Mafias : ancrage local, pouvoir transnational

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L’étude du phénomène mafieux amène à penser les notions de territoire et d’expansion. On constate souvent qu’une mafia ne peut se démunir du contrôle d’un territoire donné (cf. ‘Ndrines, armes et contrôle du territoire) mais tire aussi profit de la mondialisation  (cf. Vengeance transversale ou conséquence de la mondialisation?) au point  d’être une force transnationales (cf. ‘Ndrines transnationales).

Nous publions ici un mémoire universitaire (résumé et texte intégral en PDF) qui traite de cette dualité. Il est écrit par Céline Torrisi, diplômé de l’IEP de Grenoble et actuellement en master 2 recherche « Administration, Droit et Développement Territorial »  à la faculté de droit de Grenoble. Celine Torrisi prépare un doctorat (quelle idée! cf. Mafias italiennes et relations internationales) en co-tutelle avec l’université Federico II de Naples sur un des deux thèmes suivants: « Etat, mafia et territoire: la structuration territoriale de l’Etat à l’épreuve du crime organisé, l’exemple de l’Italie » ou sur « le phénomène des infiltrations mafieuses au sein des administrations locales. » Sur le plus long terme, Céline pourrait préparer les concours de la magistrature en Italie (elle doit être subversive puisque d’après le président du Conseil, les magistrats sont dans la logique du coup d’état). Celine  Torrisi est retournée vivre en Italie depuis 4 ans, ( aucun avenir pour elle donc 🙂 ), ce qui n’a fait que confirmer sa passion pour la vie politico-institutionnelle de ce pays (irrécupérable!).

Résumé :

paridis fiscaux carteDepuis le 11 septembre 2001, les démocraties occidentales n’ont de cesse de focaliser leur attention sur un élément qu’elles considèrent comme leur plus grande menace : le terrorisme. De cette façon elles semblent laisser de côté un autre danger : la criminalité organisée. Le choix des mots n’est pas anodin. L’effet que l’on désire susciter est altéré selon que l’on parle de criminalité organisée ou de mafia. En effet parler de la criminalité organisée confère davantage de pesanteur au discours et peut être davantage de crédit. Cependant parler de la mafia fait souvent sourire, ou suscite une certaine fascination chez les individus. Pourtant ces deux expressions désignent un même phénomène, bien plus redoutable qu’on ne se l’imagine et ce pour plusieurs raisons. D’une part parce que la mafia n’apparaît que comme un mythe pour la grande majorité des individus. D’autre part parce que la lutte contre la criminalité organisée est devenue un objectif secondaire tant au sein des Etats occidentaux qu’au sein des organisations internationales. Enfin parce que contrairement à ce qu’on pourrait nous laisser croire les mafias ont su parfaitement s’adapter au processus de la mondialisation. Ce dernier a même accentué le danger qu’elles représentent. Si la criminalité organisée n’a jamais été un phénomène purement et uniquement sicilien, il n’empêche que le processus de mondialisation, compris comme un processus neutre de diffusion de certaines normes traduites au niveau local par l‘ Etat, a largement favorisé la criminalité organisée lorsqu’il ne l’a pas renforcé. La facilitation des communications et des déplacements, la déréglementation de l’économie, la création d’un espace mondial ouvert ont eu des conséquences néfastes dont le renforcement et l’expansion des mafias.
Affirmer que le processus de mondialisation a eu des effets négatifs ne doit pas être interprété comme relevant d’un dialogue altermondialiste. Notre but n’est pas d’expliquer exhaustivement le processus de mondialisation de la criminalité organisée mais d’essayer de voir en quoi la mondialisation a fait des mafias des puissances capables de contrôler un territoire local tout en rayonnant sur la scène de l’illégalité transnationale. Ainsi nous partirons d’un constat : la criminalité organisée est aujourd’hui un phénomène transnational. Mais les mafias présentent une caractéristique particulière : pour exister elles ont besoin d’un ancrage local sans lequel elles sont comme la pieuvre sans la tête, vide de toute capacité d’action. Ce n’est que par souci d’étendre leur puissance qu’elles se sont mondialisées. On se demandera alors comment il est possible qu’une organisation transnationale, illégale, menace d’envergure pour les démocraties les plus solides, organisation à l’origine de nombreux détournements de fond, de catastrophe sanitaire telle la crise des déchets à Naples, retienne si peu l’attention des organisations internationales, des Etats, et des individus ? Selon nous, les mafias sont aujourd’hui des réalités qui ont su tirer profit de la mondialisation mais dont la nature réelle est voilée par la persistance d’un mythe au sein de l’imaginaire collectif. Aussi nous semble-t-il que les mafias opèrent un va et vient constant entre mondialisation et ancrage territorial. Or les Etats et les organisations internationales sont impuissants face à au nouveau visage de la
criminalité organisée.
En s’appuyant sur l’exemple de la crise des déchets à Naples, symbole de la puissance de la Camorra et de la faiblesse de l’Etat italien on s’attachera à démontrer que la mondialisation permet à la mafia de s’ériger en puissance transnationale en intégrant illégalement l’activité légale(I). Mais elle lui permet également de renforcer sa territorialisation par le contournement discret des normes internationales et nationales (II). Ce contournement est d’autant plus dangereux que les Etats et les individus ne semblent s’attacher qu’aux phénomènes visibles et exceptionnels et non aux phénomènes invisibles et constants comme la criminalité organisée (III).

Le mémoire :

 

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