, politiques et mafieux – tous sensibles à sa capacité d’offrir une mafia d’entreprise, davantage modérée dans l’usage de la violence.

Parce que, fondamentalement, le pouvoir mafieux réside dans le contrôle du territoire, il n’est pas possible à un chef de commander depuis l’extérieur. Provenzano résidait donc en Sicile, ce qui n’exclut pas des périodes hors de l’île avant 19933. En 1997, il fut arrêté lors d’un contrôle routier à Traversa (Castelacia) au volant d’une camionnette pleine de foin. Muni de faux papiers, il ne fut pas reconnu par les forces de l’ordre. Cependant, la longévité de la clandestinité de Provenzano était
davantage due à ses complicités qu’à la malchance des forces de l’ordre.

Une enquête policière de très haut niveau

A la fin des années 1990, grâce à un informateur de la mafia – fait extrêmement rare – les enquêteurs disposaient d’un billet écrit de la main de Provenzano. Cependant, la veille du jour où l’informateur devait se présenter au tribunal pour devenir collaborateur de justice, il fut assassiné. A partir de ce moment, les forces de l’ordre furent certaines d’être infiltrées.

Celles-ci ont alors adopté une stratégie de contournement en s’attaquant par étapes aux cercles concentriques qui protégeaient Provenzano. Il y eut 422 arrestations ! En 2001, un de ses lieutenants, Benedetto Spera, fut appréhendé non loin d’une maison où Provenzano attendait de se faire soigner, mais il parvint une fois de plus à prendre la fuite. En 2002, son plus fidèle allié, Antonio Giuffré collabora et confirma que Provenzano n’utilisait jamais le téléphone. Le chef de la mafia ne communiquait qu’à l’aide de petits billets que des intermédiaires faisaient parvenir aux autres affiliés. Les policiers déclenchèrent alors la filature des porteurs de missives.

Fin 2003, Provenzano traversa toute l’Italie en voiture et passa quatre fois la frontière afin de se faire soigner sous le nom de Gaspare Troia, dans une clinique à Marseille. Cependant, pour la première fois, les enquêteurs disposaient de ses empreintes, de son ADN ainsi que de divers témoignages. A la fin de l’année 2004, ils s’attaquèrent à ses alliés dans la région de Palerme, à Bagheria et surtout à Villabate. Dans cette commune des alentours de Palerme, le conseil communal a été dissous en 2001 et 2003 pour infiltrations mafieuses. L’ex-président de ce conseil communal, Francesco Campanella, collabora avec la police, ce qui entraîna de nombreuses arrestations et, très certainement, le retour de Provenzano dans la région.

La surveillance du dernier cercle de complices fut alors confiée à la direction anti-crime (DAC) de la police nationale créée en décembre 2004. En effet, au début des année 2000, des membres de la Direction départementale antimafia (DDA) avaient renseigné des mafieux quant à la pose de micros dans des lieux susceptibles d’être fréquentés par le chef de la Coupole ! La DAC, pourvue d’une cinquantaine d’enquêteurs secrets, est alors confiée au préfet Nicola Cavaliere, celui qui avait arrêté Pippo Calo, le banquier de la mafia des années 1980.

Officiellement, depuis six semaines, des policiers surveillaient les personnes qui entraient et sortaient de la maison familiale où réside l’épouse de Provenzano, en particulier un berger. Cependant, il était impossible pour les policiers de ne pas se faire repérer à Corleone. Ainsi, depuis une dizaine de jours la ferme du berger en question était filmée à l’aide d’une caméra ultra puissante placée sur une colline située à trois kilomètres. Le dimanche 9 avril, des policiers se sont attardés sur un sac de la blanchisserie déposé au domicile de madame de Provenzano, avant d’en perdre la trace dans les dédales de Corleone. Or, le paquet est réapparu à 2 kilomètres, le mardi 11 avril, à 10h30, livré dans cette même ferme sous surveillance. Là, les policiers ont un vu un bras dépasser de la porte de l’étable (cf. Direct 8 : la cavale de Provenzano)

Le mandat d’arrêt a alors été signé par le procureur adjoint de Palerme, Giusseppe Pignatone, et deux juges d’instruction de la Direction départementale antimafia (DDA), Marzia Sabella et Michele Prestipino. Puis à 11h06, le Service central opérationnel (SCO) de la police nationale, avec la coopération des carabiniers et de la Garde des finances a procédé à l’arrestation de Provenzano.

Une arrestation à point nommé

Le procureur en chef de la Direction nationale antimafia, Piero Grasso, confirme que cette arrestation est le fruit « d’enquêtes longues et sophistiquées ». Or, la nomination de ce dernier fut « arrangée » par le gouvernement Berlusconi au dépens de Gian Carlo Caselli, ex-procureur de Palerme, bien plus expérimenté et symbole de l’Antimafia4. Peut-être que ce procureur, à la morale irréprochable mais nommé avec insistance par le pouvoir en place, a préféré agir au moment d’un changement de majorité. Ou bien, les magistrats ont préféré attendre l’issue des élections et profiter de ce moment de flottement dans la vie politique italienne pour passer à l’action. Les déclarations du sous-secrétaire du ministère de l’Intérieur Alfredo Mantova, sonnent comme un aveu : « l’arrestation a eu lieu lorsque les policiers étaient sûrs de l’information, mais même si elle avait pu avoir lieu deux jours avant, cela risquait d’être l’objet d’instrumentalisation pendant la campagne
électorale
».

Par ailleurs, cette arrestation post électorale donne une grande marge de manœuvre aux enquêteurs quant à l’exploitation des 340 Pizzini, les fameux « billets » retrouvés sur les lieux. Ils concernent des appels d’offres et impliquent des personnes jusqu’ici jamais citées dans des enquêtes judiciaires. Au moment de son arrestation Provenzano a déclaré « Vous n’avez pas idée des dégâts que vous faîtes », ce qui en langage mafieux pourrait signifier la fin de la « pax mafiosa »5.

En arrêtant le chef de Cosa Nostra le lendemain de la défaite du centre-droit, les magistrats italiens a démontré son autonomie réelle vis-à-vis du pouvoir politique. Ainsi, les responsables mafieux ne pourront reprocher au pouvoir politique de pas avoir « couvert » Provenzano, dans la mesure ou la droite ne gouvernait plus et la gauche pas encore !


  • 1Cf. Fabrice Rizzoli, « L’Etat italien face au terrorisme mafieux », Actes du colloque « Etat et terrorisme », Démocraties, 12 janvier 2002, éditions Lavauzelle, collection Renseignement et guerre secrète, p. 45.
  • 2Pour le lien entre Berlusconi et la mafia, voir la Note d’actualité CF2R n°35 concernant Dell’Utri (www.cf2r.org).
  • 3Le fils de Bernardo Provenzano maîtrise fort bien la langue allemande et vient d’obtenir un doctorat d’ethnographie sur la civilisation germanique, ce qui ne peut qu’intriguer les enquêteurs.
  • 4Afin que Gian Carlo Caselli ne puisse être nommé par le Conseil supérieur de la magistrature, le gouvernement Berlusconi a introduit un décret-loi pour proroger le mandat Piero Luigi Vigna, le dernier procureur de la DNA jusqu’à son soixante-douzième anniversaire – le 2 août 2005 – alors que son mandat prenait fin le 2 janvier 2005. Par ce biais, la nomination logique de Caselli devenait impossible car il avait dépassé le nouvel âge limite de soixante-six ans !
  • 5Pour appréhender les possibles dissensions au sein de Cosa Nostra, voir la Note d’actualité CF2R n°16 (www.cf2r.org).
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