Un de mes élèves se déchaine
Dans le cadre du cours de CRIMINALITE ORGANISEE ET TERRORISME aux Hautes Etudes Internationales, les élèves sont invités pour le contrôle continu à trouver un article sur la criminalité organisée (merci Crimorg.com) et à le commenter. Un de mes élèves s’est déchaîné sur les mafias italiennes
Communiqué du site crimorg.com, le 13 janvier 2012 :
« Antonio Gagliardi, 41 ans, a été abattu de 5 balles de 7.65 alors qu’il sortait du domicile de sa compagne à Lamezia Terne. Connu pour trafic de stupéfiants, il était surtout un membre de la famille du repenti de la ‘Ndrangheta Umberto Egidio Muraca. On ignore s’il s’agit d’un « simple » règlement de comptes ou d’une « vengeance transversale » visant le repenti. »
A partir de ce communiqué, il est possible de retenir trois grands axes clés démontrant l’implication du
système mafieux dans cette affaire. En effet, au-delà de la simple mention de la ‘Ndrangheta, organisation mafieuse calabraise, on peut retenir deux autres éléments principaux montrant l’empreinte d’un système criminel de type organisé (et non de type gang local) dans cette affaire : le lien avec le trafic de stupéfiants, ainsi que la méthode utilisée du règlement de comptes (la vengeance transversale…). Détaillons en quelques lignes les points clés montrant un rouage du système mafieux abordé par le prisme de l’élimination d’un de ses membres.
I) Le trafic de stupéfiants au cœur de l’affaire
– 11eme critère de la Commission Européenne (retravaillé par le groupe d’experts sur le crime organisé du Conseil de l’Europe en 1997) => l’organisation agit pour le profit et le pouvoir.
– Or, le trafic de drogue reste l’activité la plus rentable avec 27,24 milliards d’euros par an (62 % du revenu total (cf. (cf. United of colors of dealers).)
– 80 % de la cocaïne en Europe, transite par la `Ndrangheta en Italie (cf. ‘Ndrangheta export).
– La Ndrangheta a supplanté la Cosa Nostra pour le trafic de drogue, notamment en provenance de Colombie et sous l’influence de Toto Miceli et de Stefano de Pascale (coordinateur financier).
II) Le lien avec la ‘Ndrangheta
– Selon le dernier rapport d’Eurispes, institut de données économiques, sociales et politiques sur le crime organisé en Italie, la `Ndrangheta, la mafia calabraise, serait devenue la plus riche et la plus puissante organisation criminelle d’Italie, devant Cosa Nostra cf. « mafia number one » .
– Cette analyse confirme le dernier rapport de la commission parlementaire antimafia et des services de
renseignements italien (art 13). Récemment, les États-Unis ont décidé d’inscrire sur sa liste noire la `Ndrangheta comme étant l’organisation criminelle la plus puissante au monde, considérant que la mafia calabraise avait infiltré une grande partie de l’économie américaine.
– Au-delà de la criminalité en réseau, cet article court évoque le lien avec la criminalité organisée de type « aristocratique » : Gigliardi était un « homme d’honneur » appartenant à la famille (subdivision de la structure mafieuse) d’un repenti (Umberto Muraca).
– Notons à ce titre qu’il y a beaucoup moins de repentis dans la ‘Ndrangheta que dans la Cosa Nostra : les liens entre « honneurs d’honneur » sont plus forts et le verrouillage des « institutions mafieuses » plus étroit.
III) La méthode du règlement de comptes et les rites mafieux
– Le code d’honneur des mafias permet le « règlement de comptes » entre mafieux, si un litige oppose des hommes d’honneur, mais la vendetta n’a pas pour objective d’être transformée en « vengeance transversale ». Dans ce cas de figure dangereux pour la structure mafieuse, des familles s’opposent pour le contrôle des territoires (ex : une famille empiète sur le territoire d’une autre). La commission provinciale (mafieuse) qui règle normalement les conflits au niveau d’une province (subdivision du territoire) entre familles semble avoir perdu de l’influence ou autorisé la suppression d’un gêneur (après préavis), dont les liens avec un repenti pouvaient constituer un danger. (ex : collaboration avec les autorités). Rappelons à ce titre que l’engagement dans la structure mafieuse, contracté parfois dès 14 ans, est initiatique (on signe avec du sang versé), et irréversible : on ne peut quitter la mafia (sauf en changeant d’identité et de pays).
– Ceci est rappelé par les critères 4 et 7 de la Commission Européenne retravaillés par le groupe d’experts sur le crime organisé du Conseil de l’Europe (1997) : « forme de discipline et de contrôle » « recourant à la violence ou à d’autres moyens d’intimidation ». (Ex : Massacre de Duisbourg de 2007 => on s’est mis à connaître la ‘Ndrangheta peu à peu.)
– La mafia est une société secrète et non un gang. On n’y rentre pas par copinage, mais par initiation. Il s’agit d’une cérémonie lors de laquelle le « novice » est piqué au doigt par son « parrain » (le représentant d’une famille) ; lorsque coule une goutte de sang, ce dernier avertit « Ceci est un lien de sang. Ton allégeance à Cosa Nostra (Notre Chose) est scellée par le sang. Si tu viole ton serment, ton sang coulera ».
Samuel Rimbaud